Chapitre 69

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ELIK

Hailey n'est pas là. Fern n'est pas là. Et elles loupent les larmes de joies, les belles déclarations et le buffet. Il y a tant de monde, mais jamais celle qui occupe mes pensées jour et nuit. La salle de réception est pleine d'anciens admirateurs de Thaïs, ainsi que des nouveaux qui ont entendu parler de son cancer. Il y a les familles des deux amants, ainsi que la minorité des amis de Fynn qui se résume à... moi.  J'essaie de me convaincre que j'ai bien fait de venir malgré tout, quand une musique douce s'empare de la pièce :

-Un discours ! s'écrie quelqu'un dans le fond.

Je vois Fynn monter sur la scénette mais n'arrive pas à trouver Thaïs dans toute cette foule. Il est clair que c'est elle que mon ami regarde avec autant d'admiration, c'est vers elle que son regard se tourne quand il commence :

-Je suis l'homme le plus heureux du monde.

Je suis certain d'entendre le rire de Thaïs, mais je ne la vois toujours pas. La foule suit également son rire mais je suis paralysé.

-Je dois vous avouer un truc, poursuit Fynn en se mettant à marcher, je suis amoureux de Thaïs depuis mes sept ans.

Nouvel éclat de rire, mais plus gêné cette fois-ci.

-Mais, ne vous m'éprenez pas, je n'étais pas amoureux de vôtre Thaïs. Je la détestais celle-là.

Il jette un regard désolé à la foule et sourit tendrement en retrouvant le visage de Thaïs :

-J'étais amoureux de celle que je voyais rentrer chez elle, depuis ma fenêtre. J'étais amoureux de celle qui se démaquillait et qui me laissait enfin apercevoir son vrai visage. J'étais amoureux de celle qui se trémoussait sur les musiques qu'elle aimait et non pas celles « à la mode ». J'étais amoureux de celle qui souriait à sa mère quand elle venait lui souhaiter bonne nuit et de celle qui prenait son père dans ses bras pour chasser ses peines. J'étais amoureux de celle qui me souriait tout en me faisant un doigt chaque matin...

-Je ne t'ai jamais souri, le taquine Thaïs.

Fynn lève les yeux, faussement exaspéré :

-J'étais amoureux de tout ce que vous refusiez de voir, continu-t-il, de tous ces petits défauts qu'elle cherchait à tout prix à cacher.

Il fait signe à Thaïs de la rejoindre sur scène et, ça y est, je la vois : heureuse, mariée et profondément amoureuse de mon ami. Voyez-vous ça !

-Aujourd'hui, je suis encore plus amoureux. Parce qu'elle laisse ces défauts exposés au grand jour, elle nous les balances en pleine figure et on ne peut plus y résister en faisant semblant de ne rien voir. Aujourd'hui, elle est resplendissante, bien plus que quand elle se cachait derrière vos paillettes.

Il la prend par la taille et embrasse sa tempe :

-Je mourrai quand elle partira, mais je serai toujours l'homme le plus heureux. Parce qu'elle aura laissé une partie d'elle en moi, parce qu'elle m'aura fait assez confiance pour que je sois son dernier amour.

Le sourire de Thaïs ne cesse de s'agrandir :

-On a dit qu'on ne parlait pas de mort à notre mariage, Fynn !

Il lui renvoie son sourire et s'écarte un peu pour poursuivre sa tirade :

-Entre elle et moi, comme je le disais, ça semblait impossible. Et, encore aujourd'hui, j'ai du mal à y croire.

Thaïs lui donne un petit coup de coude, légèrement honteuse qu'il raconte les nombreux vents qu'elle lui a balancé à la figure.

-C'est une histoire sans aucune explication logique, vous pouvez me croire. J'ai passé des nuits et des nuits sans dormir, à me demander comment on avait pu en arriver là. Quand je fermais les yeux, je voyais les siens. Quand je me mettais sous la couette, j'imaginais la chaleur de son corps contre le mien. Quand j'éteignais la lumière, elle éblouissait mes pensées.

C'est ironique comme la vie peut nous tromper, comme elle peut nous faire croire que cela n'arrivera jamais, pour finalement changer tous nos plans. Elle nous met à l'épreuve, nous pousse à nous battre pour ce que nous voulons vraiment, nous demande d'y croire jusqu'au bout. Parce que, la vie, elle peut décider de tout t'offrir sur un plateau à la dernière seconde, à condition de t'accrocher jusque-là.

-Mais... arrive un moment où il faut arrêter de se poser des questions. Arrive un moment où l'amour te demande de fermer les yeux et de lâcher prise. Arrive un moment où il faut faire confiance à l'autre et nous laisser guider. C'est cela l'amour...

Fynn s'essuie quelques larmes avant de poursuivre :

-L'amour, Thaïs... c'est laisser l'autre nous dire qui on est, quand on n'arrive plus à s'en souvenir. C'est laisser l'autre s'introduire chaque jour un peu plus en nous, c'est...

Comme il est trop ému et qu'il n'arrive plus à poursuivre, Thaïs décide de finir à sa place :

-L'amour... c'est quand vous arrêtez de vous demander si c'est de l'amour. C'est une évidence, ajoute-t-elle en me regardant.

C'est une évidence. Elle me fait un clin d'œil qui me hurle : Pourquoi t'es encore là ? Rejoins-la. Rejoins ton évidence. Son évidence.

We start againWhere stories live. Discover now