Chapitre 77

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THAÏS

-Où est Fynn ?

La voilà, la première phrase que je prononce à mon réveil. Je ne sais plus ce qu'il s'est passé, je ne sais pas depuis combien de temps je suis endormie mais, je sais à la seconde où j'ouvre les yeux que je suis à l'hôpital. Et Fynn n'est pas à mon chevet comme toutes les autres fois où mon cancer en a fait des siennes. Je ne veux pas savoir si mes parents se sont inquiétés, si ça a duré plus de trois jours, si je suis encore une fois revenue de très loin.

-Je veux savoir où est Fynn, je persiste en plantant mon regard dans celui de la première infirmière venue.

Elle pose une main rassurante sur mon épaule et me demande :

-De quoi vous souvenez vous ?

J'ai beau chercher le plus loin possible dans mes souvenirs, rien ne me vient. J'imagine que mes crises sont arrivées tant de fois que je ne fais plus attention à comment est-ce qu'elles apparaissent.

-J'ai fait une nouvelle crise, je tente de la convaincre pour qu'elle réponde à ma question.

Mais son visage peiné me fait bien vite comprendre que ce n'est pas tout à fait le cas. Merde, est-ce que j'ai vraiment failli mourir cette fois ?

-Vous devriez vous reposer un peu. Je repasserais vérifier votre tension plus tard.

Alors qu'elle commence à tourner les talons, je l'interpelle :

-Je dormirais bien mieux avec Fynn à mes côtés.

-Vous sortez d'un coma de cinq jours, je ne pense pas que vous aurez de grandes difficultés à vous reposer.

-Cinq jours ? Et vous ne pensez pas que j'ai assez dormi comme ça ? je demande sarcastique.

Elle m'énerve à vouloir à tout prix m'écarter de Fynn. J'ai besoin de lui, de sa présence. Il m'aide à revenir à la vie à chaque fois que je sors d'une crise. Il m'aide à garder la tête haute, à garder le sourire, à garder espoir.

-Votre ami ne devrait pas...

-C'est mon mari, je la corrige en observant ma bague.

Je tourne l'anneau autour de mon doigt et retient ma respiration en regardant l'infirmière avec une haine qui me surprend moi-même :

-Et je pense que...

-Dormez, me coupe l'infirmière en fermant la porte de ma chambre et en disparaissant à toute vitesse.

Je suis presque sûre d'avoir entendue sa voix flancher et je n'arrive pas à réfléchir, à comprendre ce que cela peut signifier. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi elle s'est montrée si froide et distante et...

***

J'ai dû finir par m'endormir, parce que quand j'ouvre les yeux à nouveau je découvre un plateau repas sur ma gauche. Mais je n'ai pas faim, comme toutes les autres fois après une crise. Je n'ai pas de forces, mais je n'ai pas envie d'y remédier. J'ai envie de m'enrouler sous les draps en attendant que Fynn me rejoigne. Je n'en peux plus de cette attente, de cette incompréhension. Il devrait déjà être là depuis longtemps. Je n'ai pas envie de perdre mon temps à manger, je veux le passer à ses côtés. Je préfère crever que me retrouver face à cette absence écrasante.

-Oh, lâche l'infirmière en ouvrant ma porte de chambre, vous êtes réveillée.

-Je veux des explications, je la harcèle immédiatement. Où est mon mari ? Est-ce que vous l'avez prévenu que j'étais ici au moins ?

Elle souffle, frustrée, mais obtempère et vient poser un nouveau plateau repas sur la petite table à ma gauche. Elle a l'air peinée et presque aussi faible que moi quand elle murmure :

-Votre mari est ici.

Je crois qu'à cet instant, je comprends, mais je continue à me voiler la face. Parce que c'est si facile de faire comme si nous ne savions rien.

-Il est...

La porte s'ouvre à la volée, coupant court les paroles de l'infirmière.

-Thaïs ! s'écrient Fern et Elik en entrant. On nous a dit que tu t'étais réveillée cette nuit.

Je hoche la tête et tente de leur sourire malgré tout, aimable. L'infirmière profite de cette diversion pour s'échapper et je n'y trouve rien à redire.

-Que se passe-t-il ? je demande alors à Elik, le plus honnête de tous. Tout le monde se comporte... bizarrement.

Je suis persuadée d'entendre le cœur d'Elik se stopper et celui de Fern se briser.

-Où est Fynn ? je les questionne.

Je ne sais pas pourquoi j'insiste autant pour qu'on me confirme ce que j'ai déjà compris depuis bien longtemps.

-Thaïs...

Ce sont les premiers mots d'Elik alors qu'il se pose à mes côtés, sur le lit. Je me tords les mains dans tous les sens et lui me regarde faire. Son souffle se fait plus compliqué et sa voix plus rauque quand il m'apprend :

-Fynn... Fynn.

Mais il s'arrête là et lance un regard désespéré à Fern. Cette dernière détourne le regard quand je la questionne à son tour. Elle a l'air au bord des larmes mais se retient de toutes ses forces.

-Fynn..., j'insiste, où est-il ?

Ma voix se casse, mes larmes montent, mon souffle se fait encore plus difficile que pendant une crise. Il ne peut pas... Fynn. Non.

-Vous avez eu un accident, fini par expliquer Elik, tu t'en souviens ?

Devant mon air ahuri, il baisse le regard en soufflant. Impuissant. J'essaie de ne pas écouter la suite, d'ignorer la vérité. Mais le voilà qui se force à poursuivre, pour moi, parce que je dois savoir :

-Vous avez été percutés par un type bourré, il y a six jours de ça. Fynn était au volant, vous avez quittés la route... pour finir dans un ravin. La voiture a atterrie du côté gauche, là où...

Là où se trouvait Fynn.

-Non...

Je ne veux pas le croire, alors qu'il ne fait que confirmer mes questionnements. Je ferme les yeux et j'entends tout : les pleures que Fern ne peut plus retenir, le cœur d'Elik qui se brise à son tour et mon espoir qui se barre en courant.

-Son enterrement..., me murmure Elik par peur de me briser, son enterrement à lieu demain.

Et j'éclate en sanglots.

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