Chapitre 47(ok)

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-Nous n'y arriverons jamais, a soupiré Zoé. Nous avançons trop lentement. Mais nous ne pouvons pas abandonner l'Ophiotauros.

- Meuh, a acquiescé Bessie, qui nous suivait en nageant dans l'eau, tandis que nous trottions le long du quai.

Nous avions laissé la jetée commerçante derrière nous et avancions vers le pont du Golden Gâte. Il était bien plus loin que je ne l'avais cru, et le soleil avait déjà amorcé sa descente vers l'ouest.

-Je ne comprends pas, a dit Percy. Pourquoi devons-nous arriver au coucher du soleil ?

- Les Hespérides sont les nymphes du crépuscule, a expliqué Zoé. On ne peut pénétrer dans leur jardin qu'au moment où le jour se change en nuit.

- Que se passera-t-il si on rate ce moment ?

- Demain, c'est le solstice d'hiver. Si nous manquons le crépuscule ce soir, nous devrons attendre jusqu'à demain soir. Or à ce moment-là, le Conseil des Olympiens sera terminé. Nous devons libérer dame Artémis ce soir.

- Il nous faut une voiture, a dit Thalia.

- Et Bessie ? a demandé Percy.

Grover a pilé net.

-J'ai une idée ! L'Ophiotauros peut apparaître dans différents cours ou plans d'eau, n'est-ce pas ?

- Ben, je crois. Je veux dire, il était dans le détroit de Long Island et d'un coup il a refait surface au barrage Hoover. Et maintenant, il est là.

-Alors on pourrait peut-être le convaincre de retourner dans le détroit de Long Island, a dit Grover. Et de là, Chiron pourrait nous aider à le faire parvenir à l'Olympe.

- Mais c'est moi qu'il suivait, a dit Percy. Sans moi, va-t-il savoir quel chemin prendre ?

- Meuh, a tristement mugi Bessie.

-Je... je peux lui montrer. J'irai avec lui.
- Je suis le seul qui puisse lui parler, a-t-il dit. C'est la seule solution.

Il s'est penché et il a murmuré quelque chose à l'oreille de Bessie, qui a frissonné avant d'émettre un meuglement satisfait.

-La bénédiction de la Nature,a expliqué Grover. Elle devrait nous protéger pendant notre voyage. Percy, adresse une prière à ton père. Vois s'il peut nous assurer une traversée des mers sans incident.
- Papa, a dit Percy. Aide-nous. Ramène Grover et l'Ophiotauros sains et saufs à la colonie. Protège-les en mer.

- Une prière comme celle-ci nécessite un sacrifice, a dit Thalia. Un sacrifice de taille.

Percy a retiré son manteau en peau de lion.

- Percy, a dit Grover, tu es sûr ? Cette peau de lion... a des pouvoirs très précieux. Héraclès s'en est servi !

- Si je dois survivre, a-t-il déclaré, ce ne sera pas parce que j'ai un manteau en peau de lion. Je ne suis pas Héraclès. J'ai lancé le manteau dans la baie.

Il s'est retransformé en peau de lion et la fourrure dorée a scintillé de mille feux au soleil. Puis, en coulant lentement sous les vagues, elle a paru se fondre dans les jeux de lumière à la surface de l'eau. La brise marine a forci.

-Sage décision,commentai-je.

Grover a respiré à fond.

- Bon, pas de temps à perdre.

Il a sauté à l'eau et a tout de suite commencé à couler. Bessie s'est approché de lui et l'a laissé s'accrocher à son cou.

- Soyez prudents, leur ai-je recommandé.

- Promis, a dit Grover. Bien, euh... Bessie ? Nous allons à Long Island. Cap sur l'est. Par là.

- Meuh ? a fait Bessie.

- Exact, a répondu Grover, Long Island. C'est une île. Et elle est longue. Écoute, partons, on trouvera bien.

- Meuh !

Bessie a démarré abruptement. Il a plongé dans les vagues et Grover s'est écrié :

- À titre d'info, je ne peux pas respirer sous l'eau ! Gloups gl...

- Bien, voici un problème réglé, a déclaré Zoé. Maintenant comment allons-nous gagner le jardin de mes sœurs ?

- Thalia a raison, ai-je dit. Il nous faut une voiture. Mais il n'y a personne qui puisse nous aider, ici. À moins que, euh, qu'on en emprunte une.
J'avais déjà volé beaucoup de choses,même avant l'influence des enfants d'Hermès. Mais jamais rien d'aussi gros qu'une voiture,et l'idée me dérangeait un peu...

-Attendez ! s'est écriée Thalia, qui s'est mise à farfouiller dans son sac à dos. Il y a quelqu'un à San Francisco qui peut nous aider. J'ai l'adresse quelque part.

- Qui ça ? a demandé Percy.

Thalia a sorti un bout de papier chiffonné.

- Le professeur Chase. Le père d'Annabeth.

Quand nous sommes arrivés devant la porte,un type en bonnet et lunettes d'aviateur d'autrefois nous a ouvert. Il avait l'air tellement bizarre, avec ses yeux grossis par les verres, qu'on a tous reculé d'un pas,surpris.

-Bonjour, a-t-il dit d'une voix chaleureuse. Vous venez livrer mes avions ?

Thalia, Zoë,Percy et moi avons échangé des regards méfiants.

- Euh, non, monsieur.

- Zut, il me faut trois autres biplans Sopwith Camel.

-Je vois, a dit Percy. Nous sommes des amis d'Annabeth.

-Annabeth ? (Il s'est redressé vivement, comme si je venais de lui asséner un électrochoc.) Elle va bien? Il s'est passé quelque chose ?

Aucun de nous n'a répondu, mais nos visages ont dû lui dire qu'il était arrivé quelque chose de grave. Il a retiré son bonnet et ses lunettes d'aviateur. Il avait des cheveux blond cendré comme Annabeth et des yeux marron foncé.

- Entrez, a-t-il dit.

Je n'aurais pas cru qu'ils venaient à peine d'emménager. Il y avait des robots en Lego sur les marches de l'escalier, deux chats roulés en boule sur le canapé du salon. La table basse était jonchée de magazines ; un manteau d'enfant traînait par terre. Une odeur de cookies au chocolat flottait dans la maison et des notes de musique de jazz venaient de la cuisine. Il régnait un désordre joyeux et vivant, une atmosphère heureuse de maison habitée depuis toujours.

- Papa ! a hurlé un petit garçon. Il démonte mes robots !

- Bobby, a dit le professeur Chase d'une voix absente, ne démonte pas les robots de ton frère.

- Bobby c'est moi ! a protesté le petit garçon. Lui c'est Matthew !

- Matthew, ne démonte pas les robots de ton frère !

- D'accord, papa !

Le professeur Chase s'est tourné vers nous.

- On va aller dans mon bureau. Par ici.

- Chéri ? a fait une voix de femme.

La belle-mère d'Annabeth est entrée dans le salon en s'essuyant les mains dans un torchon. C'était une jolie femme d'origine asiatique, aux cheveux noirs striés de mèches auburn et relevés en chignon. Elle nous a sourit.

- Qui sont nos invités ?

-Ah, euh...

Le professeur Chase nous a regardés d'un œil vide d'expression.

- Frederick, a grondé la femme. Tu as oublié de leur demander leurs noms ?

On s'est présentés un peu gauchement, mais Mme Chase a été vraiment sympa. Elle nous a demandé si nous avions faim. On lui a avoué que oui et elle nous a dit qu'elle allait nous apporter des sandwichs, des cookies et des sodas.

- Chérie, a dit le professeur Chase. Ils sont venus pour Annabeth.

Elle a pincé les lèvres, l'air préoccupée.

- D'accord. Montez dans ton bureau et je vais vous apporter de quoi grignoter. Je suis contente de te rencontrer, Percy. J'ai beaucoup entendu parler de toi.

J'ai ri silencieusement. Ça voulait dire beaucoup.

À l'étage, nous sommes entrés dans le bureau du professeur Chase. Les murs étaient entièrement tapissés de livres,j'en ai même reconnu certains, même si je n'avais jamais vraiment beaucoup aimé lire. Il y avait une table immense couverte de chars d'assaut et de soldats miniatures qui se battaient le long d'un fleuve en peinture bleue entouré de collines, avec de faux arbres et tout ça. Des maquettes de biplans d'autrefois pendaient au plafond au bout de ficelles, inclinées dans des angles impossibles, comme s'ils étaient en plein combat.

Le professeur Chase a souri.

- C'est la troisième bataille d'Ypres. J'écris un article sur la façon dont l'armée britannique s'est servie des Sopwith Camel pour mitrailler les lignes ennemies. À mon avis, ces avions ont joué un rôle bien plus important que celui qu'on leur accorde.

Il a décroché un biplan de sa ficelle et l'a passé au- dessus du champ de bataille en faisant des bruits de moteur, tout en renversant des petits soldats allemands.

-Ah d'accord, ai-je dit.

Zoë s'est approchée de la maquette et a examiné le champ de bataille.

- Les lignes allemandes étaient plus loin de la berge, a-t-elle déclaré.

- Comment le sais-tu ? a demandé le professeur Chase, se tournant vers Zoë.

-J'y étais, a-t-elle répondu d'un ton naturel. Artémis voulait nous montrer comment les humains peuvent s'entretuer ; elle voulait nous montrer la guerre dans toute son horreur et dans toute sa bêtise, aussi. Cette guerre fut un gâchis absolu.

Le professeur Chase était sous le choc.

- Tu...

- C'est une Chasseresse, monsieur, est intervenue Thalia. Mais ce n'est pas ce qui nous amène. Nous avons besoin...

- Tu as vu les Camel ? a demandé le professeur Chase. Il y en avait combien ? Quelles étaient leurs formations de vol?

- Monsieur, est à nouveau intervenue Thalia. Annabeth est en danger.

Cela a tout de suite capté l'attention du professeur, qui a reposé son biplan.

- Racontez-moi tout.

Ce n'était pas facile, mais on a essayé. Enfin... Surtout eux,puisque je n'avais pas assisté à l'enlèvement d'Annabeth. Et pendant ce temps, dehors, la lumière de l'après-midi baissait. Le temps jouait contre nous. Et c'était une course à laquelle je ne pouvais que être douée, heureusement.

Quand nous avons fini, le professeur Chase s'est écroulé dans son fauteuil de cuir. Il a croisé les mains.

- Ma pauvre et courageuse Annabeth. Il faut qu'on se dépêche.

- Monsieur, il nous faut un moyen de transport pour aller au mont Tamalpais, a dit Zoë. Immédiatement.

- Je vais vous conduire. En fait, ça irait plus vite avec mon Camel, mais il n'y a que deux places.

- Waouh, vous avez un vrai biplan ? s'est écrié Percy.

- À la base de Crissy Field, a répondu le professeur Chase avec fierté. C'est pour cette raison que j'ai dû m'installer ici. Mon parrain est un collectionneur privé qui possède certains des plus beaux vestiges de la Première Guerre mondiale. Il me laisse restaurer le Camel...

-Monsieur, l'a interrompu Thalia. Une voiture, ce serait super. Et il vaudrait mieux que vous ne veniez pas avec nous. C'est trop dangereux.

Le professeur Chase a froncé les sourcils.

- Écoute, jeune demoiselle, Annabeth est ma fille. Dangereux ou pas, je... je ne peux pas...

- Voilà le goûter, a annoncé Mme Chase, qui est entrée avec un plateau chargé de sandwichs beurre de cacahouètes-gelée de raisin, de canettes de Coca et de cookies frais sortis du four, aux pépites de chocolat encore fondantes.

Nous avons humé l'odeur des biscuits pendant que Zoë disait :

-Je sais conduire, monsieur. Je suis moins jeune que j'en ai l'air. Je vous promets de ne pas abîmer votre voiture.

- Que se passe-t-il ? a demandé Mme Chase en fronçant les sourcils.

- Annabeth est en danger, lui a expliqué son mari. Au mont Tam. J'aurais voulu les conduire, mais... apparemment ce n'est pas la place d'un mortel.

Il semblait avoir vraiment du mal à accepter ce dernier élément. Mme Chase a hoché la tête.

- Alors ils feraient bien de se mettre en route.

- Bon ! (Le professeur Chase s'est levé brusquement et s'est mis à tapoter ses poches.) Mes clés...

- Frederick, a soupiré sa femme. Tu perdrais ta tête si elle n'était pas dans ton bonnet d'aviateur. Les clés sont accrochées près de la porte d'entrée.

- Exact ! s'est exclamé le professeur Chase.

Zoë a attrapé un sandwich.

- Merci à vous deux. Il faut qu'on parte. Tout de suite.




[TOME 1]La Fille du Temps (Percy Jackson)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant