Chapitre 17-1

216 35 480
                                    

 (Nord Quercy 5 septembre 16h37)

Domitien conduit Charlotte et Chloé dans un vieux manoir réquisitionné au nord du Lot. Mais l'homme au grand manteau noir étant appelé d'urgence sur la Commanderie de Gourdon, les deux prisonnières sont laissées à la garde de Julian et Magnus. Chloé quitte son corps, sort de la pièce, puis pénètre dans une autre chambre. Celle-ci abrite un homme menotté qui n'arrête pas de répéter le prénom de Samuel.  

Pendant ce temps, Thibaut et Galilée sont parvenus à libérer leurs amis prisonniers. Disposant maintenant d'un celerrimum impérial et de l'aide du prétorien qu'ils ont capturé, ils se préparent à attaquer le manoir où Charlotte et Chloé sont retenues captives.  

Chloé

Dehors, c'est tellement loin.

Je me stoppe pour essayer de mieux réfléchir. Mais ma peur est trop grosse dans ma tête pour que j'y arrive. Je sais plus où est mon corps, je me souviens plus par où je suis passée et de toute façon, j'ai pas trop envie de redevenir moi.

Du coup, je repars.

Je descends un escalier, je traverse une petite pièce, une autre, puis entre dans une plus grande. Une espèce d'immense placard où je vois si plein de meubles et de vieux objets empilés dessus que ça me rappelle Emmaüs. Des fois, on y allait avec maman pour y fouiller de bonnes affaires, des habits de déguisements ou un coussin pour Nestor.

À peine j'ai pensé à eux qu'une boule apparaît au fond de ma gorge et qu'un énorme trou se creuse dans mon ventre. Alors, vite ! De peur que les images du bonheur d'avant finissent d'embrouillaminer mon cerveau, je ressors en quatrième allure.

Me voilà maintenant dans un long couloir, avec de chaque côté, des portes fermées. Je m'avance lentement, bien lentement.

Dans ma tête, y a des tonnes d'idées qui trottent comme de méchants petits diables.

Jamais jamais jamais j'aurais dû m'éloigner de Charlotte. Même si elle dit beaucoup de gros mots, se croit meilleure que tout le monde et déteste les gens, la sœur à Thibaut, c'est quand même quelqu'un de vivant, une vraie personne. Et une personne, ça vaut mieux que personne du tout.

Je freine brutalement devant un escalier.

Je sais bien que pour retrouver mon corps, il me faut monter, mais j'hésite. Parce que là-haut, il y a aussi l'autre prisonnier et que tout ça, la balade et le vagabondage, c'est un peu à cause de lui.

Il était si grand, même assis, ses yeux étaient si noirs, ses épaules si larges et ses bras si costauds ! Dès que je l'ai vu, je me suis réfugiée dans un coin. Non pas que j'ai eu peur qu'il m'attrape, il était attaché, il pouvait pas trop bouger, mais j'ai senti qu'il m'avait sentie. Et j'étais en train de réfléchir à comment m'en aller quand sa voix a recommencé à parler. Ou plutôt à réciter comme une chanson, toujours le même prénom. Et malgré que je m'appelle pas Samuel, je me suis rapprochée, rapprochée, tout à côté, tout contre lui, sans l'avoir décidé.

Je suis arrivée si près que je pouvais presque voir ses idées.

Je dis ça parce que soudain, un film s'est mis à défiler dans mon cerveau, trop accéléré pour que j'en comprenne l'histoire, mais si plein de rage, de violence et de morts que du vomi est remonté dans ma bouche.

Terrorrifiée, je me suis raidie de toutes mes forces afin de le chasser.

Aussitôt, une brume noire a enveloppé les images qui ont ralenti, puis se sont arrêtées. Me croyant sauvée, j'ai oublié de faire attention. Évidemment, le prisonnier en a profité pour attaquer. Sa tête a voulu m'aspirer, son pouvoir m'avaler.

Tueur de MondesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant