Chapitre 40

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ELIK

Bon, ça n'était peut-être pas l'idée du siècle. Les montagnes... sérieux, Elik ? Fern tremble comme une feuille et c'est entièrement ma faute. Elle va me détester, plus encore qu'avant.

-Tu n'es pas obligée, dis-je en la voyant se déshabiller plus encore.

Elle souffle un grand coup, comme pour se donner du courage et son tee-shirt tombe à terre. C'est bientôt au tour de son pantalon de subir le même sort. Merde.

Ça aussi, Elik, ça n'était pas l'idée du siècle. Fait au moins semblant de regarder ailleurs.

-Tout va bien ? me demande Fern, coupant court à mon monologue intérieur.

-Oui ! je réponds avec beaucoup trop d'entrain.

Bon sang ! Ma voix sonne bien trop aigue, elle va vraiment finir par me prendre pour un psychopathe. Je tente de sourire.

-Euuu...

A sa grimace, je suis certain que mon sourire n'arrange rien du tout. Au contraire. Mais je ne peux m'empêcher de la regarder à présent. Le clair de lune illumine ses formes à la perfection. Ses formes que j'avais rien que pour moi, le temps d'une nuit...

-On saute ? je m'exclame, cherchant à me changer les idées.

Le froid devrait m'aider à y voir plus clair et arrêter de baver devant son corps. N'importe quoi.

-Elik...

Je vois bien qu'elle a compris le moindre de mes regards et qu'elle cherche à en discuter. Mais je ne peux pas supporter un nouveau rejet. Je regarde l'eau qui nous attend en bas, espérant que ça soit assez profond pour m'éviter une mort honteuse et je sens finalement comme un déclic en moi. Je prends tout l'élan qu'il m'est possible de prendre et je m'élance. Au moment où je crois que je vais sauter, je m'arrête net. Juste au bord du précipice. Fern se marre dans mon dos :

-On croit toujours savoir ce qu'est le courage. On se dit : « quand il le faudra, je le ferais ». Ce que le courage demande est bien diffèrent de tout ce qu'on a pu s'imaginer quand nous nous sentions plein de bravoure, un soir lambda entre potes.

Elle souffle un grand coup et s'avance vers moi, tout en débattant :

-On croit être courageux. Mais le moment venu, on se rend compte que c'est au-dessus de nos limites.

Sa main vient se poser sur mon épaule, comme je l'ai fait avec elle, quelques instants plus tôt.

-On a tous nos limites, Elik.

J'ai un petit rire nerveux. Me rendant compte que ses paroles, mélangées à ses doigts sur mes omoplates me font bien plus d'effet qu'il ne faudrait. Me rendant compte qu'elle ne parle même plus de mon saut raté, mais bien de son propre courage, concernant Nell. Le moment venu, elle n'a tout simplement pas le courage qu'elle espérait avoir.

-Alors..., je commence.

-Alors il faut du temps... pour apprendre à dépasser nos limites, pour sortir de notre zone de confort.

Je me retourne complétement vers elle et murmure :

-Saute avec moi.

-Q... Quoi ? Elik, tu as dû mal comprendre, mais je...

J'ai un sourire en coin en la voyant si déconcertée :

-Je suis sérieux. Mes limites s'effrites totalement quand tu es proche de moi, Fern. Sauter, si c'est avec toi, ne me semble finalement pas si terrible.

J'espère par la même occasion lui faire comprendre que, ses limites à elle, peuvent aussi sauter. Elle peut se reposer entièrement sur moi et quitter Nell. Elle peut sortir de cette zone de confort, si c'est avec moi. Les limites s'effacent...

Je prends sa main dans la mienne et l'embrasse tendrement du bout des lèvres. Fern me regarde faire, ne sachant que faire. Hésitant certainement entre se coller encore plus à moi ou me repousser. J'opte pour la première option, si jamais quelqu'un se poserait la question.

-Détruit mes limites, Fern.

Elle ouvre la bouche, comme si elle allait dire un truc mais s'abstient. Elle se retient tellement, comme si elle censurait tout ce qui ne plairait pas à Nell... :

-Je t'en prie, je la pousse un peu, aide-moi à surpasser cette crainte.

Elle baisse le regard. Je sais qu'elle comprend où je veux en venir. Elle comprend chacun de mes sous-entendus, depuis toujours. On se comprend tellement, depuis si longtemps, que je me demande comment on a pu finir avec Nell et Sawla. Ça aurait dû être elle dès le début, je n'aurais jamais dû finir aussi brisé qu'elle.

-D'accord, dit-elle après un silence interminable.

Elle hoche la tête si lentement, comme pour se convaincre qu'elle ne fait rien de grave.

-Je vais sauter avec toi, ajoute-t-elle l'air de dire « sans arrières pensées ».

Elle veut simplement qu'on s'occupe de mes limites à moi, pour aujourd'hui. Les siennes attendront, compris. Message reçu.

-Tu vas sauter avec moi, je répète tout sourire.

Merde. Cette fille me rend complètement crétin.

-Oui.

Elle glousse, comme si elle entendait mes pensées. Je lui lance un regard ébahi. Ça ne devrait pas me toucher autant, on va juste sauter dans de l'eau gelée et peut-être même crever. Merde. Soudainement je ne souris plus du tout et je la regarde plutôt d'un air paniqué. Je change beaucoup trop vite d'émotions, je contrôle foutrement rien :

-Bon sang, je grogne.

Elle recule tout doucement, tirant ma main vers elle. Je mets un certain temps avant de comprendre ce qu'elle fait : elle s'éloigne du bord pour prendre de l'élan :

-Bon sang. Bon sang. Bon sang, je lâche en continu. Qu'est-ce que je ne ferais pas pour toi, Fern ?!

Elle me jette un coup d'œil et rigole :

-Jeter ta guitare par-dessus bord ? propose-t-elle.

-Bordel. Même ça, je le pourrais.

Elle se marre de plus belle et me chuchote à l'oreille :

-Il va falloir le prouver.

Puis elle se met à courir, ma main toujours dans la sienne. Arriver au bord, je n'ai aucune hésitation : je la prends dans mes bras et saute.

We start againWhere stories live. Discover now