Chapitre 60

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FYNN

A la fin de la deuxième semaine qui a suivie notre retour, je retrouve Thaïs chez elle. Elle voulait qu'on se fasse une soirée film et en bon fiancé, je ne pouvais passer à côté du moindre petit instant qu'elle m'accordait en sa compagnie.

-Fynn ! s'écrie sa mère en me voyant sur le pas de leur porte d'entrée. Comme je suis heureuse de te revoir. Entre, je t'en prie !

Chose que je fais dans la seconde et, la seconde suivante, je découvre un homme que je suppose être le père de Thaïs. Je ne l'avais plus revu depuis mes sept ans, quand il est passé se présenter à mes parents. C'est un homme très discret, j'imagine. A moins qu'il ait décidé qu'il n'aimait pas notre famille et qu'il me fasse passer un sale quart d'heure.

-Monsieur..., je commence.

-Appelle-moi Rick, me coupe-t-il avec un petit sourire en coin.

Bien que je sois un peu plus rassuré, je me sens tout de même nerveux : quelque chose ne va pas. Ils se comportent tous les deux bizarrement depuis mon entrée.

-Je... est-ce que je peux voir Thaïs ?

La mère de Thaïs, aussi connue sous le nom de Rose, baisse le regard et laisse à son mari la tâche de m'annoncer :

-Elle est à l'hôpital.

Elle allait pourtant si bien la dernière fois que je l'ai vu, j'en suis certain. Elle avait encore insisté pour aller au lycée, bien que ce vendredi soit pluvieux et peu intéressant. Elle m'avait murmurée un petit « je t'aime » avant qu'on se sépare pour entrer dans nos salles respectives et elle avait bien mangée le midi. Je me souviens même avoir pensé pendant un instant qu'elle pourrait encore vivre une année au moins, sans difficultés.

-Je ne comprends pas, dis-je. Elle a fait une crise ?

Rose secoue la tête et baisse le regard une nouvelle fois. C'est encore au tour de Rick de prendre la parole :

-Rose a pensé que ça serait plus sage de la laisser entre de bonnes mains.

-Vous voulez dire que...

Je suis incapable de finir. Ils ont emmené Thaïs à l'hôpital parce qu'ils ont peur, je ne peux pas leur en vouloir. Ils ont peur que leur fille aggrave son cas en se baladant sous la pluie, en se réveillant si tôt, en continuant de vivre comme une personne lambda. Ils ont peur qu'elle se ratatine en se prenant, un beau matin, la réalité en pleine face. Ils ont si peur, que cette crainte passe bien avant les besoins de leur fille. Cette peur prend le dessus et ils ne se rendent pas compte qu'ils étouffent encore plus Thaïs en agissants ainsi.

-Des médecins expérimentés la surveilles de près, m'explique Rose. Elle est en sécurité.

Comme si cela pouvait me rassurer. Ils ne l'ont pas vu paniquer à son réveil, quand elle se rend compte qu'elle se trouve entre les quatre murs d'un hôpital. Il n'y a pas d'autre explication : ils n'ont jamais dû la voir. Parce qu'alors ils auraient compris que la place de Thaïs n'est pas dans un hôpital. Elle a besoin de sa liberté.

-Tu dois comprendre notre choix, Fynn, reprend sa mère. On ne veut pas que...

Mais je ne prends pas la peine d'écouter la suite. Je connais leur point de vue sur la question et je peux le comprendre. Mais le point de vue de Thaïs devrait passer en priorité. Je tourne les talons et me dépêche de rejoindre la vieille voiture de mon père.

***

J'en ai vu des choses affreuses dans ma vie et dans les films d'horreurs pour la grande majorité. Mais je pense que j'ai trouvé pire vision que n'importe qu'elle film d'horreur, que n'importe quel cauchemar. Quand j'arrive dans la chambre d'hôpital de Thaïs, je tombe face à ma plus grande peur : sa mort. Elle a l'air si fragile, si frêle dans sa robe de chambre et tous ces fils qui la maintiennent en vie. Voici une bonne représentation de la fameuse phrase : « la vie ne tient qu'à un fil ».

-Fynn...

Je redresse la tête, surpris. Sa voix a perdue de son énergie et elle peine à ouvrir les paupières. Elle allait si bien aujourd'hui... Je me demande ce qu'ils lui ont fait, ce qu'ils lui ont donné pour qu'elle soit soudainement si faible. Ça ne peut pas être naturel, ils y sont obligatoirement pour quelque chose. Elle n'a pas pu tomber si mal en si peu de temps. Son état ne peut pas être si mauvais...

-Thaïs ! Bon sang, j'ai eu si peur...

Je m'assois avec précaution à ses côtés :

-Je vais te ramener chez toi, je souffle pour la rassurer.

Mais la voilà qui s'affole et secoue la tête dans tous les sens :

-Chez moi..., commence-t-elle avec peine, chez moi... c'est ici, chez moi.

Elle désigne les murs immaculés qui nous entourent et hausse les épaules :

-Je ne veux pas mourir, Fynn.

Je fronce les sourcils, n'y comprenant plus rien. Il y a encore quelques heures, elle affirmait vouloir vivre sa vie à fond, qu'elle allait mourir dans tous les cas, qu'on ne pouvait plus rien pour elle.

-Ton cancer est incurable, Thaïs, dis-je doucement, pour ne pas la blesser. On ne pourra rien pour toi ici.

-Je veux essayer, murmure-t-elle.

Mais j'ai l'impression qu'elle le cri. J'ai l'impression qu'elle me balance ce cri du cœur en pleine face, qu'elle a l'impression que c'est sa dernière option. Elle choisit la solution de facilité parce que la peur l'a rattrapée elle aussi.

-Je vais rester ici un petit moment, Fynn.

Et moi, tout ce que j'entends c'est : « je vais rester ici jusqu'à ma mort ». Et moi, je pleure parce que tout allait si bien mais que sa mort nous reprendra toujours ce bonheur.

We start againWhere stories live. Discover now