Chapitre 17

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ELIK
           
On a finalement décrété que rester chez Fynn, c'était bien trop dangereux : entre ses parents qui devaient bientôt rentrer et ceux de Thaïs qui allaient la chercher partout, on était mal. C'est ainsi qu'on s'est retrouvés chez moi, face au pick-up bleu de mon père. Il n'y a que deux places à l'avant, mais le renfoncement à l'arrière peut accueillir plus de cinq personnes. Avec la chaleur estivale, on réfléchit à la possibilité de mettre un matelas à l'arrière et partir, cheveux au vent. Thray m'a rappelé entre-temps, à la suite de mon appel avec Fern : Kyle est okay, il compte sur nous pour sa première partie et il s'occupe du reste du concert. Ça nous va, nous n'étions pas prêts à être sur le devant de la scène.

Donc, revenons au pick-up : mes parents sont rarement à la maison la nuit, préférant allez boire un coup dans le bar le plus proche, se fichant pas mal de leur fils. Je vais enfin pouvoir profiter de leur absence. Pour une fois, ils sont partis avec la petite voiture de maman, nous laissant tout le loisir d'embarquer le pick-up. Grave erreur, papa... Sans plus de pitié, j'entre dans la maison, chope les clefs et démarre. Il n'y a toujours pas trace d'Hailey et Fern.

Je n'ai pas de doute sur l'arrivée imminente d'Hailey, elle m'a affirmée avec enthousiasme qu'elle viendrait. Même si elle n'était pas des plus heureuses d'apprendre pour Thaïs, la tournée l'excitait carrément.

Mais Fern... Elle, c'est bien plus compliqué. Elle n'a jamais osé quitter le Kansas depuis que je la connais. Depuis qu'elle connait Nell. Elle préfère être là, « au cas où il a besoin de moi, au cas où il m'appelle enfin... ». Jamais il ne donne de nouvelles, elle devrait le savoir depuis le temps. Elle le harcèle de messages, auxquels il ne répond que lorsqu'il n'a personne d'autre sous la main. Il ne lui prête pas la moindre importance. Et elle, chaque jour elle se démène mentalement pour lui. Il prétend faire des efforts, mais elle, elle ne dit rien. Elle fait ses efforts dans l'ombre, sans même qu'il ne s'en rende compte. C'est ça l'amour : entretenir l'autre silencieusement, de petites attentions cachées. Parfois, elle arrive même à prétendre qu'elle l'oubli, qu'elle peut faire sans. Elle dit qu'elle n'a pas besoin de « ça » dans sa vie. Mais « ça » fini toujours par lui manquer, « ça », elle ne peut pas vivre sans. Elle a « ça » dans la peau, dans le sang, dans le cœur. Et sans « ça », elle est perdue, elle n'est plus que l'ombre d'elle-même. Et c'est ainsi, qu'elle est devenue accro à cette relation qui la bouffe de l'intérieur : en se disant que sans « ça », elle n'était plus qu'un vide infini, dont tout le monde se fichait.

***

Evidemment, ce sont les pas d'Hailey qu'on entend arriver en premier. C'est son « hello », qui nous salut. Elle n'habite pas très loin de chez moi, et elle a préféré venir à pied, afin de ne réveiller personne avec un bruit de moteur. Elle fait la bise à tout le monde. Sauf à Thaïs. Elle regarde tout le monde. Sauf Thaïs. Et elle dit à tout le monde :

-Prêts ?

Sauf à Thaïs. Mais c'est cette dernière qui répond la première :

-Je n'ai rien demandé à personne, moi.

Cette remarque a le don de faire taire tout le monde, de tous nous faire hésiter. On ne sait pas ce que la populaire nous réserve, mais elle n'a pas l'air prête à nous faire part de sa gentillesse durant notre voyage...

-Hé ! C'est quoi ces têtes d'enterrement ?!

Fern.

-Cette fois, on est prêts, dis-je en me tournant enfin vers Hailey avec un grand sourire, oubliant instantanément Thaïs.

Elle est là. Fern. Dans toute sa splendeur : cheveux lâches, sac sur les épaules, mine encore un peu endormie. Elle est venue !

-Tu... tu es là, murmure Fynn incrédule.

-Tu avais raison, dit Fern en me regardant. Il ne décidera pas pour moi. Je viens. Et il pourra réagir selon ses humeurs...

Thaïs a un petit rire qui me crispe instantanément, avant qu'elle dise :

-Tu sais qu'il va profiter de ton absence pour baiser tout ce qui bouge ?

Là je me suis transformé en statue et Fern souffle un grand coup, comme pour se donner du courage :

-Même quand je ne suis qu'à quelques mètres de lui, il ne se gêne pas.

Tout le monde a définitivement perdu l'usage de la parole. Sauf Thaïs :

-Il faut dire qu'il sait y faire...

Oh.

Merde.

Cette fille est écœurante et n'a vraiment aucun respect. Je devrais y être habitué depuis le temps qu'on la côtoie. Même Fern a l'air surprise, elle serre les poings de toutes ses forces.

-Tu... toi. Lui. Je ne...

Elle ne sait plus quoi dire, personne ne le sait. Le temps-même semble être en suspens. Sauf Thaïs qui a toujours le dernier mot :

-Chérie... je vais devoir te le dire combien de fois : c'est moi qu'on regarde, qu'on admire. Ce n'est pas toi. Ça ne sera jamais toi, avant moi. C'est moi, avant toutes les autres. Tu t'attendais à quoi d'autre ?

Le vent souffle violemment. L'ancienne Thaïs semble renaître, elle a trouvé la faiblesse et se glisse en plein dedans. Et Fern décide alors de laisser tomber, comme toujours face à la princesse du lycée. On s'est tous fait à l'idée qu'elle a toujours le dernier mot. C'est toujours à Thaïs de mettre le point final.

Elle nous regarde l'air de dire : même une Thaïs malade est capable de vous mettre la misère.

Bon. Cette tournée risque d'être bien longue...

We start againWhere stories live. Discover now