Chapitre 2-2 : Galilée

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( Région Centre, 2 septembre 10h 03)

Au courant on ne sait comment de l'existence de Chloé et de ses supers-pouvoirs, l'Empire a lancé Galilée sur ses traces. Heureusement, lorsque la prétorienne est arrivée chez elle, la petite fille n'était déjà plus là.

Mais une voisine a parlé de Dylan à la soldate...

Plantée devant un miroir en pied, je m'observe. Étudie les plus infimes détails de mon corps. Comme une fille normale qui s'apprête avant son bal de promo.

Et ce que je vois ne me déplaît pas.

Je suis mince et svelte et blonde et relativement bien proportionnée. Je me surprends à m'étonner tout haut.

— Je suis belle !

Une voix gouailleuse, venue des tréfonds du temps, souffle, taquine, à mon oreille :

— Et intelligente, et athlétique, et modeste !

Je chasse ce souvenir inopportun mais le garde bien au chaud dans un recoin de mon cerveau pour l'étudier à loisir. Un souvenir d'une de mes vies précédentes. Une réminiscence de Yeux Vairons.

Ma mini-jupe en jean met en valeur mes longues jambes. Mon top rouge est décolleté, vraiment décolleté. Ce qui me gène un peu ; surtout que mon soutien-gorge push-up donne l'impression que mon corsage est proche de l'explosion. Mais après tout, ce n'est pas moi, ça ; je vais jouer un rôle. Mes lèvres recouvertes d'un gloss pêche flashy esquissent une moue maussade, de lourds traits de khôl noir font ressortir mes yeux noisette. J'enfonce un panama sur mon crâne, secoue mes pesantes créoles en argent, fait teinter mes bracelets de pacotille.

Ouais, je pourrais convaincre n'importe qui, avec cette bobine-là ! Me voilà fin prête pour ma nouvelle mission. Une mission en solo ; une mission de merde.

Bon, une mission quand même. Et grâce à laquelle je pourrais postuler pour l'Oscar de la meilleure salope. Si je réussis !

En fait, je ne vois pas comment je pourrais échouer. Ne suis-je pas à croquer ? Et puis si le bonhomme s'avère trop coriace, je n'aurais plus qu'à sortir d'autres armes... plus directes !

La voiture me laisse à quelques kilomètres de la petite ville que j'ai déjà arpentée hier. J'enfourche la bicyclette que l'on m'a gentiment descendue. Je pédale jusqu'au Rendez-Vous des Amis, descends de mon vélo que je n'oublie pas d'attacher à un réverbère.

La sueur dégouline sur mon visage pâle. J'en ai déjà marre. C'est que je suis une machine de guerre, moi ! Pas un animal politique ! Pourquoi s'être cassé la tête à me concevoir, à me former, si ce n'est pas pour m'utiliser à plein rendement ?

Je pénètre calmement dans le bar, désert à cette heure la plus chaude de la journée. Un type à la longue barbe hirsute, poivre et sel, façon ZZ Top, s'affaire à nettoyer divers ustensiles. Il me jette un œil torve mais ne cesse pas ses activités pour autant. Je me compose un sourire avenant.

— Hello ! Quelle chaleur épouvantable ! Vous avez de la chance de pouvoir rester dedans ! La rue est figée, comme prisonnière de toute cette lumière crue !

Seul un vague grognement me répond. Mais j'ai surpris une lueur espiègle dans les yeux du vieux rocker. Je balaie le bistrot d'un regard que je veux impatient.

— Vous auriez pas un petit quelque chose à boire ? ajouté-je d'une voix implorante.

Cette fois, ZZ Top délaisse ses verres irréellement transparents pour s'approcher du comptoir.

Tueur de MondesWhere stories live. Discover now