Chapitre 22-4

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(Nord Quercy - Camp de Gourdon 5 septembre 23h30)

Posté sur une colline, au-dessus du casernement de Gourdon, Sam aperçoit soudain dans sa lunette de visée, César et Newton, les deux hommes qu'il s'est juré d'abattre pour venger son père et Daphné. Aussitôt, la haine le submerge et il en oublie sa mission. Pendant ce temps, le Glisseur où Jo et Thibaut ont pris place s'approche du Complexe...

Samuel

Attendant le moment idéal, je pousse un peu sur la queue de détente...

Même si j'ai choisi la meilleure des positions, je sens de petites décharges d'adrénaline remonter le long de mes bras. Qui exécuterai-je en premier ? Copernic, parce qu'il s'en est pris à Jo ? Newton, parce qu'il a tué Daphné ? Ou l'Imperator, parce qu'il a fait assassiner mon père ?

Mon choix est vite arrêté.

César.

Ce sera César...

Derrière la baie-vitrée, la conversation s'éternise et les secondes se traînent, comme engluées. Newton piétine, Copernic parlemente et les bras de l'IMP s'agitent convulsivement au-dessus de sa tête. J'en suis à me demander si je ne vais pas jouer le tout pour le tout, abattre les Impériaux à travers la vitre, quand je vois Newton pivoter. Il marche à grands pas vers la porte, l'ouvre, sort et la claque derrière lui avec une force telle qu'elle fait trembler les gonds. 

D'instinct, mon souffle se bloque. Le bout de mon index me brûle, mais je ne tire pas. 

Je ne tire pas !

Dans ma lunette grossissante, le colosse dévale les marches du perron pour rejoindre son Glisseur contre lequel il cale ses fesses. S'agit-il d'un TOC ? Il extirpe une fois de plus son HKP2000 de son holster et l'ouvre pour s'assurer qu'il est bien chargé. Rassuré, il le referme d'un mouvement preste du poignet, puis s'empare de son fusil d'assaut.

Le laissant à son inventaire, j'éloigne mon doigt de la détente pour de nouveau m'intéresser à l'intérieur de la maison. Sans doute Copernic a-t-il réussi à faire entendre raison à son chef ? Dark Rufus et lui achèvent de réunir des dossiers qu'ils rangent dans deux mallettes de cuir. Pressé d'en finir, le prétorien s'empare des porte-documents et file vers la sortie...

Mais César ne le suit pas.

Comme victime d'un malaise subit, le Premier Empereur du Second Empire Romain s'est immobilisé, sa main appuyée contre la grande table. Prévenant, son aide de camp revient en arrière et lui avance un fauteuil dans lequel il se laisse tomber.

L'assassin de mon père baisse la tête, ses mains émaciées tremblant entre ses genoux. Je zoome sur lui, ou plutôt sur sa chevelure terne qui cache ses traits tel un masque d'algues roussâtres. Son garde du corps lui tendant un verre, le valétudinaire redresse le visage, s'en empare et l'avale d'un trait. Par le viseur, je détaille ses yeux cernés, son faciès amaigri et sa peau couverte de petites entailles mal cicatrisées. Qu'est-ce qu'il est pitoyable, le grand empereur, le héros du peuple ! On dirait un gobelin rescapé d'un camp de concentration...

À peine cette idée m'a-t-elle traversé l'esprit que le doute m'assaille, pervers et insidieux. À quoi bon buter un type aussi mal en point ? Il n'y a aucune gloire à tirer sur une ambulance, peut-être juste un instant de jouissance perverse... 

Non, je ne dois pas me laisser entraîner par la spirale des événements !

J'envisage de rediriger le canon de mon fusil sur l'entrée du Complexe quand le fantôme de mon père, mon côté obscur, se rappelle à mon bon souvenir.

Tueur de MondesWhere stories live. Discover now