CHAPITRE CXLIV - L'HONNEUR DU CHEF POWATH

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Même dépouillé de sa lame, la puissante Garra, il était parvenu à prendre l'ascendant sur son adversaire, le terrible Auguste. Mais depuis que celui-ci, fou de rage, avait avalé d'un coup une trentaine de Yellow Pills, le seul fluide du chef powath ne lui suffisait plus.

Auguste n'avait plus rien d'un homme. Son corps maigre, caché derrière une armure de bois, de fer et d'or, avait gonflé jusqu'à atteindre des proportions démesurées. Ses membres se tordaient de manière anarchique. Derrière le masque du Lion Rouge, dérobé à son adversaire, ses yeux rouges et injectés de sang brillaient comme ceux d'un démon. De sa bouche tordue dans un sourire figé coulait un flot de bave luisante et verdâtre, aussi acide que le plus toxique des produits chimiques. La Yellow Pill offrait, en petite quantité, les mêmes effets que les toutes les autres réunies : la force de la Red Pill, la désaffection de la Blue Pill, l'euphorie de la Green Pill. Mais en en avalant autant, Auguste avait atteint le point de non-retour. L'overdose.

- Prendre... Tout te prendre... Tuer... grinçait-il en ravageant tout sur son passage, comme une bête déchaînée.

Le fou était à la recherche de sa proie, qui se terrait avec sagesse pour l'observer. Kegaro avait dû battre en retraite pour analyser la situation et nouer un garrot à son bras, qui saignait abondamment : Auguste n'était pas un grand guerrier, pas même un grand combattant. Mais dans la main de la bête folle et meurtrière qu'il était devenue, la Garra demeurait des plus mortelles. Il avait été si vif à frapper que Kegaro avait à peine eu le temps d'esquiver, sa propre lame lacérant sa peau comme la griffe de quelque monstre assoiffé de sang. Le chef powath laissa échapper un grognement de douleur lorsque le garrot serra son bras, puis il se pencha contre le mur derrière il était caché pour mieux voir son adversaire. Son fruit de l'assemblage lui avait permis de greffer la Garra à l'armure de son bras, mais les objets qui composaient cette étrange protection n'en étaient pas pour autant fusionnés : liés par une sorte de magie, ils collaient les uns aux autres et permettaient à l'utilisateur de se constituer une véritable combinaison de combat. Un sourire provocateur se dessina sur les lèvres du Lion Rouge : s'il parvenait à arracher la Garra à ce pitre pour lui reprendre, il ne lui faudrait qu'un coup pour le neutraliser. Il en était sûr. Mais il fallait parvenir à approcher le monstre qu'Auguste était devenu.

Kegaro opta pour une diversion : il attrapa un fragment de marbre brisé qui gisait sur le sol et, d'un geste, le jeta à l'autre bout de la pièce. Les sens d'Auguste, aiguisés par les effets de sa drogue, perçurent aussitôt le choc et il tourna son gros corps dans la direction du bruit. Cette seconde fut suffisante : d'un bond vif et agile, Kegaro bondit sur son adversaire et serra ses bras autour de sa nuque. Comme un chien fou, Auguste grogna, puis rugit :

- Sale... Sauvage... Meurs !

Il se débattit autant qu'il put, mais cela n'y faisait rien : Kegaro était fermement accroché à son cou et la carrure trop large de l'épaisse armure ne permettait pas à son possesseur d'atteindre son dos, où l'ennemi, comme une tique sur un colosse, était logé. Furieux, il grogna de nouveau et, au rythme de son souffle furibond, ses muscles se gonflèrent sous l'effet des Rainbow Pills. L'armure, repoussée de l'intérieur par le corps déformé, se tordit et se craquela. Déstabilisé par ce soudain gonflement, Kegaro relâcha sa prise une seconde, la seconde de trop : Auguste se débattit de nouveau puis, alors que son adversaire lâchait prise, l'attrapa par la jambe. Alors, d'un mouvement plein de rage et de folie, il le projeta la tête la première contre le sol, comme un enfant benêt aurait tenté de fracasser sa poupée. Il frappa, encore et encore, sans relâche, jusqu'à ce que le sol doré se fissure et menace de céder. Kegaro avait recouvert son corps de fluide pour encaisser les chocs, mais ils étaient si violents et si nombreux que sa protection s'affaiblit, ses os pourtant solides craquant au rythme des coups. Auguste le souleva dans les airs, pendu par la jambe comme un beau jambon, à la hauteur de son visage. Son nez de clown semblait le renifler, de ses lèvres déformées coulaient une bave toujours plus verte. Il était prêt à dévorer l'humain qui lui faisait face. Il avait complètement perdu la raison. Il n'était plus qu'un monstre.

- Sale... Sauvage... ! cria-t-il de nouveau en ouvrant la bouche, révélant de grandes dents désaxées.

Mais Kegaro n'était pas qu'un simple combattant : il était un redoutable guerrier, le chef de la tribu powath, le Lion Rouge. Il en fallait beaucoup plus pour le vaincre. Surtout qu'il se battait pour ses attributs, pour son honneur, pour son fils. Alors, rugissant comme un fauve furieux, il projeta d'un mouvement souple et vif sa jambe libre dans le visage tordu de son adversaire. A l'impact, toutes ses dents se brisèrent d'un coup et il se mit à hurler comme un fou. Et alors qu'il allait le frapper de nouveau contre le sol, Kegaro balança un nouveau de coup de pied qui, aussi vif et puissant qu'une balle de pistolet, pulvérisa la main d'Auguste. Ses doigts se tordirent de douleur tandis qu'il relâchait sa proie et il se mit à hurler de nouveau :

- Le grand Auguste... tuer... sauvage !

Alors qu'il projetait sur le powath ses grandes mains déformées par l'overdose de Rainbow Pills, il perçut dans celles de son adversaire un éclat, cet éclat qu'il reconnut aussitôt car il l'aimait tant : celui d'un trésor. A sa main droite, son unique et mortelle griffe avait disparu. Son trésor. Son esprit, embrouillé par la drogue, était long à la détente. Pourtant, il comprit aussitôt.

- Salvaje Herida !

Le choc ne dura qu'une seconde, peut-être moins, mais la douleur fut si vive qu'Auguste eut l'impression d'être frappé par mille aiguilles aiguisées. Vive comme l'éclair, la Garra retrouvée avait percé son épaisse armure, avait percé son corps déformé, l'avait tranché comme un vulgaire morceau de viande. Et tandis que des débris de son exosquelette, ces morceaux d'armes, de meubles et de marbre retombaient sur le sol dans un bruit sourd, une pluie de son sang vint couvrir les murs dorés. Il avait toujours espéré que ce liquide qui coulait dans ses veines soit aussi brillant que l'or qu'il aimait tant. Il fut presque déçu de ne voir que du rouge, ce rouge qui lui imprégna l'esprit alors qu'il s'effondrait dans un dernier souffle.

Kegaro lui jeta un regard plein de mépris, mais aussi de pitié. Le corps déformé d'Auguste n'avait plus rien d'humain. Déjà, des tâches noires semblaient couvrir sa peau comme de la pourriture. De sa bouche tordue coulait un liquide multicolore.

- C'est à se demander lequel de nous est le sauvage, souffla Kegaro en récupérant son masque de bois et de plumes.

Puis, dans le chaos du Casino en ruines d'où fuyaient encore les derniers visiteurs, il regagna la sortie en boitant. La main sur le manche de sa Garra, son visage couvert de son masque, il se fraya un chemin à travers la poussière et les débris. Son fils l'attendait. Maintenant qu'il était redevenu le Lion Rouge, plus rien ne pouvait lui résister. 

MARINES - A ONE PIECE story (FRENCH) - Partie IWhere stories live. Discover now