Chapitre 42

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FERN

En rentrant à l'hôtel quelques heures plus tard, Hailey me fonce littéralement dedans. Elle me bombarde de questions. Mais je suis incapable de lui répondre autrement que par des « oui, c'était sympa » et des « non, rien de plus que des regards hésitants ».

-Oui, Hailey, c'est exactement ce qu'il s'est passé. Ça peut sembler dur à croire mais Elik m'a simplement raccompagnée à ma porte en me souhaitant bonne nuit.

-Il est gay ou... quoi ?!

-C'est juste que...

En vérité je suis incapable de finir ma phrase, pour la simple et bonne raison que je me pose les mêmes questions qu'Hailey en boucle. Pourquoi ne m'a-t-il pas embrassé ? Ou au moins essayé ? Est-ce qu'il a changé d'avis sur mon compte ? Est-ce qu'il trouve le combat trop dur pour ce que s'est ?

Je m'assois au bord de mon lit, coude sur les genoux et mains devant les yeux. Je grogne un simple :

-Je suis nulle...

Et je me laisse tomber sur le matelas. Je devrais me ficher éperdument de ce que peut penser Elik. Je devrais appeler Nell et donner des nouvelles, même lui ne m'a jamais autant mise dans l'embarras. Avec Elik, tout est bien trop mystérieux. Tandis que Nell est entièrement transparent, sûrement dû au fait que je sors avec lui et que je le connais un peu plus que les autres. Je ne sais que faire de tous ces sentiments. C'est éreintant à la longue. Quand je crois oublier Nell, il resurgit de nulle part, à croire qu'il ne disparaîtra jamais de mon esprit. J'aimerais me consacrer entièrement à Elik... mais c'est si dur quand la présence de Nell plane tout autour de moi. Je me sens oppressée chaque fois que je fais un pas en avant avec Elik, comme si c'était moi la garce dans l'histoire et qui trompait Nell, qui lui faisait du mal. 

-Fern...

Je n'écoute pas la douce voix d'Hailey qui se fraie un chemin au travers de mes pensées moroses. Je la sens s'installer à mes côtés, mais je suis incapable de la regarder. J'aimerais avoir la faculté d'Elik à faire semblant. Je pourrais lui jeter mon plus beau sourire (faux) et elle n'aurait plus à s'inquiéter. Ça m'éviterais bien des discutions périlleuses. Sa main se pose sur mon épaule, me faisant sursauter et croiser par la même occasion son regard :

-Je n'en peux plus de voir ce regard, Fern..., lâche-t-elle.

Je ne sais pas jusqu'où elle peut lire en moi exactement, mais si elle voit ce que moi je vois dans le miroir chaque matin il y a de quoi s'affoler. J'en suis arrivé à un point où je n'ose plus croiser mon propre reflet.

-Tu étais si différente avant...

Elle ne termine pas sa phrase, pourtant elle résonne en moi comme si elle l'avait criée : NELL ! NELL ! NELL ! NELL ! NELL ! NELL !...

-Tu n'étais pas du genre à t'apitoyer sur ton sort et tu ne voulais pas louper une bride de ce qu'on appelle la vie. Tu étais pleine d'empathie, mais à présent tu n'en as plus que pour Nell. Tu étais joyeuse, mais tout ce qui te procure du bonheur à présent c'est de recevoir un pauvre message de lui, même un simple « ok » fait l'affaire. Tu étais un membre à part entière du groupe, tu t'investissais, tu proposais des idées et tu y laissais ta petite touche personnelle... Fern, à présent tout ce que tu laisses sur ton chemin, ce n'est que tristesse et amour toxique. Il serait temps de t'en rendre compte.

Je souffle un grand coup, tentant d'encaisser le tout avant de m'exclamer :

-Et tu crois que c'est facile, peut-être ? Que je ne vois pas le changement ?! La vérité, Hailey, c'est que je vois tout, derrière cette bulle qu'il a placée entre le monde et moi. Je vous vois, je me vois... mais je suis enfermée. Complètement bloquée.

Je pleure à présent, en boule sur mon lit. Je dois faire face au regard apitoyée d'Hailey et ça me fait pleurer deux fois plus parce que ça me fout les boules qu'elle me voit aussi vulnérable. Face à mes conneries.

-Je suis devenue incapable d'expliquer ce qu'est la bonté, le bonheur, l'amour... toutes ces petites choses qui rendent la vie si belle... et bien, elles me détruisent. Elles me détruisent parce que je ne sais plus ce qu'elles sont censées nous faire ressentir, éprouver... et chaque jour j'ai peur de ne plus jamais y goûter. Hailey... bon sang ! Plus que jamais je sais ce qui m'arrive mais je ne sais plus comment me sortir de ce merdier et aimer à nouveau.

Elle baisse le regard, impuissante et enfin consciente que je le suis aussi : impuissante. Si je devais écrire une autobiographie, ça serait le titre parfait : impuissance.

-Oh, Fern..., dit-elle finalement. Tu peux... toutes ces émotions varient d'une personne à une autre. Tu peux les réapprendre.

Je me lève et la regarde bien en face :

-Qu'est-ce que l'amour pour toi, Hailey ?

-Tout le contraire de ce que Nell t'offre.

-Sois plus précise, je t'en prie.

J'ai conscience d'être cruelle en lui demandant d'évoquer un sujet qu'elle n'a toujours connu que dans les livres. Mais malgré son manque d'expérience, elle est bien plus mature sur le sujet que moi.

-L'amour... l'amour, c'est penser que quelqu'un mérite le monde, même si c'est un monde dont on ne fait pas partie.

Et voilà le bruit d'un cœur qui se brise. C'est le bruit d'un cœur qui comprend qu'il a tout foutu en l'air, qu'il a passé son temps à aimer dans le vide. Un cœur qui, au fond, l'a toujours su, sans vraiment vouloir se l'avouer.

-Alors..., je commence.

-Alors, Fern, c'est la définition-même d'Elik qui te laisse chaque fois retourner vers Nell. Les seules fois où tu l'entendras te reprocher cet amour, c'est parce qu'il te fait du mal. Mais jamais, au grand jamais, il ne t'empêchera de retourner vers Nell si c'est ton souhait et ce que tu penses être bon pour toi.

Je ne pense pas avoir un jour pleuré autant.

-Il est si bon pour toi, si dévoué. Il t'offre le monde entier, aux côtés d'un autre et continu de te regarder avec amour. Il continu d'attendre et il peut continuer encore longtemps, Fern. Il continuera, j'en suis certaine. Il te montrera son amour quand il jugera que tu en as besoin et te le cachera quand ça deviendra trop envahissant pour toi.

-Je ne sais que faire... je suis si... oh...

Je me cache le visage de mes mains, honteuse.

-Allez... ce n'est rien. Tu as simplement besoin de temps et de prendre conscience que l'amour que Nell t'offre... c'est simplement sa vision à lui de la compassion. Ce n'est certainement pas comme cela partout et surtout pas chez Elik.

We start againWhere stories live. Discover now