Chapitre 71

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ELIK

Je me passe une main sur le visage pour essuyer une larme, tout en ouvrant sa fenêtre de mon autre main. Je n'aurai jamais dû venir chez elle, j'en repars plus triste que jamais. Mais je sais aussi que si je ne l'avais pas fait, je m'en serai toujours voulu. Elle mérite tant de savoir qu'on l'aime, qu'on est là pour elle et qu'elle n'est pas seule. Et je l'aime tellement. J'aime Fern. J'aime sa façon de s'exclure du monde pour nous cacher sa peine, sa façon de continuer à aimer Nell malgré son départ, sa façon de me repousser pour me protéger. J'aime comme elle se soucit des autres, comme elle fait passer son bonheur en second plan. Et je la respecte pour cela. Et on se ressemble à un point qu'elle ne peut même pas imaginer.

Alors que je commence à faire passer une jambe par sa fenêtre et que j'ai perdu mon cœur ainsi que tout espoir, je sens sa main. Sa main qui serre mon bras de toutes ses forces. Sa main qui descend jusqu'à ma propre main et me tire en arrière. Sa main qui me tourne vers elle et qui vient finalement se poser sur ma joue. On peut faire tant de choses avec une main, provoquer tant d'émotions.

-Je ne peux pas te laisser faire ça, murmure-t-elle en s'approchant timidement.

Sa main qui se pose sur ma gorge, qui descend jusqu'à mon torse et vient trouver mon cœur.

-Je ne peux pas te laisser faire ça, répète-t-elle un peu plus sûre d'elle.

Elle sent mon cœur et je peux littéralement affirmer qu'elle a mon cœur entre ses mains. A travers ses yeux, je peux voir combien elle a peur, combien de questions elle se pose.

-Je ne...

-Tu ne peux pas me laisser faire ça ? je la coupe, amusé.

Son sourire revient petit à petit et je ne vois plus que moi dans son regard. Il n'y a plus de culpabilité, plus de crainte, plus de Nell. Il y a son amour et son espoir de guérison.

-Je t'aime, Fern.

-Elik...

Elle s'étrangle à ces mots et n'arrive pas à savoir si elle a le droit ou non de me retourner mes paroles.

-Je ne...

-Bon sang ! Tu ne vas pas recommencer, je m'amuse, j'ai compris. Tu ne peux pas me laisser faire ç...

-Je ne sais pas comment t'aimer, me coupe-t-elle.

Et j'en reste bouche bée. Elle plaisante, là ? Elle qui a su aimer le pire des connards, ne sait pas comment aimer ? Elle qui a su donner tout son cœur à une histoire qui n'en valait pas la peine, ne sait pas comment...

-Je veux dire..., s'explique-t-elle, j'ai passé tant de temps avec Nell, accepté tant de choses... que... que je ne sais plus, au juste, qu'est-ce qui était de l'amour et qu'est-ce qui était de la folie.

-Oh, Fern.

Je tire son bras afin de la serrer contre moi. Elle veut bien faire et éviter de reproduire les mêmes erreurs. Mais ce qu'elle n'arrive pas à comprendre, c'est qu'on n'est pas tous des Nell.

-Il n'y aura pas de folie avec moi, rien que de l'amour. Fern... regarde-moi. Tu dois réapprendre à voir le monde sans Nell. Nous ne sommes pas tous amoureux de toi dans le but de te nuire, nous ne voulons pas tous nous servir de toi. Quand je te dis que « je t'aime » Fern, ça n'a rien à voir avec les « je t'aime » de Nell. Je ne te dis pas « je t'aime » pour t'empêcher de partir, je te le dis parce que moi, je ne peux pas partir.

Elle hoche la tête, l'air de dire « je comprends, oui », mais elle ne se doute pas un seul instant combien je peux l'aimer et la chérir.

-Quand je te dis « je t'aime », ça veut dire « je te fais confiance, je t'offre mon cœur tout entier, je suis à ta merci ». Quand je te dis « je t'aime », ça n'est pas pour te dire « reste avec moi, je sais que j'ai merdé mais tout est pardonné vu que je te dis que je t'aime ». Fern... mon amour ne te sera jamais toxique.

Je baisse le regard et en profite pour embrasser sa main avec tendresse :

-Mon amour ne veut pas te posséder, il ne veut pas te voir souffrir, il ne veut pas t'empêcher de vivre. Alors oui, il t'étouffera peut-être parfois et sera peut-être un peu trop envahissant, mais... tu n'auras qu'un mot à dire et je le respecterai.

Une de ses larmes tombe au sol quand son regard se pose sur moi et qu'elle m'avoue :

-Je ne veux pas faire de toi une Fern. Je ne veux pas que la place que Nell prend dans mon cœur t'empêche de t'y installer à ton tour. Je ne veux pas que tu pleures du manque t'affection, du rejet, des absences et des promesses en l'air. Je ne veux pas que tu penses pouvoir faire disparaître ce vide en moi et que tu sois démuni en constatant que, finalement, tu n'y arrives pas.

-C'est quoi ça ?! je m'exclame en la tirant vers moi.

Je prends son visage à deux mains et approche mes lèvres le plus possible pour qu'elle m'entende bien :

-Tu n'es pas Nell et je ne suis pas Fern. Notre histoire est différente, cesse de tout ramener à lui. L'amour... ce n'est pas Nell. L'amour... c'est... regarde mes yeux, je t'en prie. L'amour... c'est ça, c'est ce que tu vois dans mes yeux quand je te regarde. Ok ?

Elle fond en larmes, rassurée :

-J'ai si peur qu'il m'ait transformée en lui et que je sois incapable de te renvoyer ton amour. Tu mérites...

-Je mériterais tout ce que tu pourras m'offrir. Je ne veux que ça.

Et quand ses lèvres se posent enfin sur les miennes, j'entends son cœur se couper en deux. Une partie pour Nell et une autre pour moi. Et ça me va. Je ne lui demanderais jamais d'oublier Nell, pour la simple et bonne raison que c'est impossible d'oublier son premier amour. Je veux simplement qu'elle me choisisse-moi si on lui demande de faire un choix. Je veux qu'elle se tourne vers moi si on lui demande qui la rend heureuse. Je veux qu'elle m'épouse et qu'elle finisse ses jours à mes côtés. Et personne d'autre...

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