Chapitre 51

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HAILEY

Il nous a emmenés voir un mur. C'est ma première pensée : vu de loin, ça ne va pas au-delà d'un simple mur noir qu'un tas de touristes prend en photo. La foule me cache la vue et je ne comprends toujours pas ce qu'on fiche ici. Thaïs et Elik n'ayant pas l'air plus informés que moi haussent les épaules.

-Il ne faut pas lui en vouloir, s'amuse Elik, il n'est plus dans son état normal depuis sa déception amoureuse.

-Il n'y a aucune déception ! s'insurge aussitôt Thaïs, rentrant dans son piège.

Mon ami se contente de hausser les épaules à nouveau, me faisant un clin d'œil complice au passage. Comme si je voulais participer à n'importe qu'elle plaisanterie vis-à-vis de Thaïs. Cette fille est si...

-Je ne comprends pas, dit-elle justement.

... si inutile. Méchante, vicieuse, manipulatrice. Et elle a ce corps de rêve, dont elle profite bien trop.

-Pourquoi Fynn voudrait-il voir un fichu mur ?

Comment mes amis peuvent-ils faire confiance à une personne si orgueilleuse, prétentieuse, égoïste... ? La liste étant encore bien longue. Je ne m'y ferais jamais. Comme je ne me ferais jamais à l'idée qu'elle va mourir. J'ai encore espoir que ce soit l'une de ses méthodes de manipulation.

-Il disjoncte carrément.

Cette dernière phrase sort de la bouche d'Elik, tandis que Fynn coupe le moteur. Le pick-up semble si petit face à ce mur impressionnant et, en y regardant de plus près, je constate que c'est loin d'être n'importe quel mur. Fynn nous a emmenés devant le célèbre « Before i die ». Ce mur recouvert d'une peinture spéciale, que l'on peut recouvrir de craie. Et chacun y est allé de son petit mot : « avant de mourir, je veux stopper le racisme », « avant de mourir, je veux rencontrer Justin Bieber », « je veux visiter l'Europe », « je veux changer le monde », « je veux trouver l'amour »...

-C'est..., commence Fern abasourdie.

-LE mur, j'affirme.

Tant de rêves se présentent face à nous. Tous ces gens qui sont venus déposer leur vœu le plus cher et qui chaque jour de leur vie, se battent pour l'accomplir. C'est un mur plein d'espoir. Il représente tout le monde et n'importe qui à la fois.

-C'est idiot, se lamente Elik.

-C'est merveilleux, s'émerveille Fern.

Ils ont parlés en même temps, nous prouvant leur différence cruciale et leur ressemblance indéniable.

-Pourquoi vouloir exposer à la vue de tous des rêves si immenses, tel que « je veux stopper les famines » ? Ça ne sera qu'une preuve de plus que vous avez échoués et que vous êtes mort. On va tous crever et tout emporter dans notre tombe de toute façon alors... à quoi bon ?

Il donne un coup de pied dans une pierre, qui va s'écraser au pied du mur. Tous les regards se tournent vers Elik. Il n'est pas beau à voir, le pauvre. Sa barbe ne cesse de pousser, ses vêtements sont poisseux étant donné qu'il n'a pas pensé à en emporter plus et il s'énerve tout seul en plus de ça : de quoi passer pour un vrai psychopathe. Du coin de l'œil, je vois Fern se retenir de lui balancer ses quatre vérités alors, je le fais à sa place :

-Personne ne te demande ton avis ici, que je sache. Si tu n'apprécies pas l'idée, n'écris rien. Mais ça compte visiblement pour ton ami (je désigne Fynn), alors respecte son choix.

-Et qu'est-ce qu'il va écrire, hein ? Qu'est-ce qu'on va bien pouvoir écrire, tous autant qu'on est ?

Il se passe une main dans les cheveux, tire un peu :

-Thaïs pourrait écrire une jolie chose, genre : « avant de mourir, je veux ne pas mourir tout simplement ». Joie ! C'était vraiment l'idée du siècle ce mur, Fynn. Félicitations.

J'essaie de comprendre sa réaction, en vain. Le voilà qui pète un plomb parce qu'il a peur que cela affecte Thaïs ? Depuis quand sont-ils devenus si proches ?

-C'est quoi ton problème ? le questionne Fynn, d'un air rageur.

-Je n'en ai aucun moi, ok ? Ce n'est pas moi qui vais crever, ni moi qui vais vivre la mort de la personne que j'aime le plus au monde. Je ne suis pas sous l'emprise d'un connard de petit ami et je n'ai absolument aucune rondeur qui me donne de quelconque complexe ! Tout va à merveille.

Pourtant, cet aveux semble vouloir en dire bien plus, genre : « Je me sens mis à l'écart. Votre malheur m'envahis, je ne sais plus comment vous aider ».

-Elik..., je commence.

-Non ! me coupe-t-il. Non. Il est temps de tous vous faire soigner, merde ! Pourquoi sommes-nous partis, hein ? Pour aller mieux, c'était ça le deal... je me trompe ?

Il nous observe tous un par un.

-Pourtant, tout empire jour après jour... Nous en avons la preuve sous les yeux !

Il se tourne afin de pointer le mur du doigt :

-Pourquoi est-ce que tout ça se termine ainsi, dites-moi ? Pourquoi ce besoin de constamment se rappeler la mort, la tristesse et la crainte du lendemain ?

Je comprends alors que nous avons commis une faute irréparable en le laissant nous aider sans jamais lui demander si lui, il allait bien. Nous avons tous crus à ses « pourquoi est-ce que ça n'irait pas ? », nous n'avions que lui. Il était le seul à toujours garder un pied sur Terre et il est devenu notre pilier. Le problème étant qu'il avait déjà du mal à se tenir lui-même.

-Je voudrais simplement..., tente de s'expliquer Fynn.

-Passe-moi une craie, râle Elik à l'intention de Fynn.

Les yeux de ce dernier s'ouvrent comme des soucoupes. Il lui tend une craie, tout en avouant :

-Je ne comptais pas vous demander d'écrire quoique ce soit, je t'assure. Je voudrais simplement laisser une trace de mon passage et de celui de Thaïs, surtout du sien...

Elik se fiche royalement de ce que son ami déblatère et se penche sur le mur afin d'y marquer : « avant de mourir, je veux que mes amis vivent, heureux de préférences ».

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