Chapitre 48

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NELL

-Qui était-ce ? demande la pauvre meuf qui se trouve dans mon pauvre lit.

Je me passe une main sur le visage, me masse le front sentant un début de migraine. Fern va me rendre dingue un jour ! Je n'arrive pas à croire qu'elle m'ait demandée une chose pareille. Est-ce qu'elle commence à m'échapper, comme tout le monde l'avait prédit depuis des mois ? Pas possible. Elle tient bien trop à moi.

-Allo ? poursuit la fille dont j'ai oublié le nom.

Cette histoire commence sérieusement à me fatiguer. Je pensais que baiser le maximum de meufs possible ferait revenir Fern plus vite, qu'elle ne voudrait pas entendre parler de cela. Résultat, je me retrouve comme un con, encore une fois. Il va falloir que je change ma méthode.

-Ça ne te regarde pas, je grogne en récupérant ma couette. Sors de ce lit !

J'embarque les draps et les mets de suite à laver. Hors de question de dormir avec son odeur, je supporte uniquement celle de Fern.

-Pas la peine d'en faire toute une histoire. Je pensais que tu te fichais de cette meuf, c'est bien ça, non ? Tu disais quoi déjà ?

Quand elle réfléchit, elle est encore plus répugnante. Comment j'ai pu me laisser entrainer là-dedans ? Tout ça parce que Fern me manque ? C'est ridicule. Je ne suis pas un pauvre gars en manque ! Elle est en train de me transformer en pourriture.

-Ah oui ! « Je n'ai aucune attache. Fern ? Elle ne représente rien pour moi, juste un passe-temps comme un autre ».

Elle se tapote le menton de l'index, puis :

-Tu vois ? C'est toi-même qui disais t'en foutre et c'est à moi que tu le reproches maintenant ?

Les filles sont chiantes.

-Tu disais qu'elle était bien plus nulle au lit que moi il y a même pas cinq minutes et que...

Je n'en peux plus de l'entendre jacasser. Cette bouche m'était beaucoup plus utile dix minutes plus tôt, maintenant, elle devient envahissante. Comme toutes les autres.

-Ça suffit ! je hurle en la plaquant contre le mur.

Je tiens ses bras au-dessus de sa tête. Pas fort au point de lui faire mal mais assez pour la maintenir en place tout de même. Son sourire d'hypocrite me cloue le bec :

-Tu es une grosse saleté Nell. Si tu tiens tant que ça à cette fille, pourquoi l'ignorer et coucher avec toutes les autres ?

Je n'en sais foutrement rien. Pourquoi est-ce que je n'ai jamais rien fait avec Fern ? Pourquoi est-ce que je me contente de chastes baisers ? Est-ce que j'essaie de la préserver de moi ? Je secoue la tête.

-Tu ne sais pas de quoi tu parles...

-C'était bien elle au téléphone, n'est-pas ? Le coup du « j'ai beau avoir un cœur de pierre, tu es un peu dedans » chapeau.

Sur ce, elle m'applaudit. Je ne peux me retenir plus longtemps : je lui cogne la tête contre le plâtre. Elle hurle, plante ses ongles dans mes avant-bras :

-Tu ne sais pas de quoi tu parles, je répète.

-Je parie qu'elle est du genre à tout te pardonner, pas vrai ? Tes colères après avoir trop bu, les filles, les bagarres... peut-être même que t'es du genre à dealer.

Je respire fort, bien trop fort. Elle lit en moi comme dans un livre ouvert... Suis-je si transparent que ça ?

-Je connais cette sensation, dit-elle. Les mecs, la gueule de bois qui en découle et... me battre. Beaucoup. C'était ma grande spécialité.

Je ne comprends pas comment on en est arrivés à se confesser mais c'est bien ce qu'il se passe : elle me raconte carrément sa vie là ! Qu'est-ce que j'en ai à fiche ? Je n'écoute déjà pas Fern, ce n'est pas pour l'écouter elle ! Voyant que j'essaie de me dégager, elle retient mon bras :

-Tu l'aimes ?

Cette question ! Qu'est-ce que l'amour ? J'aime quand Fern m'écoute me plaindre ou encore qu'elle se taise, parce qu'elle comprend qu'elle pourrait m'énerver. Elle, elle sait la fermer quand il faut. J'aime qu'elle soit à mes côtés quand je passe une journée terrible parce que je sais que, elle, elle ne m'emmerdera jamais. Elle ne me dit jamais de méchanceté. J'aime la voir rire grâce à moi uniquement. J'aime...

-T'es incapable de le dire, hein ? Lui as-tu seulement avoué ton amour, ne serait-ce qu'une seule fois ?

Je suis certain de l'avoir déjà fait deux ou trois fois... Ou alors je l'ai juste pensée très fort, n'autorisant pas les mots à sortir.

-Je ne doute pas de ton amour. On ne reste pas aussi longtemps avec la même personne sans attaches, mais... je doute qu'elle, elle supporte cette situation encore longtemps.

-Qu'est-ce que... ?!

-Je te le répète : j'étais comme toi. J'ai rencontré le petit ami parfait, le genre riche, beau et attentionné. Il n'avait pas une once de méchanceté et il croyait en moi. Il avait beau me voir le tromper à droite et à gauche, il croyait toujours en mes excuses d'alcoolique.

Une larme. Bon sang ! Elle se met à chialer maintenant.

-Que crois-tu qu'il s'est passé ensuite ?

-En voyant à quel point tu es minable, j'imagine qu'il est parti en courant. Je l'espère pour lui en tout cas.

Elle hoche la tête, comme dégoûtée d'elle-même.

-Il est partit, en effet. Mais pas de suite. Notre relation a durée trois ans. J'ai eu le temps, en trois ans, de le ruiner. Mentalement comme physiquement, je l'ai souillé. Il ne restait plus rien du garçon d'autre fois. Il avait cru en moi, il s'était accroché à l'espoir que je changerais un jour. Il voulait ce qu'il y avait de mieux pour moi et idiote que je suis, je pensais que le mieux pour moi se trouvait loin de lui.

Elle rigole et pleure à la fois.

-Nell, ne fais pas les mêmes erreurs. Si tu l'aimes, ne serait-ce qu'un peu... laisse-la partir avant de la détruire. Les gens comme nous ne sont pas fait pour les relations stables. Tu as peut-être envie d'y croire, toi aussi, mais la vérité c'est qu'elle souffre en silence et qu'inconsciemment tu adores ça.

-C'est complètement stupide !

-Ah oui ? Pourquoi es-tu ici, avec moi, alors ? Si tu es capable de répondre autre chose que « c'est le seule moyen pour la faire réagir », je te croirais. On serait alors bien différents toi et moi.

Je réfléchis. Je passe bien trop de temps à réfléchir avec elle.

-Mais je ne pense pas me tromper, n'est-ce pas ?

Je sers les poings et dit entre mes dents :

-Ça suffit, quitte cet appartement.

-Je vois... tu te mens à toi-même.

Je la pousse loin de moi, lui ouvrant même la porte d'entrée. Je la claque si fort qu'elle pourrait presque exploser.

-Elle m'aime ! Elle restera toujours, je me dis à moi-même avant de fermer les paupières très fort.

Je ne sais pas qui j'essaie encore de convaincre...

We start againWhere stories live. Discover now