Chapitre 7-4 (a) : Liam

368 79 791
                                    

( Paris 20 août 16 h 30) 

Après avoir été forcé d'euthanasier son compagnon, Luigi, atteint d'une étrange fièvre hémorragique, Liam a été capturé par les prétoriens. Il est emmené en compagnie d'une jeune gothique vers une direction inconnue... 

Ils sont trois. Un faux baraqué. Un blond. Un maigrichon. Ils ont pénétré, majestueux, dans les toilettes de cet ancien lycée reconverti en orphelinat-prison. Napoléon et ses troupes. Leur territoire. Qu'ils ont dû soumettre à la force de leurs poings et de leurs dents.

A chacun la conquête qu'il mérite.

Tant pis pour mon moment de solitude.

J'ai quand même réussi à rester peinard cinq minutes, montre en main. Il faut que mon existence soit devenue vraiment atroce pour qu'un tel répit m'apporte autant de réconfort.

Annoncés par l'odeur aigre de leur transpiration, ils envahissent l'espace confiné, prennent possession des lieux et fracassent les portes des WC.

J'en prends plein les sens. Je serre et desserre les poings. Des fourmis me picotent les mains, les bras, les jambes. Je succombe à cette douleur cuisante qui atteint maintenant mon cerveau et le transforme en une casserole d'eau en pleine ébullition.

Je me retourne vers ce qui, il y a deux mois, dans une autre vie, devait être un miroir. Il ne me renvoie qu'un pâle fantôme de moi-même. Des fragments de visage. Un air malade mais une peau qui vire à l'écarlate.

Il y a de ça des millions d'années, j'adorais contempler mon image. Un beau gosse au sourire ravageur. Qui est maintenant Liam, avec ses yeux cernés, ses joues creuses, ses lèvres sèches, ses rides prématurées ? Un assassin ?

Je passe mon front sous le robinet, histoire de me calmer.

Le faux baraqué passe à l'attaque :

— Alors, pédé, on s'isole pour se branler ?

Je me retourne. Lentement. Précautionneusement. Moi, je ne cherche pas les ennuis. Je lève mes deux mains en signe de reddition.

— Ça va , les gars, je m'en vais.

Blondinet et Maigrichon me barrent la sortie.

Je soupire. Pourquoi les choses ne tournent-elles jamais bien ?

Faux Baraqué a envie d'en découdre. Je sens le poids rassurant de mon couteau dans ma chaussette droite. Je tends l'oreille mais malgré mon ouïe développée, je n'entends aucun bruit à l'extérieur. Ils ont prémédité leur assaut, m'ont pisté et ont fait le vide aux alentours.

Encore une fois, je ne peux compter que sur moi pour me sortir de ce mauvais pas.

Sur moi et sur les Oiseaux ! Ils commencent à se discipliner, à s'organiser, à se répartir les tâches. L'un dans mon crâne, l'autre dans ma poitrine. Ils se sont liés d'amitié, Léo aime bien Tex même si ce dernier ne cesse de l'asticoter. Nous nous tenons compagnie dans l'adversité. J'en viens même à me convaincre que leur départ m'affecterait. C'est dire si je deviens cinglé !

Ici ce sont mes seuls amis.

Les seuls à qui je parle.

Avec Madison.

Et vu la tournure des événements, ce n'est pas aujourd'hui que ça va changer !

Vrai Mou s'avance vers moi. Il prend son temps. Comme dans un film d'action, il jouit du ralenti. Je braque mes yeux dans les siens, j'y lis une euphorie belliqueuse qui devrait me faire peur. Au contraire, ça me stimule. La rage que je retiens en moi menace de déborder à tout moment. Je dois me maîtriser en permanence. Ces trois abrutis qui jouent aux racailles vont m'aider à la canaliser.

Tueur de MondesWhere stories live. Discover now