Chapitre 85

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ELIK

J'observe Thaïs quitter la scène sans un mot et prends sa place derrière le micro, en espérant ne pas le quitter aussi mal en point.

-J'avais prévu un long discours qui vous aurez tous fait pleurer encore plus et qui vous aurez prouvé combien vous venez de perdre une personne incroyable, mais... je pense que vous savez déjà tout ça.

J'attrape le micro dans mes mains et me déplace sur scène en les observant tous un par un :

-Thaïs en a déjà dit beaucoup et puis... vous avez chacun votre avis bien fondé sur la personne qu'était Fynn.

Je ne trouve pas Thaïs.

-Alors à la place... je vais vous donner mon avis bien fondé sur Fynn.

En bonne fillette que je suis, je chiale avant même d'avoir commencé :

-J'ai rencontré Fynn au début du collège et... j'étais bien mal en point à ce moment-là, j'avoue.

J'entends quelqu'un rire dans le fond de la salle et ça fait tellement du bien d'entendre ce son entre toutes ses pleurs.

-J'avais bu plus que conseillé alors que je devais avoir cour, alors que ma mère menaçait de me foutre dehors et... et je ne me souviens plus exactement de où est-ce qu'on s'est rencontrés pour la première fois, ni pourquoi je ne l'avais jamais remarqué plus tôt. Mais... bon sang ! je me souviendrais toujours de son regard hésitant et son sourire de timide.

Je me remémore la scène, essayant de la représenter le plus fidèlement possible :

-Je n'étais pas du genre à passer par quatre chemins et lui, il ne voulait même pas en emprunter un seul... de chemin, je précise. Et pourtant, aussi bizarre que ça soit, ça a collé entre nous.

Je hausse les épaules et continu :

-Je venais de perdre Sawla et... je pensais être au bout de mes peines à l'époque. Bordel, si j'avais su.

Je m'essuie lentement une larme :

-Petit à petit, nous avons réussis à nous apprivoiser. Nous avons fondé notre groupe et dès que nous rencontrions un artiste incompris, nous l'intégrions. Autant dire que nous étions complètement paumés et que nous n'en demandions pas beaucoup.

C'est à mon tour d'avoir un petit rire à ce souvenir.

-Toujours est-il que ces deux dernières années à ses côtés... ont étés les plus belles de ma vie. J'ai mis de côté mes peines, pour laisser place à cette amitié aussi improbable qu'exceptionnelle. J'ai laissé cet inconnu devenir un ami, un confident. Et c'était une grande première pour moi qui avait toujours était si renfrogné comme se plaisait à dire ma mère. Je pense que nous pouvons tous affirmer que Fynn m'a sauvé.

Je jette un œil à son cercueil et me remémore le plus de moments possible passés à ses côtés.

-Fynn n'a pas seulement aidé Thaïs à vivre, il m'a aussi aidé moi à... me relever. Me reconstruire. Il m'a aidé à arrêter l'alcool, les cigarettes et toutes ces conneries qui m'aidaient à oublier. Il m'a aidé à me souvenir, à garder les pieds sur Terre, à ouvrir les yeux. Il m'a aidé à...

Je me tire les cheveux, ne sachant plus trop pourquoi je fais ça.

-J'ai remonté la pente grâce à lui, vous comprenez ? Alors que même ma propre mère ne croyez plus en moi, lui, il a eu la bonté et la volonté d'aider un pauvre taré, toxico, pleurnichard et lunatique. Vous imaginez ce que ça peut représenter ? Vous imaginez qu'il a déjà sauvé deux vies en comptant Thaïs et moi ? Sur combien de vies avez-vous eu ne serait-ce qu'un petit impact ?

Un rictus que je ne me connaissais pas se forme au coin de mes lèvres. Fier d'avoir pu être l'ami d'un gars aussi incroyable que Fynn. Fier d'avoir pu être sauvé et chéri par un type aussi merveilleux que Fynn.

-Alors ouais, vous savez déjà tout ça j'imagine. Vous savez déjà tant de choses sur lui et chacun l'interprète d'une manière différente et s'en fait son propre avis mais... moi... pour moi... il...

J'ai envie de hurler parce que la moitié des personnes présentes ici ne le connaissent pas comme moi je l'ai connu. Toujours prompt à rendre service, à s'amuser, à donner des conseils, à nous apprendre toujours plus encore...

-Jamais je n'arriverais à vous exposer un quart de ce qu'il représentait pour moi et... et vous êtes bien malchanceux.

Fern me rejoint sur scène et essaie de m'arrêter, me disant que je ne suis pas obligé, que je peux m'arrêter là. Mais je la repousse doucement pour terminer :

-Fynn m'a dit un jour qu'il « espérait de tout cœur assister à mon mariage et voir les enfants d'Hailey » et...

Je me souviens parfaitement de la suite de mon discours, mais c'est au-dessus de mes forces.

-Et je lui avais répondu que moi, j'espérais « venir boire des bières et regarder le match chez lui ».

Rien de tout ça n'arrivera. Rien de tous nos souhaits ne pourra se réaliser sans sa présence à nos côtés. On a besoin de lui. On est un groupe.

-Et aujourd'hui, tous ces espoirs d'avenir sont annulés, stoppés par sa mort. Et nous laisse tous dans cette incompréhension, comme si tout s'était figé à l'instant où sa tête a percutée le tableau de bord.

Je secoue la tête, espérant encore me réveiller de ce cauchemar. Mais rien ne se passe et Fern insiste à nouveau pour que j'arrête là.

-Désolé, je dis alors.

Je ne sais même pas pourquoi je dois m'excuser de la mort de mon ami, mais je me sens responsable de lui, comme si je lui devais quelque chose, comme si je lui rendais ainsi tout ce qu'il avait fait pour moi.

We start againWhere stories live. Discover now