Chapitre 33

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ELIK

Il fait nuit noir dehors, la rue est seulement illuminée par un lampadaire qui grésille. Le balcon de notre chambre d'hôtel n'est pas très grand, mais il fait l'affaire pour souffler le temps d'un instant. En revenant du Casino, j'ai croisé Fern avant d'aller à la douche, puis je l'ai vu allonger dans le lit en sortant de la salle de bains. Voilà comment j'ai fini sur le balcon. Je n'ai pas encore trouvé le courage de la rejoindre, de lui parler, d'agir comme avant... pas après tout ce que j'ai bien pu lui balancer au concert.

Je tire un peu plus sur ma cigarette, la fumée se perdant dans l'obscurité. Cela fait des années que je n'avais plus fumé. J'y passais bien trop de temps suite à ma rupture avec Sawla, il me fallait bien une pause ensuite, une fois remis de la situation. Depuis, plus rien. Je me contentais d'observer Fern et tout allait pour le mieux. Mais maintenant qu'elle est partout en moi, impossible d'oublier d'une autre façon qu'en fumant.

Je n'ose pas retourner à l'intérieur, sachant qu'Hailey est encore au Casino avec un gars du coin et que je me retrouverais alors seul avec Fern. Dans une chambre d'hôtel luxueuse. En pleine nuit. Après tout ce que je lui ai dit...

J'entends du bruit dans la chambre, mais je ne bouge toujours pas. Je suis encore figé quand j'entends ensuite la porte vitrée s'ouvrir et quelqu'un se glisser sur le balcon. Je ferme les yeux, voulant disparaître à tout prix. C'est une torture permanente de l'avoir si proche de moi, mais en même temps si loin, trop occupée par Nell :

-Elik ? demande-t-elle timidement. Je... en fait, je me disais... pourquoi tu ne viens pas te coucher ?

J'ai un petit rire ironique. Pourquoi tu me fais tant d'effet ? Pourquoi, sur toutes les femmes de cette planète, a-t-il fallut que ça soit toi ? Pourquoi aimes-tu un connard ? Pourquoi tu as l'air si triste constamment ? J'ai conscience que sa question était innocente et toute simple. Mais je ne peux m'empêcher de partir dans tous les sens avec elle, je ne peux m'empêcher de me morfondre de cette situation tragique.

-Je ne trouve pas le sommeil, j'explique vaguement.

Elle retient sa respiration, comprenant alors ce qui m'empêche de dormir, ce qui occupe mes pensées à l'infini :

-Je peux faire quelque chose pour toi ?

Je secoue la tête de droite à gauche, toujours sans la regarder. Mes yeux n'en font qu'à leur tête : ils refusent de s'ouvrir. Mais mon esprit, lui, il se met à lui souffler :

-Même si tu prétends que ça va, que tu vas bien, et que ça ne te fait absolument rien... je sais, moi, qu'au fond tu bouillonnes. Tu ne peux pas me la faire à moi, Fern. T'as envie de l'humilier quand tu le vois avec d'autres filles, comme il le fait avec toi. T'as envie de parler à un maximum de garçons en une journée, juste pour voir s'il le remarquera. Tu te sens bête parce que tout ce qui t'importe alors, c'est te venger. Tu te trouves ridicule parce que, lui, il est heureux et que toi, ça te tue. Tu t'endors en pensant à lui et tu te dis que, peut-être, lui, pense à une autre. Ça te rend malade. Complètement folle. Quand tu le croises tu fais semblant de rire, d'être heureuse. Quand il te parle, tes yeux rayonnent encore d'amour... Mais... il... bon sang, Fern ! Il t'a brisé. Il t'a détruite parce que tu l'as laissé s'approprier ton monde.

Je l'entends souffler. Elle doit en avoir assez de m'entendre parler de lui, de lui reprocher cet amour. Mais c'est plus fort que moi. J'ai été déçu en amour moi aussi et je veux simplement qu'elle s'en sorte à son tour. Toujours les yeux clos, je la sens plus proche, elle s'assoit à mes côtés et me prend la cigarette des mains. Quand j'ouvre grand les yeux de surprise, je la vois porter la clope à sa bouche et dire :

-Je pense tellement à lui que... je ne sais pas... c'est un peu devenu une habitude, c'est devenu normal et je n'y prête même plus attention. C'est ancré en moi à présent.

