Chapitre 64

690 70 1
                                    

THAÏS

C'est dingue le nombre de choses que l'on peut apprendre, rien qu'en restant au lit, dans une chambre d'hôpital qui sent le vieux. Je sais qu'on est mercredi et que Fynn ne va pas tarder à me rendre visite, en sortant des cours. Je sais qu'Hailey a coupée les ponts avec le groupe et qu'on n'a aucune nouvelle d'elle depuis lundi. Je sais que Fynn trouve ma décision stupide. Je sais qu'Elik a pété la gueule à Nell et qu'il s'est fait virer du lycée pour la semaine. Et enfin, le bouquet final, je sais que Fern a rompue avec Nell et qu'il n'était même pas contre.

Nell n'a même pas essayé de retenir Fern. C'est cette même phrase qui tourne en boucle dans nos têtes à tous. Ce n'est pas normal et c'est sans doute à cause de ce questionnement que Fern n'arrive pas à tourner la page. Le fait de rompre avec lui ne l'a pas faite revenir pour autant : elle reste cloîtrée dans sa chambre à pleurer et se demande pourquoi Nell a si bien réagit. Quelqu'un l'avait-il déjà préparé, l'avait-il prévenu que ça arriverait ? On ne peut pas rester aussi neutre face à une situation à laquelle on ne s'attend pas, à laquelle on n'a pas déjà réfléchit. Et puis c'est Nell : tous ces actes sont calculés. J'ai bien peur pour Fern qu'il n'ait pas dit son dernier mot. Mais d'après le compte rendu de Fynn, il avait l'air sincèrement désolé.

-Comment va ma future épouse ? s'exclame Fynn en débarquant dans ma chambre.

Quand on parle du loup.

-Comment va mon futur époux ?

Je me redresse difficilement à cause de tous ces calmants qu'on me fait ingurgiter à longueur de journée.

-Comment c'était le lycée ? je le questionne.

-Chiant à mourir sans toi, chérie.

Son clin d'œil me vole un gloussement, tandis qu'il m'apprend :

-J'étais seul au sous-sol ce matin. Je peux te dire que ça m'a fait un choc... Elik avait sans doute raison, on est peut-être tous voués à être séparés ?

-Je suis certaine qu'ils reviendront la semaine prochaine, à la fin de l'exclusion d'Elik.

Je sens la main de Fynn s'emparer de la mienne et je l'entends me murmurer d'une voix complètement abattue :

-J'en doute. Chacun à son problème à gérer et ça serait bien trop dur à vivre si...

-... si tous ces problèmes se retrouvaient dans la même pièce ? je termine.

Fynn acquiesce et ça me brise le cœur. Ça me tue de le voir aussi attristé par cette histoire. Le voilà qui perd tous ces amis au moment où il en a le plus besoin. Au moment où il va me perdre et qu'il aura besoin d'eux pour être ramassé à la petite cuillère.

-Fynn...

Je serre un peu plus sa main et le regarde dans les yeux.

-Tu sais ce que j'ai pensé de vous, la première fois que j'ai vu votre bande ?

Il secoue la tête, incapable de parler et commençant à verser quelques larmes.

-Je me suis dit : « Eux, rien ne pourra jamais les séparer. Pas même la mort ». Et tu sais pourquoi ?

Nouveau secouement de tête.

-Parce que vous vous serrez les coudes. Si on apprend que l'un va mal, tous les autres sonneront à sa porte. Vous ne laissez personne en retrait, vous ne lui accordez pas une seule seconde de malheur.

-Mais regarde comme on souffre tous aujourd'hui...

-Rien ne pourra vous séparer, pas même la souffrance, je corrige. Et tu sais pourquoi ?

Je prends son reniflement pour un non et poursuis :

-Parce que vous vous aimez, c'est indéniable, Fynn. Vous prenez soin des autres, vous souriez face à leur réussite, vous les poussez à donner le meilleur d'eux-mêmes.

-Mais...

-Mais, je souffle, tout ne va certes pas au mieux en ce moment, mais, vous vous relèverez. Peut-être pas pour vous, mais pour les autres.

Son sourire en dit plus que toutes les paroles qu'ils auraient pu prononcer. Là, maintenant, son sourire me dit : « Merci. Merci d'être là, de trouver les mots, de me remonter le moral. Merci de vivre, putain ». Et je me sens si bien à ses côtés, que ça soit dans cet hôpital, sur scène ou encore, au lycée. Où que je sois, je me sentirais toujours chez moi à présent, tant que je suis avec Fynn.

-Comment tu te sens, toi ? me demande-t-il, séchant ses larmes.

Je relève légèrement la couette afin qu'il puisse voir tous les fils reliés à mes bras et me force à sourire face à sa mine horrifiée :

-Ce n'est pas si grave que ça en a l'air.

-On doit se marier avant la fin du mois, dit-il d'une voix morose, comme s'il parlait plutôt d'enterrement.

-Je peux tenir bien plus longtemps encore, ne t'en fait pas.

Il se relève, tire ses cheveux et commence à faire les cents pas, signe qu'il se retient de s'énerver.

-Bien entendu que je m'en fais, Thaïs ! As-tu seulement idée d'à quoi tu ressembles, là, dans ce lit, entre les quatre murs de ce putain d'hôpital ?

-Tu t'inquiètes pour rien, Fynn...

-Je m'inquiète pour toi, ce n'est pas rien !

Il me voue au silence.

-Je t'en prie..., m'implore-t-il à présent, accepte de m'épouser dans le mois. Je ne peux m'imaginer ta mort sans avoir pu te regarder dans les yeux et te dire « je le veux ».

Je suis la première surprise d'accepter si facilement mais me voilà qui hoche la tête. Je lui dois bien ça.

-Je t'épouserai demain s'il le faut, Fynn.

We start againWhere stories live. Discover now