Chapitre 26

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THAÏS

J'ai dû finir par perdre connaissance. Parce que je me réveille face à un médecin, dans une chambre blanche immaculée et des tuyaux sortent de mes narines. J'ignore combien de temps j'ai bien pu rester endormie. J'ignore si j'ai ralentie la tournée ou s'ils sont partis sans moi. Je suis à l'hôpital. Et je ne pense qu'au fait que je dois à tout prix en sortir, j'ai déjà vu trop de docteurs pour toute une vie. Pour toute ma misérable vie, en tout cas...

-Thaïs..., vous m'entendez ?

Je me tourne vers la voix féminine qui m'interpelle : elle doit avoir la trentaine et porte une blouse d'infirmière.

-Je m'appelle Betty, se présente-t-elle, vous avez été emmenée aux urgences plus tôt dans la matinée... vous vous souvenez ?

Je me souviens de beaucoup de choses : Moi qui tente de m'endormir, mais qui est très vite réveillée par une quinte de toux. J'essaie alors par tous les moyens de la faire passer en buvant, en me concentrant sur ma respiration. Mais ça devient pire encore, toujours plus puissant. C'est là que les autres débarquent. Il doit être une ou deux heures du matin. Hailey et Elik tiennent fermement Fynn qui s'est endormi... ils ne me voient pas mourir en silence. C'est Fynn qui, se réveillant d'un bond, leur hurle de me venir en aide. Il me prend dans ses bras, me dis que ça va aller... je vais m'en sortir. Puis je perds conscience ici, il me semble. Je me souviens de ses bras qui me serrent fort, de son souffle paniqué contre ma tempe droite et de ces cinq mots « tu vas t'en sortir... »

L'infirmière se détend un peu en me voyant hocher la tête. Je n'ai pas tout oublié. Je me souviens de Fynn :

-Tu as eu une chance extraordinaire, Thaïs, souffle Betty.

Ça me rappelle la toute première infirmière à qui j'ai eu affaire, dans le Kansas. Le jour où tout a commencé. Déjà à ce moment-là, j'avais eu de la chance de m'en sortir. Une chance extrême. Elle m'avait dit de ne pas laisser ma vie me refiler une seconde fois entre les mains... ou les doigts. Je ne m'en souviens pas très bien. Je me souviens simplement de son petit sourire désolé, qui m'avait brisé. Ce sourire voulait tout dire : je n'allais pas m'en sortir et elle me souhaitait une belle mort. Ou un bon enterrement. Elle ne croyait pas en ma vie. Personne ne croit en un miracle qui fera passer la maladie. Tout le monde voit déjà ma tombe.

Je me redresse et prend enfin la parole, pour demander :

-Où est Fynn ?

L'infirmière doit être surprise, jamais je n'aurais cru vouloir voir Fynn de mon plein gré. Mais elle se contente de me répondre :

-Il attend dans le couloir. Nous avons appelé votre famille, les amis sont "interdit d'entrée".

-Vous avez fait quoi ?! je m'exclame.

Ma famille va débarquer. D'une minute à l'autre... Bon sang ! Mais pourquoi est-ce que la bande n'est pas déjà partie à toute vitesse ?

J'essaie de me lever, mais l'infirmière m'en empêche :

-Tu dois te reposer, ma jolie...

-Je dois voir Fynn, je...

Je m'écrase par terre. L'infirmière cherche à m'aider mais je me bats déjà contre mon propre corps. Je lui hurle de fonctionner encore un peu, de marcher jusqu'à Fynn et partir... partir le plus loin possible.

-Vous ne pouvez pas faire ça ! me cri l'infirmière quand je passe la porte, ne sachant plus si elle doit me vouvoyer ou me tutoyer. Quelle cruche.

Je croise de suite le regard surpris de Fynn, assit contre le mur d'en face. Des cernes couvrent ses yeux verts émeraude. Il est si démuni... tellement triste à l'idée que je meurs. Ça me transperce le cœur. Même mes parents n'ont pas posé pareil regard sur moi, à l'annonce de mon cancer. Il est paralysé quand il me voit en vie. Il commençait déjà à prévoir l'enterrement, je le vois bien. Voyant qu'il ne compte pas se lever et courir, je hurle :

-Cours, vite !

Et je m'élance ainsi dans les couloirs vides de l'hôpital. Très vite suivie de Fynn, enfin sorti de sa torpeur. Il me dit :

-Je suis content de te savoir en vie.

Et je réponds :

-Je n'avais pas fini de t'embêter.

Et cette phrase semble lui rappeler quelque chose, parce qu'il me sourit, plutôt que m'insulter.

-Les autres nous attendent dans le pick-up, poursuit-il quand on arrive dans le parking.

Il fait nuit noir et la vie semble mise en suspens. J'ai l'impression d'être seule avec Fynn. C'est pour cette raison que je me permets de dire, d'une voix douce :

-Je suis, moi aussi, contente que tu sois en vie.

Il prend délicatement ma main, comme s'il avait peur que je le repousse et m'aide à courir de nouveau à ses côtés, à la recherche de ses amis.

                               ***

-Vous m'avez fait une de ces peurs ! s'exclame Elik quand on se présente face à sa fenêtre, côté conducteur.

Fern explose de rire et lui murmure :

-Tu es une mauviette.

Il a l'air effaré mais sourit tout de même, heureux de voir son amie rire à gorge déployée.

-Bienvenue parmi nous, princesse, dit-il de nouveau concentré sur moi.

Et il klaxonne. Et c'est tellement... trop. C'est trop pour moi. Parce que je n'ai jamais été apprécié ainsi. Jamais on ne m'a attendue, jamais on s'est inquiété pour moi. Je me suis toujours démenée pour ne pas me retrouver dans cette situation, sachant pertinemment que mon entourage ne me ferait pas de cadeaux. Je sais à présent que je peux baisser ma garde. Parce que la vraie amitié, c'est ça : c'est être là dans les bons moments, comme les mauvais. C'est savoir raconter une anecdote entre amis et en rire encore... mais aussi savoir être ému par cette histoire.

Fynn me déclare à l'oreille :

-Viens regarder les étoiles avec moi.

Et il me tire jusqu'au matelas, à l'arrière du pick-up. Là où Fern s'est alors installée, affirmant :

-J'avais besoin de prendre un peu l'air, Hailey est passée devant.

Et on reprend la route ainsi :

-Direction Las Vegas ! nous annonce Elik.

Et on entend une voiture débarquer en trombe dans le parking. Mes parents. Je fais signe à Elik de filer.

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