Chapitre 2.1 : Thibaut

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( Banlieue Sud de Paris  Quelques minutes après le Black-Out)

Thibaut est seul chez lui avec son ami Rémy quand son père l'appelle, affolé, et lui donne toute une série de directives auxquelles l'adolescent obéit sans trop en comprendre le sens. Et soudain, les téléphones, l'électricité et les voitures, tout s'arrête...

L'incendie brûle au loin. Un dragon rouge et jaune qui crache ses flammes dans la nuit. Des flammes tellement énormes que nous les voyons se tordre, danser et avaler l'obscurité.

Je n'arrive plus à bouger. On a dû m'injecter du ciment dans les veines !

Non.

Non.

Non. Mon monde ne peut pas avoir explosé !

Pétrifié, je ferme les yeux pour ne plus voir ce cauchemar. Et ce n'est qu'au prix d'un effort surhumain que je passe mon bras autour des épaules de Rémy et lui murmure doucement :

— Heureusement que tes parents ne devaient pas rentrer aujourd'hui !

Il lève vers moi son visage déformé par une épouvantable terreur.

— C'est trop bizarre ! C'est pas une banale panne d'électricité ; t'as vu, y a plus rien qui marche...

— Ça sert à rien de rester là à jouer les voyeurs. On va rentrer et réfléchir à tout ça...

Chercher des explications distraira Rémy. Moi, je sais, mais la vérité ne peut franchir l'obstacle de mes lèvres, transformées pour le coup en Grande Muraille de Chine.

J'amorce un demi-tour, constate avec étonnement que mes jambes continuent à supporter mon poids et j'avance, le pied droit, puis le gauche... Je flageole encore mais reprends peu à peu de l'assurance. Quand nous arrivons devant chez moi, mon intellect a réussi à juguler mes émotions.

— Il nous faut joindre maman ! annoncé-je à mon ami en me précipitant vers mon scooter.

Tandis que Sampa, totalement surexcitée, gambade autour de nous, j'insère la carte de démarrage dans sa fente et appuie sur le contact. Le moteur ne vrombit pas. Sur sa vieille mob qui s'est mise en route au quart de tour, Rémy me toise d'un air goguenard. 

— J'en étais sûr ! T'es un robot et tes circuits intégrés ont cramé eux aussi !

Je crois ne jamais m'être senti aussi bête et écume de rage ; je suis furieux contre cet idiot de Rémy, j'en veux à mort à mon père, je tuerai ma sœur parce que c'est à cause d'elle que ma mère n'est pas là. Et surtout, je me déteste de réagir ainsi.

Mais où est donc passé mon légendaire self-control ?

— J'ai bien compris que c'est parce que l'électronique a grillé que plus rien ne fonctionne ! râlé-je.

Le rire amer de Rémy sonne faux.

— Va falloir que tu grimpes derrière moi et que tu t'accroches ! Mais j'espère que t'as un plan pour le retour ! Je peux pas prendre trois personnes sur ma bécane !

— Papa m'a dit qu'un de ses amis était au Parc de Loisirs. J'espère pouvoir lui faire confiance !

Nous refermons à grand peine le lourd portail métallique que je verrouille à double tour. Ainsi barricadée, ma pauvre maison semble se recroqueviller sur elle-même et me paraît désormais aussi indestructible qu'un blockhaus attendant l'armée US sur les plages de l'Atlantique.

Au fur et à mesure que nous nous éloignons de notre quartier, les preuves tangibles qu'un incident majeur vient de se produire s'étalent sous nos yeux. Les lumières se sont éteintes, les feux tricolores ont cessé de fonctionner et tous les véhicules, essentiellement des BMI-Cars, se sont immobilisés.

Tueur de MondesTahanan ng mga kuwento. Tumuklas ngayon