CHAPITRE LXXXVI - LE MONSTRE

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- Je ne sais pas pour toi, le papillon, mais moi, j'ai pas l'intention de me laisser faire. Je suis trop crevé pour fuir, mais si je peux permettre à mes amis de gagner du temps, je donnerai volontiers un peu de mon énergie. Tu as le choix : te battre avec honneur ici, ou tenter de fuir et échouer lamentablement.

Alors, doucement, Mothra se releva et, frissonnant, tenta de se redresser. Il s'effondra à deux reprises, dû s'appuyer contre le tronc d'un arbre, mais parvint finalement à rester debout.

- C'est touchant... siffla Nephila de sa voix hybride, alors que son visage commençait déjà à se transformer. Que tu sois seul ou accompagné d'une armée, charpentier, tu ne peux rien contre moi !

Tandis que sa voix dissonante se transformait en hurlement, que ses doigts osseux laissaient place à de longues pattes, Zell dégaina ses armes, une nouvelle fois.

...

Depuis la chapelle en ruine, Jorge avait assisté à la victoire de son ami. Jamais il n'oserait l'admettre devant ce fanfaron de Zell, mais il était absolument admiratif de sa puissance et fier de faire partie du même équipage. Comme Jun commençait à haleter sur son dos, visiblement épuisée et souffrante, l'énorme soldat se hâta de sortir du palais pour rejoindre les bois où les deux combattants s'étaient écrasés. Zell allait bien, il était sauf. Jorge le savait.

Alors qu'il traversait le vieux palais de la nuit, obnubilé par l'idée de sauver son amie, une porte s'ouvrit à la volée sur sa gauche, le faisant sursauter et hurler comme un damné. Il tomba sur ses grosses fesses d'ours, haletant.

- Haru ?! Tu veux me tuer, ou quoi ? Qu'est-ce que tu fais là ?

- Mon fluide m'a permis de te retrouver, répondit la jeune femme avec un clin d'œil.

Aussitôt, elle aperçut Jun, en piteux état, sur le dos de son ami. Ni une, ni deux, elle se précipita vers elle, Lola toujours dans les bras. Elle luit prit la main et caressa doucement son front. Jorge ne put réprimer un soupir de soulagement en voyant que la jeune femme était sauve : la retrouver était l'objectif principal de leur mission, après tout.

- La petite doctoresse n'a pas l'air bien non plus... marmonna Jorge en frottant l'épaule de la petite. Que s'est-il passé, en bas ?

- Longue et terrible histoire, pour une autre fois. Pour le moment, Jun a besoin d'être mise à l'abri sur le Seagull. Son état me préoccupe...

Jorge acquiesça en silence et souleva Jun pour la porter sur son dos, comme il l'avait fait jusqu'ici. Avec lui, elle ne risquait rien : il se battrait comme une bête pour la protéger. Aussitôt, les deux amis reprirent leur chemin vers l'extérieur, emportant les deux blessées avec eux. La priorité était de les mettre en sécurité et de retrouver Zell. Arthur était toujours dans les catacombes, mais il se débrouillerait très bien : tous le savaient, nul n'en doutait. Peck voletait au-dessus du groupe, visiblement contrarié par l'absence de son maître, mais sûr de sa victoire.

- Tout ira bien pour Arthur, répondit Haru à Jorge, qui la questionnait du regard. Alors que j'étais aux prises avec tout un groupe de femmes-insectes, une armée d'arbres s'est précipitée dans la bataille pour me sauver... J'ai encore du mal à réaliser ce qui vient de m'arriver...

Son camarade éclata de rire.

- Encore une idée de Zell. Je ne sais pas comment il est tombé sur eux, mais on dirait bien qu'il se les est mis dans la poche !

- Quel débrouillard, rit Haru. Tu sais où il est ? Il va bien ?

- On devrait le retrouver dehors, dans les bois. Je l'ai vu triompher du cadre qui t'avait enlevée. Je crois qu'il faisait de ce combat une véritable affaire personnelle !

Alors que les joues de Haru rougissaient légèrement, un sourire songeur se dessina sur ses lèvres. Déjà, elle pouvait apercevoir la sortie du palais.

...

- Chargez, vieilles branches ! hurla Irminsoul à ses semblables.

Les Moringen, rassemblés en armée furieuse et vengeresse, se jetèrent à corps perdu dans la bataille contre les femmes-insectes. Il en allait de leur honneur, mais surtout de leur survie : pendant tant de mois, ils avaient été persécutés, chassés, tués pour nourrir cette armée monstrueuse. Ils devaient récupérer leur île.

Arthur assistait au combat depuis le sommet d'un tas de ruines. Lame à la main, pantois, il ne savait comment réagir. Prisonnier de ces catacombes, il avait dû affronter une armée de femmes-insectes furieuses. Puis, alors qu'il était acculé par leur grande nombre, une armée d'arbres mobiles et parlants s'était jointe à la bataille pour le sauver. Alors qu'il était sur le point de leur prêter main forte, leur chef se tourna vers lui :

- Fuyez, chevalier ! Notre ami commun nous a confié la tâche de vous sauver. Ce combat est le nôtre, maintenant : nous luttons pour notre survie. Vos amis sont épuisés par leurs duels, vous n'avez pas une minute à perdre, rejoignez-les !

Arthur demeurait perplexe.

- Notre ami commun... ? répéta-t-il, éberlué.

- Le plus grand charpentier que ce monde ait connu ! s'écria le vieil arbre, comme une évidence, son écorce se fendant d'un sourire de sage.

Aussitôt, Arthur éclata de rire. Zell était vraiment un drôle de phénomène...

- Je vais m'assurer que tout va bien pour eux, déclara le jeune en tournant les talons. Dès que les blessés seront en sécurité, je reviendrai avec ceux qui auront encore assez de force pour vous aider.

Puis, alors que les Moringen se lançaient dans un nouvel assaut vengeur, Arthur disparut dans l'obscurité des catacombes, à la recherche d'une voie pour retourner à la surface.

...

- Haru ?! Tu vas bien ? criait Jorge.

La jeune femme était solide, aussi forte physiquement que psychologiquement. Elle ne rechignait jamais à combattre si telle était la seule solution, à exposer ses arguments même dans les débats les plus complexes, à tenir tête aux plus forts. Elle aimait être une fille forte, qui ne craquait pas, ou en tous cas le paraître. Pourtant, lorsqu'elle franchit avec Jorge les grandes portes de bois du palais de la nuit, elle ne put que s'effondrer en sentant, dans l'atmosphère glaciale et tendue de la nuit, la terrifiante aura de puissance de Nephila. Elle sentait la terreur la saisir aux tripes, comme lorsque la jeune Corsaire l'avait approchée pendant le banquet de fin de tournoi. Elle sentait sa force, sa puissance dans l'air.

- Que se passe-t-il ?! répétait Jorge, paniqué. Jun et Lola ne vont déjà pas très bien, tu ne peux pas toi aussi t'effondrer comme ça, j'ai besoin de toi !

Elle murmura quelque chose, de manière si inaudible qu'il eut à approcher son oreille de la jeune femme pour mieux l'entendre.

- Un monstre... répéta-t-elle, tremblante.

Alors, le sol trembla. Dans les bois, un bruit sourd, sans doute un arbre s'effondrant, retentit. Puis, courant à perdre haleine, Zell émergea de la forêt. Sur sa peau sombre, des gouttes de sueur brillaient sous les rayons de lune. Son chemisier était en sang, il boitait, mais il continuait de courir en hurlant comme un enfant terrifié.

- Zell ?! s'écria Jorge. Tu tombes bien, il...

- Un monstre ! le coupa Zell en criant. Un monstre !

Alors, les arbres derrière lui furent projetés dans les airs. La terre trembla, résonnant au rythme des pas de la bête. Enorme, velue et noire comme les abysses, elle posa sur chacun d'entre eux ses huit yeux globuleux. Ses longues pattes s'agitaient en tous sens pour rattraper le charpentier paniqué, tandis que ses crochet cliquetaient l'un contre l'autre. Devant les yeux terrifiés de Jorge, la gigantesque araignée émergea de la forêt et se plaça en travers de leur chemin, ultime épreuve de cette nuit éprouvante et terrifiante.

- Un monstre... répéta Haru en tremblant. 

MARINES - A ONE PIECE story (FRENCH) - Partie IWhere stories live. Discover now