Je serre les lèvres de toutes mes forces, me retenant de lui crier qu'elle a tort, qu'elle doit me voir moi, prêt à tout. Je lui veux tant de bonheur, je ne veux que son sourire pour moi seul. Je lui veux tant d'amour et de soirée en amoureux. Je voudrais lui promettre de toujours être là, mais elle n'en croirait pas un mot. Pour elle, l'amour c'est Nell.

-Fern...

Elle me stoppe d'une main, me faisant signe de me taire. Elle me rend ma cigarette et se lève en murmurant :

-Je ne peux pas l'oublier, Elik. J'en ai marre de ces conneries, comme quoi on finit toujours par oublier. Je ne veux pas l'oublier. Il est peut-être ce que j'ai de pire dans ma vie, mais il est aussi ce que j'ai de plus précieux. Alors... arrêtez de me dire que ça ira, que ça me passera. Oui, cette situation n'est pas drôle, mais vous entendre me dire ce que je dois faire... c'est pire. Je suis assez grande pour faire ce que je pense être bon pour moi.

Je me passe la main dans les cheveux, mais, cette fois, impossible de me retenir d'exploser :

-Et qu'est-ce qui est bon pour toi, Fern ? Dis-moi. Te faire tromper, humilier, rabaisser ? Ça n'est bon pour personne, c'est inhumain.

-Je...

-Je peux comprendre que l'espoir de le voir changer te retienne, que tu t'attaches aussi aux bons souvenirs. Mais ce sont bien des souvenirs, Fern. Dans le présent, tu souffres et il n'en a rien à fiche. La voici ta réalité et je ne pense pas que ça soit la définition de « bon pour toi ».

Elle croise les bras, serrant les poings :

-Je trouve que tu es très mal placé pour parler de ce qui est bon ou mauvais en amour. Tu as été incapable de reconnaître que ta copine en aimait un autre !

Sa colère naissante attise la mienne et je fonce droit sur elle, la plaquant contre le mur :

-Tu es bien stupide de t'en prendre à moi, Fern. Le méchant dans l'histoire c'est...

-Arrête tu veux ?! Et lâche-moi.

Elle se débat de toutes ses forces, tout en continuant d'hurler dans mes oreilles :

-On dirait un disque rayé. Nell est ci, Nell est ça. Et toi, t'es quoi à par un pauvre type qui en rabaisse un autre, juste pour te faire bien voir.

-Ce n'est pas ça, bon sang...

-Quoi, alors ? Quoi, Elik ?!

Je prends sa tête entre mes deux mains et rapproche mon visage du sien. Face à face, les yeux dans les yeux. Elle est surprise, apeurée, désireuse... je vois tant d'émotions traverser ses yeux, c'est épatant à quel point elle m'est réceptive.

-Eli...

Sans plus y réfléchir et avant de lui laisser la peine de gâcher ce moment, je l'embrasse. J'écrase mes lèvres contre les siennes, désespérément. Je lui vole un gémissement, désolé Nell. Elle ne sait que faire, posant ses mains sur mes épaules. Je balade les miennes partout : ses joues, son cou, ses hanches. Pour finalement attraper ses jambes et la soulever, la prenant dans mes bras sans jamais cesser de l'embrasser.

Ensuite, tout se déroule bien trop vite à mon goût, je l'emmène dans la chambre, la dépose sur notre grand lit et me place au-dessus d'elle. Je sens ses mains parcourir mon corps à leur tour, pour finalement me retirer ma chemise :

-Bon sang, Fern..., je lâche.

Ça a pour effet de la faire gémir plus encore, de me toucher toujours plus vite. D'un regard, je lui demande de retirer son tee-shirt : permission acceptée. Je le fais passer au-dessus de sa tête et profite de la vue :

-Tu es magnifique, tellement belle...

Elle prend mon visage en coupe entre ses deux mains et m'embrasse à pleine bouche.

We start againWhere stories live. Discover now