CHAPITRE CXX - LE DRAGON COURONNÉ

Depuis le début
                                    

Au bout du sixième verre, il devint vert, puis rouge, comme une pomme murissant sur l'arbre. Alors, titubant, il s'avança jusqu'au centre de la salle en bousculant les convives.

- 'Scusez-moi, m'ssieurs, m'dames. J'dois parler au... Au m'sieur amiral, là !

Et alors qu'il l'apercevait, qu'il levait la main pour l'apostropher, il sentit une emprise enserrer ses membres et sa gorge. Aussitôt, quelques convives se retournèrent et retinrent un cri de stupéfaction : trois soldats avaient jailli de l'ombre au signal d'un homme, tout de noir vêtu. La jeune femme qui les menait leur ordonna de prendre les mesures nécessaires pour neutraliser cet importun, et alors qu'ils le trainaient lui et son photographe hors de la pièce, les convives reprirent peu à peu leurs discussions. La jeune femme s'approcha de l'homme en noir et inclina légèrement la tête en signe de respect.

- Gêneur appréhendé et expulsé, amiral.

Armstrong dégaina son peigne et recoiffa sa raie impeccable sur sa tête gominée.

- Bon travail, vice-amirale.

- La sécurité de notre bien-aimé amiral est possible grâce à l'extrême précision de l'officier modèle que vous êtes, souffla May Slain sans se relever de sa grâcieuse révérence.

La jeune femme avait servi cinq ans dans l'équipe personnelle d'Edouard, alors qu'il n'était que vice-amiral. Elle l'avait écouté, suivi, vénéré pendant toutes ces années.

Lorsqu'elle était enfant, l'intelligence rare et la puissance hors du commun de May l'avaient empêchée de ressentir la moindre empathie pour le monde qui l'entourait, mais en rencontrant cet homme d'exception, elle avait trouvé un but à sa vie : le servir. Et à présent, elle ne vivait que pour cela. C'était tout à la fois sa plus grande satisfaction et sa tâche la plus sérieuse. Elle appréciait d'ailleurs Armstrong pour sa dévotion à Edouard. Elle le sentait fidèle, mais également aussi exigeant et pointilleux qu'elle l'était. L'aura de puissance qui émanait de lui, bien qu'elle fut très largement inférieure à celle que dégageait Edouard lui-même, fascinait la jeune femme. Elle se reconnaissait parfois en lui.

Alors qu'elle le regardait ajuster sa raie parfaite d'un coup de peigne maîtrisé, un éclat de voix les héla.

- May, Armstrong, venez donc par ici !

Lorsqu'Edouard l'appelait par son prénom, le cœur de la vice-amiral se gonflait d'une force infinie. Elle voulait être toute à lui, être sa femme, son arme, son objet. Elle entendait les murmures qui la suivaient dans les couloirs, ces couards qui la disaient folle furieuse. Mais elle s'en moquait. Depuis qu'Edouard l'avait nommée à l'ordre des Cinq Grands, les murmures étaient de plus en plus discrets...

Armstrong et elle s'approchèrent du nouvel amiral en chef et se penchèrent lentement, dans une révérence discrète. Aussitôt, et bien qu'ils n'eurent osé aucune question jusque-là, les journalistes accoururent pour prendre quelques clichés croustillants. Au milieu de la grande salle de réception, Edouard prenait plaisir à poser avec ses deux proches conseillers.

Dans le flash incessant des appareils, un journaliste ravala sa peur du Dragon et osa l'interpeller :

- Amiral en chef Kuroryu, quand comptez-vous présenter le reste du nouvel ordre des Cinq Grands ? Avec la promotion du vice-amiral Leroy et la mort des vice-amiraux Myr et Wilelm, le groupe a été complètement dévasté. Que comptez-vous faire ?

Loin de s'offusquer, Edouard se jeta sur le micro qu'il empoigna comme une diva. Il était ravi d'être le centre de l'attention, de pouvoir se pavaner à sa guise dans cette tour qui était maintenant son palais.

- Vous faites bien de m'interroger, jeune homme ! En effet, la hiérarchie a été complètement revue suite aux disparitions successives, qu'elles soient volontaires ou non.

MARINES - A ONE PIECE story (FRENCH) - Partie IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant