Chapitre 25

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FYNN

La balade est longue. On parcourt les sentiers battus du Grand Canyon en discutant. Enfin... c'est surtout le reste de la bande qui discute. De mon côté, je profite de la brise sur mon visage en silence, du coucher de soleil qui se perd, derrière les dunes de sable rouge. Tout a l'air enflammé, plus encore que mon cœur. C'est ce sentiment d'être compris, qui me met de suite en confiance avec ce lieu. Et je ne peux m'empêcher de me demander ce que Thaïs a ressenti en marchant sur ce même chemin desséché.

-Le public avait l'air de vous apprécier, avoue Fern quand je reprends le fil de la conversation.

-Tu plaisantes ?! s'exclame Elik en retour. Il nous a adoré, oui !

Lui et sa confiance légendaire... Cette même confiance que Sawla a pourtant réussi à lui retirer. Il retrouve son caractère, étape par étape, bien plus vite que ce que j'avais imaginé.

Je me dis alors que Thaïs a elle aussi, dans un sens, réussi à m'ôter ma confiance. Mais pas d'un seul coup, rien qu'en me quittant. Non, ça aurait été bien trop banal et facile pour une fille comme elle. Thaïs m'a enlevé un bout de confiance quand on avait sept ans, puis elle a continuée. Ça devenait notre petit rituel : elle qui m'évite et moi qui me sent rejeté, pas aimé. J'ai grandis en me disant que si elle, elle ne m'aimait pas, ça ne serait le cas de personne. Et je crois que c'est encore le cas. Je n'ai besoin que de son amour, de son approbation. J'ai besoin d'elle.

-Fynn ?

Je relève un peu trop vite la tête. C'est Fern, qui me fixe d'un air inquiet :

-Tu es distant depuis le début de ce voyage... on t'a connu plus bavard et investi.

-Je...

Elle lève une main, comme pour me dire qu'elle n'a pas fini :

-Je comprends que Thaïs occupe ton esprit et... c'est normal. Elle va... enfin... tu sais. Ce que j'essaie de te... dire... Fynn...

Elik s'approche lentement d'elle et pose une main sur son épaule, poursuivant à sa place :

-Ce qu'elle veut dire, Sherlock, c'est que tu dois préserver ton cœur et éviter de trop d'attacher... tu vois ?

Pas trop m'attacher, parce qu'elle va mourir. On ne sait ni quand, ni comment... mais ça arrivera. C'est son destin. Et ça m'effraie. Parce qu'elle est seule dans sa chambre d'hôtel en ce moment et qu'elle a visité le Grand Canyon seule aujourd'hui. Elle veut mourir seule. Et moi, je veux qu'elle soit tout, sauf seule. Je veux remplir ses pensées, son monde, son avenir, qu'elle n'a pas. Rien de ce que je désir n'arrivera et ça me ronge. Et je m'en veux d'être rongé par tout ça, alors qu'elle, elle doit se préparer à mourir.

Je tombe à terre. Je m'assois et prend du temps pour respirer et penser. Je dois me calmer avant la surcharge émotionnelle. Je ne peux pas me permettre de pleurer. Pas ici, pas comme ça.

-Fynn ! s'exclame Fern en faisant demi-tour pour s'accroupir face à moi.

Elle prend mes mains avec une délicatesse qui m'épate. Et Nell qui n'est même pas fichu de profiter de ce qu'il a... Ce monde est rempli de bien trop d'injustices. Fern mérite un amour qui la comblerait de joie. Thaïs mérite une vie qui lui fera comprendre que ça en vaut la peine. Et Elik...

Elik pose une main sur mon épaule, comme il le faisait avec Fern un peu plus tôt, se penchant un peu pour m'observer. J'ai envie de lui replacer les quelques mèches violettes qui lui tombent dans les yeux, mais je m'abstiens. Il a l'air épuisé de toujours être là pour tout le monde, d'écouter les problèmes de chacun. Je lui retire la main de mon épaule et la serre doucement en murmurant :

-Tu mérites Fern, comme tu méritais Sawla et... comme tu mérites toutes les filles de l'univers. Je suis désolé, Raiponce...

Il a un petit rire attendrissant.

-Ça va, ça va. Il est juste un peu sonné par toutes ses émotions à la suite, dit-il au reste de la bande, ça va lui passer. Il a simplement besoin de repos. Il n'a jamais été très fort, en ce qui concerne les sentiments.

-On rentre, j'entends Hailey affirmer derrière lui.

-Non... c'est beau ici...

Mais mes yeux se ferment déjà à moitié.

                             ***

J'imagine d'ici le schéma : Elik qui râle sur le chemin du retour parce que je suis bien plus lourd que lui et qu'il n'arrive pas à porter mon corps endormi. Fern qui lui masse les épaules quand ils atteignent enfin le pick-up. Puis Hailey qui m'installe à l'arrière sur le matelas et se pose à son tour. Le bruit du moteur, puis le pick-up qui file dans la nuit. Pour retrouver l'hôtel et, surtout, Thaïs. Je les imagine ensuite me porter à nouveau, tout en montant les nombreux escaliers (ascenseur en panne oblige), puis toquer à notre chambre respective, à Thaïs et moi. Ils n'obtiennent aucune réponse, alors décident de taper le code eux-mêmes. Et enfin, ils entrent et ne voient pas de suite Thaïs en train d'agoniser dans la pénombre. Ils me déposent sur le lit, mais je n'ai plus sommeil, parce que moi, je n'ai pas besoin de le voir. Je suis lié à Thaïs, je ressens de suite que ça ne va pas.

-Thaïs ! Occupez-vous de Thaïs ! je hurle en me détachant de leurs bras.

Je cours presque pour atteindre son lit et, quand enfin je l'atteins, je la vois cracher son sang, la main posée sur sa poitrine et toussant silencieusement, cherchant de l'air.

Merde.

Merde.

Merde.

Je tourne en rond dans la pièce, ne sachant que faire, pendant qu'Elik s'occupe d'appeler les secours et qu'Hailey va lui chercher un sceau pour cracher tout ce sang. C'est dans ce genre de moment, que je prends pleinement conscience de sa maladie. Le reste du temps, elle le cache si bien qu'on pourrait presque l'oublier...

We start againWhere stories live. Discover now