CHAPITRE LXXVI - DANS LA TOILE

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Jorge n'en croyait pas ses yeux. En soulevant la trappe, il s'attendait à faire une sordide découverte, horrible et répugnante, mais ce qu'il découvrit l'effraya beaucoup plus : sous le manoir décrépi se trouvait un réseau de souterrains absolument tentaculaire, une galerie creusée à même le sol dont il était impossible de trouver la fin. Les parois rocheuses, imbibées d'un mucus gluant, empestaient d'une odeur répugnante, mais Jorge parvenait malgré tout à discerner celles de ses amis. En fermant les yeux, ils parvenaient à les isoler. Bien qu'elles soient faibles, il pouvait les pister. Il se concentra sur l'odeur la plus forte, celle de Jun, un parfum puissant mais délicat qui lui rappelait les odeurs chaleureuses de la cuisine. A contrecœur, il se glissa donc sous la trappe, descendit les quelques marches qui le séparaient de la galerie, et s'enfonça dans l'obscurité en sanglotant.

Arpentant les tunnels souterrains avec toute la discrétion dont il pouvait faire preuve, Jorge sursautait parfois en entendant un cliquetis, un grognement, voire un cri. Les galeries étaient plongées dans le noir, et seul son flair lui permettait de s'orienter. Il marcha comme cela, à tâtons, pendant près d'une demi-heure, revenant parfois sur ses pas, perdant puis retrouvant l'odeur de Jun.

Les galeries étaient véritablement immenses, et aux longs tunnels s'ajoutaient des pièces, de petites salles ou chambres aux mures de pierres, gardées par de grosses et lourdes portes de bois. Par endroits, celles-ci présentaient des traces de moisissures, car l'humidité qui régnait en ces lieux était très forte.

La piste de Jun mena Jorge à une galerie plus grande que les autres, au bout de laquelle il pouvait apercevoir une faible lueur. Il s'approcha doucement, faisant tous les efforts possibles pour ne pas être repéré. Cette galerie menait sur une gigantesque salle, au plafond élevé, où brûlaient de nombreuses chandelles. De longues stalagmites rocheuses s'étendaient du sol au plafond, comme de grands piliers de pierre inamovibles. Au centre, comme dans une arène, un étrange spectacle se tramait, et Jorge manqua de pousser un cri en en découvrant la nature.

Arthur était attaché dans une gigantesque toile, semblable à un cocon, sur lequel des centaines de petites araignées noires grouillaient. Son visage, épuisé et couvert d'hématomes, était fermement tenu par la main d'une petite femme, qui le fixait droit dans les yeux.

- Tu ne veux vraiment pas me dire ce que tu fais ici, soldat ? Comment es-tu arrivé sur celle île, que sais-tu de nous ? Qui t'a envoyé ? Parle ! aboya-t-elle.

La petite femme, aux cheveux rose coupés très court, était vêtue d'une ample robe gothique qui lui donnait des allures de lolita. La partie inférieure de son visage était couverte d'un masque de dentelle assorti à sa robe, et ses grandes pupilles noires fixaient Arthur droit dans les yeux. Quand elle resserra son emprise sur lui, il tenta bien de se débattre, mais son cocon était trop solide.

- Je sais que tes amis sont sur l'île, mais les officiers vont très bientôt les éliminer. Ne compte pas sur eux pour te sauver, et dis-moi plutôt ce que je veux savoir avant que je ne te tue ! continua-t-elle.

Arthur demeurait silencieux, le visage grave. Il ne parlerait pas. Admirant le courage de son capitaine, Jorge décida d'agir. Mais alors qu'il allait se ruer sur la tortionnaire, patte en avant pour frapper, il fut retenu de justesse par une main posée dans son dos. Il manqua à nouveau de crier en découvrant Jun, le visage elle aussi ecchymosé, mais elle lui intima de rester silencieux et l'entraîna loin de la grande caverne. Dans le chemisier de la jeune femme, le petit Peck était caché. Elle conduit son ami dans une petite pièce isolée et il se jeta alors sur elle pour la serrer dans ses bras.

- Merde, Jun... ! J'ai eu si peur ! pleurait-il.

- Oui, bon... On va pas y passer la nuit ! Où est Zell ? Vous ne vous êtes pas fait repérer, j'espère !

Jorge regarda ses pieds, penaud.

- On a été séparés dans la forêt... Deux officiers nous sont tombés dessus.

- C'est pas vrai... rumina-t-elle.

- Mais toi, ça va ? enchaîna-t-il avant qu'elle puisse répondre. Comment Arthur est...

- Quand on est arrivés, on a tout de suite aperçu le manoir, qu'on s'est fixé comme objectif. Mais avant qu'on puisse pénétrer dans la forêt, les officiers nous ont repérés. On a abandonné Lotta en vitesse pour fuir, mais ils étaient trop nombreux... Une rockstar ridicule aux allures de moustique, une anorexique timbrée en tutu... Bref, encore un équipage de cinglés. Ils n'étaient pas particulièrement puissants, mais les cadres se sont joins à eux, notamment cette fille. Les araignées qu'elle commande nous ont tendu un piège et on s'est fait entoilés avant de nous en rendre compte.

- Mais pourtant tu es là, fit remarquer Jorge.

- Alors qu'ils nous ramenaient dans leur manoir, Arthur a utilisé le Pied Ouragan pour me libérer de la toile qui m'entravait. Aussitôt, ils se sont tous jetés sur lui, mais j'ai eu le temps de m'enfuir. J'ai attendu qu'ils disparaissent, puis je me suis mise à sa recherche et j'ai découvert cette trappe, sous le vieux tapis.

- Je vois... Pour l'heure, la priorité est donc de libérer Arthur. Zell va bien, j'en suis sûr. J'imagine que vous n'avez pas de piste concernant Haru ?

- Depuis que j'ai infiltré ces souterrains, ma priorité était de libérer Arthur. Je réfléchissais depuis tout à l'heure, mais...

- Ils sont là ! hurla soudain une grosse voix.

Avant que Jun puisse achever son récit, le mur de la pièce fut pulvérisé, et les deux soldats s'effondrèrent au sol dans un déluge de débris.

- Aïe ! s'écria Jorge, dont les yeux étaient aveuglés par la poussière. Jun, ça va ?

- Rien de cassé, oui. Il faut qu'on se barre, vite !

Dans la panique, aveuglés par le nuage de poussière, ils ne virent même pas leur assaillant se jeter sur eux.

- Beetle Beat ! s'écria-t-il de sa grosse voix rauque.

Jorge, frappé en plein thorax, fut aussitôt projeté contre le mur. Lorsque la poussière retomba, il découvrit le visage de son ennemi : un énorme type, large et haut comme deux hommes, recouvert d'une épaisse armure qui ne laissait apparaître que son visage grossier et rougeaud. Au-dessus de sa tête, une corne en forme de Y se dressait, menaçante.

- Ils sont là ! hurla-t-il de nouveau. Ils sont là !

Tandis que Jorge se relevait péniblement, il jubila : l'idiot n'avait même pas vu que Jun, derrière lui, s'apprêtait à le hacher menu. Mais alors qu'elle allait éliminer leur adversaire, une seconde fit son entrée en scène. Sa peau noire contrastait avec la blancheur de ses cheveux, son corps recouvert d'une tunique d'un vert des plus voyants. Dans chacune de ses mains, elle portait une faucille aiguisée dont elle se servit pour repousser la jeune cuisinière en un éclair.

- Surveille tes arrières, Rhino ! Celle-ci a bien failli t'avoir !

- Merci bien, Mantis ! lui répondit-il du tac au tac.

Jun et Jorge, dos à dos, s'apprêtaient à faire face à l'homme scarabée et à la femme mante. Ils se doutaient bien que si les officiers n'étaient encore que deux, d'autres ne tarderaient pas à arriver... 

MARINES - A ONE PIECE story (FRENCH) - Partie IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant