We start again

Chapitre 90

HAILEY

Je m'en veux immédiatement de revenir dans leur vie après trois mois, pour un enterrement. J'ai l'impression d'être leur amie simplement dans les mauvais moments, pour être consolée. J'ai l'impression de profiter de la mort de Thaïs, comme Nell avait profité de celle de Fynn. Rien que le fait de pouvoir me comparer à lui me fou la gerbe.

-Ça y est, hein ? me glisse mon père quand on arrive. Les deux amants ce sont retrouvés ?

Je hoche la tête, incapable de parler devant leur fin tragique. Et j'espère de tout cœur qu'ils peuvent êtres ensembles là-haut.

-Ils n'ont pas eu de chance ces gamins, poursuit mon père en se garant.

-Ne les appelle pas comme ça, je me sens obligée de les défendre.

Mon père a un petit rire sadique avant d'expliquer son point de vue :

-Je veux dire... d'après ce que tu m'as raconté, il n'y avait pas plus compatible qu'eux, pas plus amoureux et ils avaient ce besoin l'un de l'autre épatant, non ? On trouve rarement ces qualités dans un couple et... ils ont tout emporté dans leur tombe.

-Papa !

Ça m'énerve qu'il se permette de parler de la mort de mes amis avec autant de détachement.

-Bien-sûr, peut-être que s'ils n'étaient pas morts et qu'ils avaient eu la chance de vivre comme tous les autres... peut-être, répète-t-il d'un air pensif. Enfin ce n'est que mon avis, hein, ne t'énerve pas.

-Quoi ? je perds patience.

-Tu ne crois pas qu'ils auraient finis par se lasser l'un de l'autre avec le temps ? Tu ne crois pas que la seule chose qui ait pu les rapprocher est la mort ? Mais si la mort n'était jamais venue, auraient-ils continués à s'aimer ? C'est...

-Arrête tes conneries ! Bien-sûr qu'ils...

Mon père me montre du doigt la foule qui commence à arriver et parle à ma place :

-C'est un peu comme cette histoire... Roméo et Juliette. Le soi-disant coup de foudre, leur vie amoureuse qui dure trois jours et... la mort. Cette envie de mourir pour l'autre, toute cette passion. C'est...

-C'est beau, je souffle.

-C'est... enfin réfléchis un peu ! Ils ne sont pas tombés sous le charme pour rien, il y avait cette adrénaline derrière le beau sourire de Roméo qui a excitée Juliette. Il y avait cette prise de risque, cette envie de rébellion. Hailey... ces-deux-là ne sont pas morts par amour, ils sont morts pour prouver quelque chose, pour...

-Arrête !

Je commence à ouvrir la portière mais mon père me retient par bras et continu en me regardant droit dans les yeux :

-J'ai aimé ta mère comme un fou, Hailey. J'ai connu pas mal d'amour dans ma vie, sous différentes facettes et, pourtant, je ne crois toujours pas au coup de foudre, aux tragédies, à tous ces artifices. Ce n'est pas ça... l'amour.

-Fynn et Thaïs s'aimaient !

-Oui... ils s'aimaient comme on aime affronter notre peur, comme on aime foncer vers l'inconnu, comme on aime... prouver notre bravoure.

-Ne parle pas ainsi, je...

Il lève une main pour me demander de me taire et annonce :

-Peux-tu affirmer que Fynn serait resté avec Thaïs si son cancer avait miraculeusement disparue ? Et Thaïs, se serait-elle seulement rapprochée de Fynn si son cancer n'avait jamais vu le jour ? Leur histoire est bidon. Ce n'est pas ça l'amour, Hailey. Je suis là pour t'apprendre ce genre de choses et...

Cette fois, quand j'ouvre la portière, il ne me retient pas. Il me laisse sortir et me suit jusque dehors pour crier dans mon dos :

-Tu ne me crois pas ? Regarde tous ces films hollywoodiens et prouve-moi qu'au moins un couple s'aime sans tout un tas de soucis autour. Prouve-moi qu'ils n'ont pas besoin de peurs, de pleurs et de drames pour s'aimer. Prouve-moi qu'ils ne s'aiment pas seulement parce que c'est rassurant, parce que ça les aide à affronter leur peines, parce qu'ils ont envie et non pas besoin, de se sentir aimés. Prouve-moi qu'ils s'aimeront encore ensuite, le jour où ils arriveront à régler tout ça. Surement, au début, quand le film se termine, mais ensuite ? Que se passe-t-il des années plus tard ? Quand on a oublié jusqu'à l'existence même de ce film ? Que se passe-t-il, Hailey ?!

Mes larmes commencent à pointer le bout de leur nez quand je lui hurle en retour :

-Fynn et Thaïs n'ont rien à voir là-dedans !

-Fynn et Thaïs sont les pires, s'entête-t-il quand je lui tourne le dos.