Chapitres 92

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ELIK

trois ans plus tard

-J'aurai aimé que les autres soient là..., me glisse tristement Fern quand nous quittons l'église.

Ces dernières années ont étés particulièrement éprouvantes. Fern devait oublier Nell, Fynn et Hailey qui avait définitivement foutue le camp. Quant à moi, il me fallait oublier mon meilleur ami Fynn, ma nouvelle meilleure amie Thaïs et mon ancienne meilleure amie Hailey. Nous avons dû nous faire une raison, constater et accepter que les choses changent et qu'il fallait se bouger. C'est pour cette raison que nous n'avons pas trop tardés à nous fiancer et à emménager ensemble.

-Tu viens tout juste de m'épouser et te voilà déjà malheureuse, je la taquine.

Je prends lentement sa main dans la mienne quand tout le monde nous acclame à la sortie de l'église. J'ai longtemps eu du mal avec l'idée de me marier, étant donné que tous les mariages de mon entourage se terminaient en divorce catastrophique. Mais Fern m'a comme réconcilié avec le mariage et me voici aujourd'hui un époux épanoui, depuis dix minutes.

-Ce n'est pas ça..., se défend-elle quand nous montons à l'arrière de la voiture immaculée. Ce que je veux dire, c'est que...

Je prends son menton entre mes doigts pour la pousser à me regarder et la coupe :

-Je sais. Moi aussi, je ressens ce... ce sentiment de vide, cette impression que nous ne sommes pas vraiment mariés sans leur consentement et leurs sourires. Je... J'aurai aimé qu'ils soient là, moi aussi. Fynn, Thaïs... même Hailey et sa lâcheté.

-Un événement comme celui-ci perd de son sens sans amis. Nous avons vécus tant de mauvais moments tous ensembles et nous n'avons pas pu nous en offrir de bons. Nous n'avons pas pu avoir assez de temps.

Elle trouve le moyen de baisser le regard, malgré mon insistance.

-Fern, je chuchote quand je vois une première larme sur sa joue, je t'en prie... Ne pleure pas le jour de notre mariage.

-Tout le monde pleure durant les mariages. Les vieilles parce qu'elles regrettent le temps où leur époux ne les trompaient pas avec une plus jeune ; les parents parce qu'ils sont trop heureux pour nous, ou au contraire qu'ils se font beaucoup de soucis... on ne saura jamais ; les enfants parce qu'ils s'ennuient... Sans parler de tous ces frères et sœurs jaloux et de ces amis qui... ces amis qui nous connaissent mieux que quiconque et qui ont attendus ce moment toute leur vie, encore plus que nous-mêmes.

Elle se frotte les yeux quand je m'entends prononcer :

-Nos amis... et si... et si on allait les voir ?

-Quoi ? m'interroge-t-elle les yeux ronds.

-Bah oui ! Eux aussi ils vont pleurer. Eux aussi ils seront heureux pour nous, ils nous encouragerons pour la suite et...

-Nos amis sont morts, Elik, me coupe-t-elle rancunière.

Je hausse les épaules en prenant ses mains dans les miennes :

-Rien ne nous empêche d'aller à eux, de leur rendre visite, tu ne crois pas ?

-Qu'est-ce que tu as derrière la tête ? demande-t-elle encore.

Je lance un regard au chauffeur dans le rétroviseur et en un signe de tête, le voilà qui fait demi-tour.

***

Les talons de Fern s'enfoncent dans la terre boueuse quand nous nous approchons d'eux. Mais elle ne râle pas, elle ne fait pas le moindre son quand elle manque se casser la figure. Elle regarde droit devant elle, jusqu'à atteindre notre objectif : la tombe de nos amoureux maudits.

-Le cimetière, s'amuse Fern... Ce n'est pas de cette façon-là que j'imaginais finir cette journée, mais pourquoi pas.

Je m'assieds et prend ses mains pour la pousser à en faire autant. Elle ne râle toujours pas en constatant que sa belle robe est à présent parsemée de tâches. Elle me sourit, comme si je venais de lui offrir le plus beau des cadeaux de mariage.

-Je t'aime, murmure-t-elle en me prenant dans ses bras.

