CHAPITRE CLI - HALLOWEEN

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Un cri perça les tympans de Jun alors qu'elle se hâtait de regagner le port. Zell et Haru, devant elle, se retournèrent comme d'un mouvement commun. L'un des enfants perdus, un petit garçon aux cheveux d'un blond si clair qu'ils paraissaient presque blancs, était tombé à genoux. Il tenait fermement son visage et hurlait comme un damné, comme un être en souffrance profonde. Aussitôt, Jun s'était jetée à ses côtés et l'avait saisi par les épaules.

- Que se passe-t-il ? Tu as mal ? Parle-moi !

Il retira doucement ses mains de son visage et elle eut un mouvement de recul, de surprise et de dégoût à la fois : l'œil droit de l'enfant était maintenant d'un noir de jais, éclairé d'une pupille aussi rouge que le nez d'Arlequin. Juste au-dessus, une protubérance noire semblait percer sa peau blême : une corne poussait.

- Merde, il lui arrive la même chose qu'à ces clowns ! s'écria Zell. Il est en train de se transformer en monstre !

- Mais je croyais que les pouvoirs d'Arlequin ne s'étendait qu'aux monstres qu'il avait créé ? répondit Jun en le regardant avec panique.

Une lueur d'inquiétude lui traversa le visage et ils se tournèrent tous les deux vers Haru pour l'interroger du regard.

- Je... J'ai lu quelque chose dans un livre, à ce sujet.

Zell et Jun échangèrent un regard rassuré qui, malgré l'urgence de la situation, traduisait la lueur d'amusement qui les habitait : Haru avait « lu quelque chose dans un livre » à propos de tous les sujets. Elle était leur encyclopédie de bord.

- Certains utilisateurs de fruits du démon, de Paramécia notamment, parviennent à atteindre un stade de maîtrise supérieur appelé « éveil » : les propriétés de leurs pouvoirs s'étendent alors à leur environnement direct. Dans le cas d'Arlequin, qu'on dit vieux comme le monde, cela ne m'étonnerait guère qu'il y soit parvenu...

- Tu veux dire que ce salopard peut se changer lui-même, mais aussi les autres, en monstre assoiffé de sang ?

- Sans doute...

Elle leva les yeux vers La Notte, qui projetait son ombre sur eux.

- Ce gigantesque dôme permet sans doute l'extension de ses pouvoirs. C'est pour cela qu'Arthur veut qu'on le détruise ! Si l'on parvient à l'arrêter, peut-être que les transformations cesseront.

- Alors il faut faire vite, sans quoi on risque de se retrouver avec une horde de monstres sur les bras.

Déjà, l'enfant contaminé commençait à gémir de douleur. Dans son dos, une queue semblait prête à percer sa peau.

...

Lonny « Long Long » et Wilson l'homme-homard portaient à bout de bras le corps épuisé de Jorge. Celui-ci était encore conscient mais, épuisé par son combat contre le colossal Pagliacci, haletait comme une bête et semblait complètement paralysé. Il se contentait d'essayer de joindre ses camarades en se laissant porter comme une planche, ses yeux inquiets tournés vers le ciel.

- Foutu réseau... souffla-t-il. La communication avec ton père a été coupé, petit. Mais je te promets qu'on va le retrouver très vite !

Hataro lui offrit un sourire plein d'espoir. Koo-Koo la femme à plumes et Annie la barbue veillaient à sa protection en le tenant par les mains, comme deux figures maternelles et protectrices. Ils n'avaient pas quitté le Chapiteau depuis longtemps, mais les ruelles désertes où résonnaient les cris terrifiés des derniers visiteurs leur inspiraient la plus grande anxiété.

- Quelle angoisse, cet endroit... souffla Jane avec ennui. C'est vraiment l'île la plus glauque qui soit.

- Le fruit du monstre d'Arlequin lui permet de transformer son royaume en véritable musée des horreurs, expliqua Rosa de sa voix angélique. Il n'était jamais allé aussi loin, cependant. Quelque chose a dû mal tourner...

Jane observa le ciel d'un air inquiet.

- Jorge ? appela-t-elle en s'approchant de son camarade immobilisé. Je vais voler jusqu'au Falcon aussi vite que possible. Ça me permettra de le préparer en vitesse et d'être prêts à toutes les possibilités. Arthur n'approuverait peut-être pas ma décision, mais je pense que c'est la meilleure chose à faire...

Jorge ne put s'empêcher de sourire à ses sarcasmes. Les directives d'Arthur étaient pour lui absolues, il les suivait avec un sérieux presque religieux. Mais il ne pouvait qu'admettre qu'il était touché que Jane ait volé à son secours dès qu'il avait été enlevé.

Alors qu'elle partait, il la rappela et lui tendit son poing.

- Fais attention. D'accord, pirate ?

Elle éclata de rire et leurs poings se cognèrent en signe de salut. Puis, sans plus attendre, elle décolla et disparut dans les airs. Mais alors qu'il la regardait se fondre dans l'air et fuser telle une tornade, un cri l'arracha à sa contemplation, comme un brusque retour à la réalité. Rosa désignait, de son doigt tendu, une ombre qui se précipitait sur eux.

- Un monstre ! criait-elle.

- Un monstre ? Je dirais plutôt des monstres ! corrigea Lonny.

Comme une marée noire et agressive, une horde de clowns mutants fonçait vers eux. Leurs griffes crissaient contre le sol, leurs queues battaient l'air saturé de tension. A l'appel de leur maître, ils étaient devenus des bêtes assoiffées de sang, prêtes à tuer et dévorer. Lentement, Lonny et Wilson déposèrent Jorge sur le sol et se tinrent prêts à faire face.

- Désolé, vieux, mais on ne va pas avoir le choix : ces monstres sont bien trop rapides pour que l'on puisse les fuir et trop puissants pour qu'on puisse les affronter en continuant de te porter. Alors en attendant qu'on ait fini le travail, ne bouge pas.

Jorge, complètement immobile sur le sol, lui jeta un regard blasé.

- Ça risque pas...

Et tandis que les Freaks se tenaient prêts à combattre, Rosa et Hataro rejoignirent le blessé en retrait.

- Soyez prudents ! cria Rosa à son aimé et à ses amis.

Lonny lui adressa un clin d'œil, puis se retourna pour faire face à la horde. Déjà, il pouvait sentir leur odeur putride, entendre leurs râles bestiaux.

- Tenez-vous prêts ! cria-t-ils aux Freaks comme à des troupes.

L'impact fut si grand qu'il les fit tous tomber à la renverse. Les monstres, considérablement renforcés par l'appel de leur père, étaient maintenant aussi puissants que dix hommes. Ils n'avaient plus rien des clowns d'autrefois. Alors que Rosa et Hataro hurlaient de terreur, que Jorge ne pouvait qu'assister impuissant au spectacle, les valeureux Freaks furent submergés par la horde qui les assaillit. Et tandis qu'ils hurlaient de douleur et de terreur, Jorge serra le poing. « Bouge, ordonna-t-il à son corps paralysé par l'épuisement. Bouge ! » Derrière lui, l'ombre du Chapiteau en ruines semblait le moquer, comme si le fantôme du terrible Pagliacci le hantait.

Mais alors qu'il demeurait impuissant, que le visage de Rosa disparaissait sous un torrent de larmes, un hurlement furieux surpassa tous les autres cris :

- Salvaje Herida !

Pulvérisée par l'éclair qui la transperça, la horde fut dispersée, laminée, déchiquetée. Les monstres repoussés s'envolèrent, parfois en morceaux, retombant en pluie noire et gluante. Et tandis que les Freaks se relevaient et reprenaient leur souffle, que Rosa courait dans les bras de son amant, un hurlement de joie éclaira l'obscurité de La Notte.

- Père !

L'enfant était tombé à genoux. On ne voyait plus que son sourire. Comme un reflet, la même joie rayonna sur le visage du Lion Rouge lorsqu'il ôta son masque. 

MARINES - A ONE PIECE story (FRENCH) - Partie IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant