Chapitre 13

1.6K 165 13
                                    

FYNN

J'écoute Elik pendant des heures. Ça semble si invraisemblable comme scène que je me surprends à me pincer plus d'une fois, histoire d'être sûr que je ne rêve pas.

Il pleure beaucoup, parle beaucoup et s'ouvre beaucoup à moi. Tout son contraire. Jamais je ne l'ai vu dans cet état, lui qui a toujours maintenu notre groupe sur pied, qui s'occupe toujours des coups de blues de chacun. Jamais nous n'aurions imaginés qu'à l'intérieur il en cachait autant...

-Le pire, continue-t-il, c'est qu'elle n'est pas le monstre dans l'histoire, ni son ex. J'ai l'impression que le monstre, c'est moi.

Et ça me tord les tripes parce que je suis tellement confus que je ne sais que lui répondre en retour. J'aimerai tellement pouvoir être comme lui en cet instant, savoir trouver les mots qui pourront, peut-être, le calmer un peu.

-Dors chez moi ce soir, je dis alors.

Ça me semble être l'idée la plus brillante que je n'ai jamais eue. Je pourrais ainsi le surveiller et être certain qu'il ne fait pas de bêtises sous l'emprise de la tristesse qui l'anime. Je sais que son amour pour Sawla le pousse à faire des choses que, de lui-même, il n'oserait même pas évoquer l'idée.

                               ***

Ce n'est pas la première crise d'Elik évidemment. J'y suis préparé. Il a déjà dormi chez moi tant de fois, il a déjà mis tant de fois les pieds dans ma chambre... cet endroit que je m'étais juré de toujours gardé fermé, évitant les mauvaises surprises, les peines quand la personne finie par nous lâcher... mais nous voici, trois ans plus tard. Je voulais y faire entrer Thaïs, grave erreur. Elle n'est même pas fichue de me faire entrer dans sa vie. Je suis tellement frustré que je me mets à en vouloir à la Terre entière.

-Tu sais quoi ? On va la faire cette tournée, dès demain on ira voir le producteur et...

-La tournée commence demain, Fynn... je ne sais pas s'il est encore possible qu'on...

-On doit y aller ! Tu dois bien pouvoir joindre Thray, nan ? Dit-lui que Fynn s'est enfin réveillé et qu'il dit qu'il faut partir et vite, ses amis vont mal, ils ont besoin de voir autre chose... Ils ont besoin de tenues de scènes, de projecteurs et de paillettes.

Mais Elik ne m'écoute pas, il est de nouveau plongé dans ses pensées sinistres. Je lui prends la main et murmure :

-Quand je dis « mes amis », ça vaut pour toi aussi, tu sais, surtout pour toi. T'es celui qui va le plus mal de nous tous. Et tu sais pourquoi ?

On croirait entendre ma mère...

-Parce que tu es généreux, Elik. Et certes c'est une grande qualité, qui ne ferait pas de mal à certains... mais toi, ça te pourri la vie. Tu veux donner de l'amour à tout le monde, réparer les plaies de tous. Ce n'est pas bon pour toi, parce qu'à côté de ça... Sawla et son ex te hantent. Tu cherches absolument à les fondre sous les problèmes des autres, mais ce n'est pas ainsi que ça marche.

-Fynn, tu n'es pas obligé de...

-Bien-sûr que si !

Je me mets à faire les cent pas, tirant sur mes cheveux :

-Tu es tellement à l'écoute des autres, mais qui est là pour t'écouter, toi ?

-Je...

-Tu es tellement présent pour nous, mais es-tu sûr qu'on répondrait à tes appels si toi, tu allais mal. Non, Elik. Parce que les Hommes sont ainsi faits : dès que quelque chose ne va pas dans leur vie, ils oublient le reste. On t'oublit, trop prit par nos propres ennuis.

-Alors...

-Alors tu dois appeler Thray maintenant, tu dois faire en sorte qu'on se sorte tous de cette galère. Toute la bande va mal, tu as été en première loge pour le voir, tu sais de quoi je parle. On doit se soigner, avant d'oublier...

( Fynn en média )

We start againWhere stories live. Discover now