J'embrasse lentement ses cheveux en commençant ma petite tirade :

-Vous nous manquez, les gars. Vous nous manquez quand on se met à rire devant cette émission bidon qu'on regardait à l'époque, vous nous manquez quand on passe devant le lycée en voiture, vous nous manquez quand on va au McDo, à l'hôpital, qu'on trouve une publicité sur Las Vegas ou l'Arizona. Vous nous manquez quand on s'embrasse et qu'il n'y a plus personne pour nous taquiner en disant que c'est dégueu. Vous nous manquez quand on entraîne Fern à la batterie, quand j'écris la moindre parole. Vous nous manquez quand on...

Je pose une main sur le nom de Fynn et Fern me regarde faire en prenant la parole à son tour :

-Vous nous manquez quand on pleure et qu'il n'y a plus personne pour faire de blagues stupides pour nous redonner le sourire. Vous nous manquez quand Hailey ne répond pas au téléphone et qu'on se retrouve alors seuls, sans vous deux, sans Hailey... Vous nous manquez quand on regarde Raiponce ou n'importe quel film sur des voisins qui tombent amoureux, ou encore quand notre personnage préféré meurt... sans parler de Roméo et Juliette. Vous nous manquez quand on a une bonne nouvelle et qu'on voudrait pouvoir vous la crier de joie, vous nous maquez quand on n'en peut plus du boulot et qu'on a besoin de se plaindre, quand on se dispute et qu'on a besoin de se plaindre encore plus.

Elle sanglote si fort qu'on n'entend presque plus ce qu'elle dit, mais elle poursuit malgré tout :

-Vous nous manquez quand on se marie et qu'on ne vous voit pas danser au fond de la salle, qu'on ne vous entend pas hurler en plein milieu du discours bien chiant de l'église, qu'on ne vous serre pas dans nos bras avant de partir en lune de miel. Vous nous manquez...

Elle pose sa main sur le nom de Thaïs, à côté de la mienne et je termine :

-Jamais on ne cessera de penser à vous dans tous ces moments, jamais vous ne cesserez de nous manquer. Et vous savez pourquoi ?

Un long silence étouffant me répond, alors je me dépêche de reprendre la parole :

-Parce que vous faites partit de la plus dur période de notre vie, comme la plus belle. Parce que « la plus belle », c'est vous. C'est grâce à vous. Parce que sans votre aide, nous serions encore dans la plus dur période de notre vie et qu'on ramerait encore et encore.

Les larmes de Fern redoublent quand elle annonce à son tour :

-Merci de nous avoir apporté tant de bonheur là où, à l'époque, nous ne voyons que du malheur. Merci de nous avoir apporté des rires quand on ne pensait plus pouvoir ne serait-ce que sourire. Vous avez étés si...

-Si parfaits, je la coupe.

Fern me jette un regard empli d'amour et rassuré. Pour la première fois en trois ans, je la sens prête à avancer, à se relever, à continuer à se battre. Elle est prête à être heureuse sans eux, avec leur seul souvenir comme présence. Elle fait son deuil sous mes yeux, elle s'offre pleinement à moi... son mari.

-Vous nous manquerez quand nous serrons à l'hôpital pour la naissance de notre premier enfant, je souffle. Vous nous manquerez quand, dans quelques années, Hailey ne sera toujours pas de retour et qu'on devra se faire à l'idée que toutes les amitiés ne sont pas vouées à fonctionner, que certaines personnes quittent notre vie après tout ce qu'on a vécu sans aucun remords, ni aucune explication et que nous n'avons pas d'autre choix que d'accepter et respecter ce choix. Vous nous manquerez quand nous enterrerons nos parents. Vous nous manquerez quand nous nous sentirons mourir à notre tour, enfin près à vous rejoindre. Mais d'ici là... nous allons vivre. Nous allons être heureux pour vous, nous allons passer tous les bons moments que vous n'avez pas pu avoir et... nous penserons toujours à vous.

Fern se relève lentement et secoue sa robe toute sale. J'agrippe sa main pour me lever à mon tour et la voilà qui murmure :

-Plus rien ne sera comme avant. Sans vous, ce monde n'est pas un monde. Sans vous, tout ceci n'a plus de sens. Mais... comprenez que nous n'avons plus le choix : après toutes ces années passées dans la peine infinie, il est temps pour nous d'avancer et de nous reconstruire. Vous nous manquerez à chaque étape que nous aurions aimés passer à vos côtés...

FIN

We start againWhere stories live. Discover now