Chapitre 8

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THAÏS

Je passe au total trois jours à l'hôpital, entourée de beaux médecins et de vieilles infirmières qui m'adorent et me chouchoutent. Le paradis ! Enfin, le faux paradis, parce que du coup je ne suis pas morte. J'ai eu la peur de ma vie, en me réveillant d'un coup, constatant que mes paumons se retournaient contre moi et refusaient de jouer leur rôle. Les traîtres !

On dit qu'on voit sa vie défiler devant soi quand on est sur le point de mourir, flash info : selon mes parents, c'est plutôt eux qui m'ont vu passer. Moi, je n'ai pas eu le temps de me questionner sur ma vie. C'est donc aux proches que revient le calvaire de la vie qui défile. De mon côté, j'ai juste vu la pièce tourner, mes parents s'affoler et tout à coup, le noir le plus complet. J'ai eu l'impression que c'était plus noir encore que quand je ne fais que dormir.

-Tu as besoin de quelque chose ? me demande l'infirmière en train de prendre ma tension, voyant mon regard divaguer.

-Oh...non, ça va. Je pensais à des choses très gaies, c'est tout.

Elle n'a pas l'air très convaincu quand elle range enfin son matériel de torture. Elle se retourne vers moi au dernier moment, avant de quitter la chambre :

-Tu as eu une chance extrême, Thaïs. Une chance que tu n'auras peut-être pas deux fois, prends-en bien conscience. J'ai un langage à tenir en principe, afin de n'effrayer personne... mais tu m'as l'air d'une jeune fille qu'il faut bousculer, pour agir. Ne laisse pas la vie te glisser à nouveau entre les mains.

Puis elle referme la porte derrière elle, me laissant seule dans ma chambre d'hôpital immaculée. J'ai envie de me lever et crier après elle que je sais parfaitement ce que je fais, bien-sûr. Je n'ai jamais eu besoin qu'on me bouscule pour avancer... et je pense à Fynn. Fynn ?!

Je secoue la tête, cette fois je disjoncte totalement. Il faudra que j'en parle avec mon médecin, histoire de voir si ça peut se soigner. Mais cette idée tient la route mine de rien : Fynn à sept ans, qui me lance un regard noir, l'air de dire « réveilles-toi un peu, t'as l'air si frêle... », et Fynn qui continue ainsi, année après année, me disant d'un regard que je suis complètement à côté de la plaque. Fynn avec qui je me dispute depuis toujours. Je ne cesse de lui chercher des points négatifs, pour repousser les faits : il m'a aidé pendant tout ce temps, tapis dans l'ombre. Dans un sens, il m'a toujours bousculé à sa manière, poussé à agir, dit la vérité même si elle doit blesser, contrairement à ceux que je considère comme mes amis, ou encore ma famille... il a été honnête avec moi, toujours. Et moi, je n'ai pu lui présenter que ma carapace, mon masque de fille à papa. Quelle conne !

La porte s'ouvre de nouveau, me sortant enfin de mes esprits. Fynn, un sauveur ? N'importe quoi !

-Ma chérie ! Tu es enfin réveillée, s'époumone ma mère en entrant, suivit de près par mon père.

En fait, je suis réveillée depuis hier. Mais j'étais tellement dans les vapes que j'ai demandé aux médecins de ne pas en informer mes parents et j'ai fait semblant de dormir encore, à chacune de leur visite. J'étais bien trop vulnérable, même pour mes propres parents...

-Ils savent ce que j'ai, je demande allant droit au but, n'est-ce pas ? Ils savent, et vous aussi. Mais vous croyez que je suis trop fragile pour entendre la vérité ?

-Thaïs..., commence ma mère.

Elle est incapable de poursuivre, ce qui en dit long sur son courage, et mon père qui continue de se taire, inlassablement...

-Je veux que vous sachiez quelque chose, que j'aurais dû vous dire bien avant de risquer la mort : je suis loin d'être en sucre. Je sais que vous aimez me voir comme votre petite princesse, votre seule et unique fille, toute mignonne. Mais je...

Je suis incapable de finir, parce que ma mère à éclatée en sanglots à la seconde où j'ai prononcé le mot « mort » et qu'à présent, elle est parcourue de spasmes, ses pleures recouvrant mes paroles.

-Tu... tu n'es franchement pas cool, Thaïs, lâche froidement mon père. Ta mère se fait du souci pour toi.

-Mais je n'ai pas besoin qu'on se fasse du souci pour moi ! je m'exclame à présent hors de moi. J'ai besoin qu'on me laisse un peu vivre et qu'on soit capable de m'annoncer les mauvaises nouvelles. Je n'ai pas besoin de pitié, ça ne m'aide pas à avancer.

J'ai besoin que vous fassiez comme Fynn, vous voyez ? Bousculez-moi un peu, soyez autoritaires deux secondes, jouez votre rôle de parents... j'en ai tant besoin. S'il vous plait... ne le laissez pas être le seul et unique. Il est hors de question qu'il prenne de l'importance dans ma vie.

Ma mère se calme un peu entre les bras de papa. Alors je poursuis :

-Ce dont j'ai besoin là, dans l'immédiat, c'est savoir ce qu'il m'arrive. Et je veux l'entendre de votre bouche, s'il vous plait.

Ma mère a un haut le cœur, poussant papa à la serrer encore plus fort contre lui et lui donner ainsi, le rôle de m'annoncer la nouvelle :

-Je veux que tu saches, commence-t-il, qu'on sera toujours là, ta mère et moi. Quoique tu décides de faire, parce que suite à une annonce pareille tu peux passer par tout un tas d'idées, il faut que tu nous en parle. On sera présents pour toi.

-Quoi, papa. Dis-moi.

Il souffle, faisant voler les cheveux blonds de ma mère, puis d'un trait, il répond. Si vite que je ne comprends presque pas, je suis sur le point de lui demander de répéter quand enfin l'information me monte au cerveau :

-Tu as un cancer. Des paumons. Ton cas est assez rare en fait. Ce cancer est assez fréquent, mais pas tes symptômes. Les médecins sont un peu dépassés, tu comprends ? On n'a pas l'assurance qu'ils trouveront une solution...

Le cri de désespoir que pousse ma mère me tords un peu plus le ventre. Alors je ne suis peut-être pas morte il y a trois jours, mais je pourrais l'être dans les trois prochains ?

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