Chapitre 40✔

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Nous traversions le Potomac quand nous avons repéré l'hélicoptère. C'était un appareil militaire noir et fuselé, exactement semblable à celui qu'ils avaient vu à Westover Hall. Et il venait droit sur nous.


Étant la seule à ne pas y avoir été,je ne savais pas à quoi ressemblaient ces fameux hélicoptères, mais si les autres disaient que c'était le même,je les croyais.

- Ils connaissent la camionnette, a dit Percy. Il faut s'en débarrasser.

D'un coup de volant, Zoë a changé de voie,me faisant glisser sur Grover. L'hélico gagnait du terrain.

-Peut-être que les militaires vont l'abattre, a dit Grover avec espoir.

- Les militaires croient que c'est un des leurs, ai-je objecté.

-Comment fait le Général pour employer des humains, de toute façon ?a grommelé Percy.

- Ce sont des mercenaires, a expliqué Zoë avec amertume. C'est abject, mais beaucoup de mortels sont prêts à se battre pour n'importe quelle cause,du moment qu'ils sont payés.

- Mais ces mortels ne voient-ils pas pour qui ils travaillent ?a demandé Percy. Ils ne remarquent pas les monstres qui les entourent ?

Zoë a secoué la tête.

-J'ignore ce qu'ils voient à travers la Brume. À mon avis, s'ils connaissaient toute la vérité, cela ne changerait pas grand-chose. Certains mortels sont pires que des monstres.

L'hélicoptère se rapprochait toujours ; il avançait bien plus vite que nous, qui étions pris dans les embouteillages de Washington.

Thalia a fermé les yeux et prié en se concentrant très fort.

- Hé, papa. Si tu pouvais balancer un éclair, là, ce serait vraiment bien. S'il te plaît.

Mais le ciel restait obstinément gris et neigeux. Aucun signe d'orage. Le seigneur du ciel ne semblait pas avoir entendu la prière de sa fille.

- Là ! s'est écriée Bianca. Entre dans ce parking !

- Nous serons coincés, a objecté Zoë.

- Fais-moi confiance.

Zoé a coupé deux voies d'autoroute pour se rabattre dans le parking d'un centre commercial, sur la rive gauche du fleuve,tout en m'envoyant contre la portière. Nous avons abandonné lacamionnette et suivi Bianca, qui nous a fait descendre un escalier.

-C'est une entrée de métro, a-t-elle expliqué. Prenons la direction du sud. Alexandria.

- Comme tu voudras, a acquiescé Thalia.

On a acheté des tickets et franchi les tourniquets, en jetant un coup d'œil derrière nous pour nous assurer que personne ne nous suivait. Quelques minutes plus tard, nous étions à bord d'une rame qui s'éloignait de Washington, à destination des banlieues sud. En sortant du tunnel souterrain, nous avons vu l'hélicoptère survoler le parking, mais il ne nous a pas suivis.Grover a poussé un soupir de soulagement.

- Bravo, Bianca, d'avoir pensé au métro.

- Ben, tu sais... J'ai remarqué cette station quand Nico et moi sommes passés par ici l'été dernier. Je me souviens que ça m'avait vraiment étonnée parce qu'elle n'existait pas quand on vivait à Washington.

Grover a froncé les sourcils.

- Cette station a l'air vieille, pourtant.

- Sans doute. Mais crois-moi, à l'époque où on vivait ici, quand on était petits, il n'y avait pas de métro.

Thalia s'est avancée sur son siège.

- Une seconde. Il n'y avait pas de métro du tout ?

Bianca a hoché la tête.

Je me suis frottée la clavicule,en réfléchissant. Comment le métro ne pouvait-il pas exister à Washington il y a moins de dix ans? Je ne m'étais jamais intéressée à la date d'invention du métro,mais ça me semblait plutôt invraisemblable.

- Bianca, a demandé Zoë. Ça fait combien de temps...

Sa voix a flanché : le grondement de l'hélico nous avait rejoints.

- Il faut qu'on change à la prochaine, ai-je dit.

Pendant la demi-heure qui a suivi, nous n'avons pensé qu'à une chose, notre sécurité. On a changé de rame deux fois. Je n'avais aucune idée de l'endroit où nous allions, mais nous avons fini par semer l'hélicoptère.

Malheureusement, en sortant du métro, on s'est retrouvés en bout de ligne, dans une espèce de zone industrielle où il n'y avait rien que des entrepôts et des voies de chemin de fer. Et de la neige. Il faisait beaucoup plus froid par ici.

Nous avons erré dans le dépôt en espérant trouver un autre train de voyageurs, mais il n'y avait que des rangées de wagons de marchandises qui s'alignaient à perte de vue, pour la plupart couverts de neige comme s'ils n'avaient pas bougé depuis un bail.

Un SDF était debout devant un feu de poubelle. On devait faire peine à voir parce qu'il nous a lancé, avec un sourire édenté :

- Vous avez besoin de vous réchauffer, les gars ? Venez !

On s'est regroupés autour de son feu. Thalia claquait des dents. Je serai sur moi ma bonne vieille veste à imprimés militaire. Elle n'était pas très épaisse,mais c'était suffisant,et surtout, je n'en avais pas d'autres.

- C'est s-s-super, a dit Thalia.

-J'ai les sabots gelés, a râlé Grover.

- Les pieds,a corrigé Percy, par égard pour le SDF.

- On devrait peut-être contacter la colonie, a suggéré Bianca. Chiron...

- Non, a tranché Zoë. Ils ne peuvent plus nous aider. Nous devons mener cette quête à bien par nous-mêmes.
-Vous savez, a dit l'homme, on n'est jamais totalement sans amis. (Il avait le visage crasseux et la barbe en bataille, mais son regard semblait bienveillant.) Vous avez besoin d'un train à destination de l'ouest, les enfants ?

- Oui, monsieur, ai-je répondu. Vous savez s'il y en a un ?

Il a pointé le doigt devant lui en tendant une main graisseuse. Soudain, j'ai remarqué un train de marchandises scintillant, qui n'était pas couvert de neige.

C'était un de ces convois de transport d'automobiles, bordé de grillage d'acier, avec trois étages de voitures. Le côté du wagon annonçait : LIGNE SUN-OUEST.

- Ça... tombe bien, a dit Thalia. Merci, euh...

Mais quand elle s'est tournée vers le SDF, il avait disparu. La poubelle était froide et vide, comme s'il avait emporté les flammes avec lui.

-Un dieu,si tu veux mon avis,commentai-je.

Une heure plus tard, nous roulions vers l'ouest. La question du conducteur ne se posait plus, vu que nous avions chacun notre propre voiture de luxe. Zoë et Bianca s'étaient installées dans une Lexus, à l'étage supérieur. Grover jouait au pilote de course au volant d'une Lamborghini. Et Thalia avait bidouillé les câbles de l'autoradio d'une Mercedes SLK noire pour capter les stations de rock alternatif de Washington que nous écoutions ensemble. Je m'étais allongée sur la banquette arrière.

-Je peux venir ?nous a demandé Percy.

Elle a haussé les épaules et je me suis glissé sur le siège passager. Les White Stripes passaient à la radio. Je n'étais pas une grande fan,mais 'était pas mal.

-Joli manteau, a dit Thalia.
- Ouais, mais le lion de Némée n'était pas le monstre qu'on cherche.

- Non, loin de là. On a encore beaucoup de route à faire.

-On doit viser plus gros,ricanai-je.

-Je ne sais pas qui sera ce monstre mystérieux, mais le Général a dit qu'il s'en prendrait à toi, Thalia. Ils veulent t'isoler du groupe pour que le monstre t'attaque à ce moment-là, en duel.

- Il a dit ça ?

- Ouais. Quelque chose dans ce goût-là.

- Super. J'adore servir d'appât.

-Tu n'as aucune idée de ce que pourrait être ce monstre?a demandé Percy.

Elle a secoué négativement la tête, l'air morose.

- Mais tu sais où on va, hein ? a-t-elle dit. À San Francisco. C'est là qu'allait Artémis.

-C'est pas bon,grimaçai-je.

- Pourquoi ? a demandé Percy. Je veux dire, c'est quoi le problème, à San Francisco ?

-La Brume y est particulièrement épaisse à cause de la proximité de la montagne du Désespoir. La Magie des Titans, du moins ses vestiges, y flotte encore. Les monstres sont attirés là-bas comme pas possible,expliquai-je.

- Qu'est-ce que c'est, la montagne du Désespoir ?

Thalia a dressé le sourcil.
-Tu l'ignores vraiment? Demande donc à cette tarte de Zoé, c'est la grande spécialiste.

