CHAPITRE CLXIII - LE CONSEIL DU ROI

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Dans la grande salle de la forteresse de Brocelott, les proches conseillers de l'Empereur se pressaient autour d'une grande table de pierre, aussi ronde qu'une meule de fromage bien faite. Lancelot, le chevalier à la longue cape de satin bleue, siégeait au côté de son maître comme un bon limier. Morgane, de l'autre côté, tortillait une mèche de cheveux dorés entre ses doigts, visiblement excitée par ce rassemblement exceptionnel. Il y avait aussi le chevalier Gauvain, Bédivère, et bien d'autres pirates qu'Arthur ne connaissait pas, ou alors seulement de réputation. Lui-même était entouré de ses propres hommes, le groupe au complet étant massé à l'autre bout de la table, aussi mal à l'aise que des enfants perdus à un sommet politique. Autour d'eux, l'assemblée était très agitée et tous s'activaient pour apporter à l'Empereur de quoi écrire ou boire. Mais bien vite, il se lassa de ce remue-ménage et congédia tous ses hommes d'un mouvement sec de la main. Finalement, ne restèrent autour de la table que ses plus proches conseillers, ses trois fines lames. Le dernier à sortir ferma doucement la porte et, bientôt, le silence régna. Les discussions pouvaient débuter.

- Bien, souffla l'Empereur pour ouvrir la conversation. Avant toute chose, je tiens à faire les présentations officielles : voici Juraquille Lancelot, commandant de ma première flotte, King D. Morgane, commandante de ma deuxième flotte et, enfin, Gauvin, commandant de ma troisième flotte. Ils sont les piliers de mon organisation, mes hommes de confiance et les plus puissants guerriers de mon équipage. Quant à vous, je vous présente Arthur, capitaine de Justice.

Il marqua un temps d'arrêt et planta son regard de rapace dans les yeux du chevalier d'or.

- Mon fils.

Les deux chevaliers connaissaient déjà la nouvelle, mais le gigantesque Gauvin ne put s'empêcher de sourire en regardant Arthur de ses yeux attendris et presque niais.

- C'est fou ! s'écria-t-il avec émerveillement. Il vous ressemble comme deux gouttes d'eau, capitaine ! Et à Morgane-chérie, aussi !

Aussitôt, il se tourna vers la jeune femme et tenta de l'embrasser, mais elle lui assena une gifle si violente qu'il manqua d'en perdre son heaume. Lancelot, agacé par cette situation visiblement habituelle, se contenta de lever les yeux au ciel.

- Fous-moi un peu la paix, Gauvain ! souffla Morgane en repoussant une nouvelle tentative de son prétendant. Je ne suis pas un morceau de viande sur lequel le clébard que tu es peux se jeter à sa guise.

En tandis qu'il affichait un air déçu (voire désespéré), elle se tourna vers Lancelot. Son regard brillait maintenant de mille feux.

- En revanche, mon beau Lancelot, je suis toute à toi si tu le souhaites !

Et alors que les jérémiades de Gauvin redoublaient, Lancelot leva à nouveau les yeux au ciel. L'Empereur semblait quant à lui dépassé par la situation, si bien que son regard d'aigle habituellement si noble semblait maintenant se perdre dans le vide.

- Arrêtez donc vos enfantillages, bande d'abrutis ! souffla-t-il d'un air exaspéré. Vous me faites honte ! Gauvain, tu me feras mille pompes pour prouver ta force à nos invités. Morgane, tu feras quant à toi mille tractions. C'est compris ?

Et tandis qu'ils acquiesçait doucement, laissant Arthur et ses amis dans la confusion totale, l'Empereur revint au sujet de leur discussion. Il fouilla dans sa cape et jeta sur la table un journal récent, où la photographie d'Edouard prenait toute la première page. « L'homme le plus fort du monde », disait les gros titres.

- Vous avez vu ça, pas vrai ?

Arthur acquiesça doucement.

- Un dossier complet réservé à l'amiral en chef, où il est présenté comme le plus puissant soldat de l'histoire de l'humanité. Mais là n'est pas ce qui m'intéresse.

Ses grandes mains saisir le journal et le feuilletèrent rapidement. Il leur présenta une double page où un paragraphe était entouré d'un trait de plume.

- « La confiance du Gouvernement en ce nouvel amiral en chef est telle qu'il lui laisse une marge de manœuvre inédite : désormais, il sera considéré comme égal au Cinq Doyens, la plus haute instance du monde, dans la hiérarchie des pouvoirs », lut Arthur à haute voix.

Il se souvenait d'avoir lu cette phrase et d'avoir senti son cœur se serrer d'inquiétude. Edouard était déjà redoutablement puissant, mais le savoir gagner en force politique ne présageait rien de bon. Le visage de l'Empereur était grave, mais bien plus encore le fut sa voix.

- Vous savez ce que cela signifie, n'est-ce pas ?

Tous demeurèrent silencieux, ne sachant pas quoi répondre à une question qui pouvait engendrer tant de réponses. Comme à son habitude, la voix de Haru s'éleva telle une lumière dans la pièce où, déjà, s'étendait l'obscurité du crépuscule.

- Pourquoi les Doyens et le Gouvernement lui auraient-ils donné un tel pouvoir ? Après tout, la Marine a toujours servi le Gouvernement. Ils travaillent certes en binôme, mais n'ont jamais été au même plan hiérarchique...

Un grand sourire de loup se dessina sur le visage de l'Empereur.

- Brillante jeune fille. Je vois dans ses yeux l'ingéniosité de ma chère Ygrine.

Elle rougit aussitôt, ne sachant si elle devait être flattée ou offensée par une réflexion qui relevait autant de l'intime.

- Edouard possède des cartes dans sa main, expliqua Utyr, qui nous sont encore inconnues. Les Doyens ne lui ont pas donné ce pouvoir, il l'a pris.

- Il l'a pris ? répéta Zell. Mais comment ?

- Par la force, évidemment. Il doit posséder un moyen de faire pression sur eux dont nous ignorons tout.

Tous demeurèrent muet. Une forme de malaise s'installa dans l'assemblée, qu'Arthur reconnut aussitôt : la peur, celle du Léviathan. Seul l'Empereur demeurait brave et droit à l'évocation de cette menace.

- Mon armée dispose de deux mille chevaliers surpuissants, dont vingt sont de grades supérieurs, capables de rivaliser avec de puissants officiers de la Marine. Et vous ?

Arthur interrogea ses camarades du regard puis, naïvement, se mit à les compter.

- Nous sommes huit, ici présent. Une quinzaine de guerriers Powathis nous attendent à notre base.

Les quatre chevaliers semblèrent frappés par la foudre.

- Quoi ?! s'écria Utyr. Ce sont là vos seules forces ?

- Mais chacun de mes hommes en vaut dix ! s'empressa de répondre Arthur avec fermeté. Croyez-moi, ils sont assez forts pour...

- Assez forts pour affronter les cent mille soldats de la Marine, les quinze mille agents du Gouvernement ?! Et que dire d'Ankou et Luci qui veulent notre peau et sèment la mort dans le Nouveau Monde ?

Dans son élan, il s'était levé de son trône et semblait furieux. Il jetait à la tablée des regards terribles, comme s'il regrettait leur alliance à peine établie. Puis, las, il se laissa retomber dans son siège.

- Enfin, souffla-t-il, j'imagine que toute aide est bonne à prendre.

Il saisit sa tête de ses deux mains et sembla se laisser absorber tout entier à une transe réflexive.

- Nous n'avons pas le choix, je vais devoir aller à sa rencontre.

- Elle ? Vous pensez qu'elle est encore en vie ? souffla Morgane d'un air ébahi.

- Elle ? répéta Arthur d'un air intrigué.

- La femme la plus puissante du monde, répondit Utyr. 

MARINES - A ONE PIECE story (FRENCH) - Partie IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant