Chapitre 27

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FERN

La route est longue quand on pense trop, quand la nuit est silencieuse. Je suis allongée à l'arrière du pick-up et j'assiste à la renaissance de Thaïs. J'ai l'impression qu'elle se rend enfin compte de tout ce qu'elle a manqué et qu'elle se remet en question. Mais si j'ai bien appris une chose depuis que je connais cette fille, c'est qu'il ne faut jamais poser de conclusions trop hâtives. Et je n'arriverais jamais à la cerner. Elle a l'air de se remettre doucement de son séjour à l'hôpital, mais elle peut tout aussi bien jouer la comédie. Au fond, elle souffre autant que moi. D'une douleur certes différente, mais elle a mal quand même. Elle est humaine. C'est ça le plus dur : voir au-delà de ce qu'elle veut bien nous montrer. Elle s'est bâtie tant de frontières, tant de murs. Et ça me tue de voir Fynn chercher à tout grimper, tout détruire. Il s'acharne et y laisse son cœur à chaque fois...

Le téléphone de Thaïs ne cesse de sonner, tout comme le mien. Et encore une fois, je me sens tellement proche d'elle. Parce que, chaque fois qu'elle voit qui l'appelle, elle détourne le regard vers l'horizon et le poids sur ses épaules a l'air de peser un peu plus encore. Elle a mal, elle aussi. Elle voudrait que les choses soient plus simples. Elle voudrait être libérée de sa maladie, comme je voudrais être libérée de Nell.

-Vous faites de ces têtes, s'amuse gentiment Fynn.

Il a peur d'empirer les choses, alors il utilise des pincettes. Ça ne doit pas être facile à gérer d'un point de vue extérieur non plus.

-On vit un truc de dingue, et vous ne cessez de vous inquiéter. Certes tout ceci est important et il est bon de se poser pour réfléchir. Mais on verra le moment venu, non ?

Thaïs baisse le regard, avant de prendre la parole :

-Le truc, c'est que je ne peux pas « voir le moment venu », Fynn. Le moment venu, je ne serais plus là pour voir quoique ce soit.

Elle marque un point. Et je me sens soudain bête de m'être comparée à elle, alors que de mon côté ce n'est rien de plus qu'une histoire de garçon. Elle, sa vie est en jeu.

Mais Fynn n'abandonne pas si facilement, il hausse les épaules et déclare :

-Alors profite à fond. Profite et tu pourras te vanter, une fois en enfer, d'avoir vécu le paradis. Le temps d'un instant...

Ça a le mérite de faire sourire la populaire. Mais elle se renfrogne bien trop vite aux yeux de mon ami :

-Que se passe-t-il ?

-Comment pourrais-je me vanter, après tout ce mal que j'ai pu laisser sur mon passage ? Ma vie n'aura été que douleur et trahison, Fynn.

-Je serais là, pour remettre de l'ordre.

Elle le regarde, l'air de dire : « pourquoi toi, pourquoi est-ce que tu es encore là, alors que tous les autres ont abandonnés l'affaire depuis des années maintenant... »

Encore une fois, il hausse les épaules sous son regard insistant et annonce :

-On fait tous des erreurs tu sais. Mais ceux qui savent s'en rendre compte, même si ce n'est qu'à la fin de leur vie, sont pardonnés.

-Et qui a décrété que c'était ainsi ? Dieu ?

-Mieux que ça ! Moi.

Et il carre les épaules, l'air fier. Il a l'air d'un petit garçon, qui ne cesse de croire en la beauté du monde, qui ne veut se résoudre à laisser simplement tomber. Il ne veut pas croire que, parce qu'il a vécu le pire, tout est affreux. Il croit aux miracles, il croit en la vie. Thaïs, s'en rendant compte également, à un sourire attendrit. Une première ! Thaïs attendrie.

-Et toi, dit Fynn en se tournant vers moi, on ne cesse de te le répéter. Je vais finir par croire que tu ne nous écoute pas. Mais ce mec ne te mérite tellement pas.

Je croise les bras, faussement compréhensive. Mais je sais que tout ce qu'il me dit, entre par une oreille et ressort par l'autre. Je n'ai aucune envie d'entendre cela. Je n'ai aucune envie de laisser Nell derrière moi. Il m'apporte peut-être le pire, mais je n'arriverais jamais à oublier que les meilleurs moments de ma vie, ont été passés avec lui.

Thaïs se redresse un peu, afin de pouvoir me regarder elle-aussi. C'est yeux dans les yeux qu'elle me souffle :

-Je n'ai pas vraiment couchée avec lui... je voulais simplement... je ne sais pas.

Elle tortille ses doigts et a l'air soudainement gênée :

-Je n'ai pas l'habitude de faire ce genre des choses, mais... je veux que tu saches que... je suis profondément désolé. Pour ce qui t'arrives et... pour ce que j'ai pu te dire.

Je lui souris en retour, comme pour la rassurer. Mais je ne sais pas trop si ça marche, parce que je n'arrive pas à cerner ses émotions. Quand je la crois calme, elle se reprend en disant :

-Enfin... ne va pas croire qu'on est amies non plus, hein.

Et elle détourne le regard vers la route. Elle ferme les yeux pour profiter du soleil levant sur sa peau. Elle a l'air si paisible, après m'avoir craché ces mots au visage. Cette fille est emplie de paradoxes, qui me font tellement mal à la tête. Bon courage, Fynn...

***

A l'arrière, tout le monde s'est endormi. Sauf moi. Je regarde le jour se lever, tandis que chacun récupère de sa nuit écourtée par la maladie de Thaïs. Je n'arrive tout simplement pas à dormir. Si Elik pensait que cette tournée me ferait oublier Nell, c'est raté. Même en cet instant je ne peux m'empêcher de me demander si, lui aussi, il regarde le lever de soleil et pense à moi.

C'est stupide de s'accrocher autant à une personne, je le sais. Surtout quand cette personne me fais autant de mal. Mais, le pire dans tout ça, c'est que je m'en rends compte. J'en suis pleinement consciente. Le problème, c'est que quand je commence à l'oublier et à passer à autre chose... il revient avec des cœurs pleins les yeux. Et j'ai à chaque fois envie d'y retourner, de le pardonner. Parce qu'à chaque fois, j'ai la naïveté de le croire quand il me dit vouloir faire des efforts...

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