Elle a braqué le regard sur le pare-brise.

- C'est pour ça que tu ne t'entends pas avec Zoé,s'est soudainement écrié Percy.

- Pour quoi donc ? a fait Thalia en fronçant les sourcils.

- Les Chasseresses ont essayé de t'enrôler.

-J'ai failli rentrer dans leurs rangs, a-t-elle reconnu. On les a rencontrées une fois, avec Luke et Annabeth, et Zoé a essayé de me convaincre. J'ai failli le faire, mais...

- Mais ?

Les doigts de Thalia se sont crispés sur le volant.

-J'aurais dû quitter Luke.

Je me suis faite petite sur mon siège. C'était gênant pour moi. Et peut-être aussi un peu pour Thalia, puisqu'elle savait que j'étais là,et que je les écoutais.

-Ah.

- On s'est disputées, Zoé et moi. Elle m'a dit que j'étais stupide. Que je regretterais ma décision. Elle a dit que Luke me trahirait un jour.

- C'est dur, ça, a dit Percy. De devoir admettre que Zoé avait raison.

- Elle n'avait pas raison ! Luke ne m'a pas trahie. Jamais !

- On va devoir l'affronter. C'est inévitable.

Thalia n'a pas répondu.

- Tu ne l'as pas vu récemment, l'a avertie Percy. Je sais que c'est dur à croire, mais...

-Je ferai ce que j'ai à faire.

- Même si cela signifie le tuer ?

-On ne tuera pas Luke,déclarai-je d'une voix froide et déterminée.

- Fais-moi plaisir, a dit Thalia. Sors de ma voiture.

Percy a exécuté son ordre.

- Annabeth voulait rentrer chez les Chasseresses, elle aussi,a-t-elle lancé. Tu devrais peut-être te demander pourquoi.

Percy a hésité,et m'a regardée. Il semblait devoir me dire un truc. Je me suis relevée et me suis penchée.


-Oui?

-Luke. Il a dit qu'on devait te garder vivante,parce que...

-Je serai utile,le coupai-je. Je sais. Mon père n'arrête pas de me le dire dans mes rêves,ajoutai-je en voyant son air étonné.

-Oh.

-Maintenant que tu as terminer,va-t-en,a décidé Thalia en referment la portière au nez de Percy.

Il est reparti et nous avons soupiré en chœur.

-Il n'est pas question qu'on tue Luke,déclarai-je.

-Il est trop important.

-Il pourrait nous donner des informations utiles sur ce que compte faire Cronos.

-Et on serait incapable de le tuer de nos mains,soupira-t-elle.

-Mais je ne pense pas que lui veuille nous tuer. Si le Général et peut-être Cronos nos morts,lui ne serait pas capable non plus de nous achever. Et puis surtout,il faudrait qu'il m'affronte, et il n'est pas capable de me battre. La dernière fois qu'il a réussi, j'étais tellement fiévreuse que je en tenais presque pas debout,et je délirais.

J'ai ri doucement à l'évocation de ce souvenir. Le bon vieux temps... Avant Cronos et la guerre.

-Tu l'aimais vraiment,n'est-ce pas?a demandé Thalia.

-Il est la personne qui compte le plus à mes yeux. Je peux l'affirmer sans aucun doute. Mais j'ai des doutes sur le fait que ce soit réciproque...

Ma voix a légèrement tremblé. Je ne savais plus vraiment quoi penser.

-Pourquoi tu dis ça?

-Luke et moi nous sommes mis en couple juste avant sa quête. Et il a changé en revenant. S'il avait le moindre sentiment pour toi,Cronos aurait très bien pu tout effacer.

-Hélène a dit que tu étais peut-être la seule à pouvoir le faire changer d'avis.

-On m'a souvent dit que Luke était différent avec eux,et plus doux en ma présence. amis il aurait très bien pu jouer la comédie. Comme pendant tout ce temps où il a caché être au service de Cronos.

-Je ne sais pas. Tout ce qu'on peut faire pour le moment c'est de retrouver Artémis.

-Je sais. Monte le son,j'adore cette chanson.


Nous avons fini par dormir un peu,et les Chasseresses nous ont réveillées le lendemain. Le train s'était arrêté.

[TOME 1]La Fille du Temps (Percy Jackson)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant