Chapitre 53

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ELIK

La soirée bat son plein. En même temps, on est à New York, il fallait s'y attendre. Mais je crois que personne n'y avait jamais vraiment réfléchit dans le groupe : c'est notre dernier concert. Forcément, il fallait partir en beauté.

-C'est pas vraiment le moment de rêver, s'amuse une Thaïs éblouissante dans mon dos.

-Tu sais, on a déjà des spots très compétents qui illuminent la scène à merveille. Tu peux remballer cette lumière qui émane de toi, hein.

-Haha, toujours aussi drôle, s'indigne-t-elle en me rejoignant derrière le rideau.

Elle a l'air heureuse. Ça fait du bien de la voir de nouveau confiante et prête à affronter le monde.

-Je suis content que votre histoire se finisse bien, j'avoue.

Toujours pas besoin de prononcer le nom de Fynn pour savoir qu'on parle de lui.

-Elle n'est pas terminée, réplique-t-elle.

-Tu peux jamais te la fermer et me laisser être sympa avec toi ?

Elle se marre.

-Et Fern alors, s'inquiet-elle, tu en fais quoi ?

-Je laisse de côté...

-Tu abandonnes ?

-Non, je...

-Si, tu abandonnes ! Tu as ta voix pleine de regrets. J'y crois pas !

Elle fait quelques pas avant de revenir vers moi :

-Tu ne peux pas tout arrêter comme ça.

-Je vois... c'est à ton tour de me conseiller maintenant ?

Elle hausse les épaules :

-Tu te souviens quand tu m'as dit que tu étais fortiche pour donner des conseils que tu n'écoutais jamais ? C'est à mon tour de te les faire entendre.

-Tu perds ton temps.

-Ça tombe bien, j'en ai beaucoup. Du temps, ironise-t-elle.

Je pousse un profond soupir :

-Je n'arrive pas à croire que tu viens de faire une blague sur ta propre mort.

Elle fronce les sourcils, confuse :

-Ça a l'air de te déranger.

Je me redresse, sors de mes gonds :

-Evidemment que ça me dérange ! Tu débarques dans notre groupe, on s'attache à toi et toi... toi, tu...

Je suis tout bonnement incapable de le dire à haute voix. Je ne comprends pas à quel moment je me suis autant attaché à elle, quand est-ce que j'ai commencé à l'accepter ?

-Elik...

Elle a l'air toute retournée de me voir dans cet état, me prenant sans doute pour un fou furieux, bien trop sensible :

-Tu vas te foutre de ma gueule je le sens.

-Non ! s'insurge-t-elle.

-Pas maintenant. Quand ce moment gênant où je t'avoue que tu me manqueras sera passé, c'est là que tu en profiteras pour ironiser.

Je sens les larmes venir mais je les retiens. Je ne vais pas pleurer pour elle, bon sang !

-Je te l'avais dit : on se ressemble bien plus que tu ne penses, Elik.

Elle a raison. Depuis le début on se cherche, on s'envoie des piques. On a tous les deux un caractère très fort qui cache un grand cœur. Sans s'en rendre compte, on a commencé à former une véritable amitié, on s'est attaché à l'autre.

-Tu me manqueras aussi, souffle-t-elle.

Sa voix est presque assourdie par le bruit des techniciens qui courent dans tous les sens et de notre manager qui me hurle de me mettre en place. Mais je l'ai entendue et, aussi improbable que cela soit, je la vois aussi pleurer. Notre chère et tendre Thaïs a définitivement bien mûrie...

***

J'entends ma guitare mais je ne sens pas mes doigts jouer, durant le concert.

J'entends tout mais je ne ressens rien jusqu'à ce qu'on rentre à l'hôtel et que Fern me dise :

-J'aimerais dormir avec toi cette nuit, si tu n'y vois pas d'inconvénient.

Je ne trouve rien à y redire alors je hoche la tête. Elle a dû aimer que je lui cris dessus sur le parking de l'aire, ça a dû lui rappeler Nell et maintenant elle veut me prendre dans ses bras en pensant que c'est lui.

-Elik, m'appelle-t-elle depuis la salle de bains un peu plus tard.

Quand j'arrive sur le seuil, elle est en petite tenue et me demande :

-Tu crois qu'on peut...

Elle rougit rien que d'imaginer la suite de sa phrase alors ça me fait automatiquement sourire. Je sais ce qu'elle s'apprête à demander et j'ai déjà une réponse toute faite. Je la lui balance au visage pour éviter qu'elle s'humilie toute seule :

-Je ne te toucherais pas, Fern.

-Oh...

Moi qui voulais jouer au dur, devant sa mine tristounette je fais machine arrière. Je me rapproche un peu d'elle, prend son menton entre mes mains pour la forcer à me regarder :

-Ne crois pas que c'est facile pour moi ou encore que je n'ai aucune envie de toi... au contraire, si tu savais !

Son sourire revient à ses mots.

-Mais... je ne peux pas. C'est devenu trop compliqué pour moi comme pour toi. Plus on se rapproche, plus Nell s'éloigne et je vois bien combien ça te coûte de le voir loin de toi, alors... Fern... ne pleure pas.

Bon sang, elle complique vachement la situation :

-Tu es si bon avec moi, pleurniche-t-elle, alors dis-moi... qu'est-ce qui cloche chez moi ? Pourquoi je n'arrive pas à t'aimer, toi et à le repousser, lui ?

Je hausse les épaules mais elle ne le voit pas, secouée de sanglots. Je la prends alors dans mes bras et la porte jusqu'au lit double. Une fois installé, je lui caresse les cheveux avec calme, le temps de réfléchir à ce que je peux ou non lui avouer :

-Rien ne presse, Fern. Je continue de t'attendre...

-Je ne peux pas t'imposer une chose pareille.

-Tu ne me force en rien ! C'est ce que font les gens quand ils aiment...

-... ils sont prêts à offrir un monde, même s'ils n'en font pas partis, finit-elle. Hailey m'a déjà briefé, merci.

Elle est de nouveau parcourue de sanglots.

-Tu dois faire un choix, Fern. On rentre demain... va voir Nell, regarde-le dans les yeux et demande-toi si c'est vraiment de ça que tu as envie pour le restant de tes jours.

-Mais...

-Je ne te demande pas de directement te tourner vers moi ensuite. En fait, je ne te demande même pas de le faire pour moi, mais pour toi. Tu souffres de cette situation plus que quiconque et tu es la seule à pouvoir y faire quoique ce soit.

Elle hoche la tête : elle comprend. Fin de la discussion, je la prends dans mes bras et on s'endort ainsi. On verra demain, compris.

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