Tueur de Mondes

Chapitre 20-7

(Nord Quercy - Camp de Gourdon 5 septembre 21h45)

Appelé auprès de l'Imperator, Domitien laisse Liam sous la garde de Copernic. Un embryon de complicité semble naître entre les deux jeunes gens et soudain, le prétorien entraîne l'Altéré dans le couloir. Veut-il l'aider ? Nous ne le saurons pas. Des légionnaires les interceptent. César souhaite rencontrer le prisonnier...

Liam

Ma première impression est frustrante. Sans uniforme, sans cravate, le col ouvert, la chemise froissée, le Princeps ne ressemble pas à l'image magnifiée que ses médias de propagande imposaient. Même sa célèbre chevelure rousse est terne et tout aplatie !

— Misère de ma vie ! remarqué-je. C'est l'IMP, ce Charlot ? Il aurait pu passer chez le coiffeur avant de me recevoir. 

Le sourire aux lèvres, Copernic renvoie notre escorte, puis interroge du regard le beneficiarius en faction devant la porte grande ouverte. Le type, nez proéminent et mâchoire saillante, hausse les épaules et nous stoppons, indécis. 

— On pourrait faire demi-tour, suggéré-je, mezzavoce. Et si plus tard, ton boss te cherche des noises, tu n'auras qu'à lui dire que tu n'as pas osé le déranger. 

Sans daigner me répondre, le prétorien fait un pas en avant. Malgré mes poignets menottés, je lui agrippe le bras. 

— J'ai mieux, proposé-je. On se casse tous les deux et je t'aide à retrouver l'amour de ta vie. 

Atterré, mon bodyguard me foudroie de ses yeux vairons. Pourvu que Son Altesse Césarissime n'ait pas entendu ma suggestion !

— Tu veux ma mort ? chuchote-t-il. Ferme-la, merde !

Il lorgne sur le Princeps, assis à une table, un dossier fermé devant lui. Ouf ! Son chef ne semble pas nous avoir remarqués. Perdu dans ses pensées, il sirote un whisky dans un large verre, tout en se frottant un menton sali par une barbe de trois jours. Songe-t-il à son Empire en ruines ? À l'attaque de l'Alliance du Nord ou à sa propre ignominie ? Son regard se perd dans les eaux noirâtres du lac qui s'étend de l'autre côté d'une grande baie vitrée.

Tex ( l'oiseau rêveur) : Pourquoi n'y a-t-il pas de sniper sur la colline en face ? Ce fumier forme une cible si parfaite...

Léo ( l'aigle terre à terre) : T'as de la flotte dans le cigare ou quoi ? La Garde Prétorienne patrouille aux alentours. Et puis, cette vitre est sûrement pare-balles ! 

Moi : Si à la place du pouvoir de me polluer l'esprit, vous aviez reçu celui d'influencer les puissants, nous serions déjà dehors. 

Vexés, mes Volatiles se taisent. Profitant de ce petit répit, je propulse ma vision éthérique vers l'aura de l'Imperator. Dentelée et fuyante, pâle tel un reflet délavé, elle ne paie vraiment pas de mine. Et pourtant, elle m'attire irrésistiblement. Sans que je ne puisse rien y faire, mon pouvoir plonge dans son halo et mon énergie psychique se mêle à la sienne. Résultat, son corps astral reprend aussitôt de la consistance. Comme elle s'illumine d'un magnifique jaune-or – la couleur du leadership –, j'ai l'impression de voir resplendir une étoile dans la nuit...

— Mais quel abruti tu fais !

Le hurlement de Léo dans ma cervelle suffit. Je m'arrache au sortilège de cette attraction diabolique et rouvre les yeux. Face à moi, sa Sombrissime Luminescence s'est levée et s'avance vers la baie vitrée. Vite ! Tex se recroqueville dans mon cœur et Léo cache sa tête sous son aile.