Chapitre 19-1 (b)

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(Sud Quercy 5 septembre 18h07)

Tandis que Jo est restée avec David au chevet d'Alison, grièvement blessée par Domitien, Samuel a décidé d'enterrer seul William et Daphné. Même si cela s'avère bien plus difficile que prévu, il parvient à creuser une tombe assez profonde pour les accueillir tous les deux. C'est à ce moment-là que le lecteur apprend qu'il a décidé de quitter seul le Tuc-Haut pour venger les siens. 

Samuel

À peine cette pensée m'a-t-elle traversé l'esprit qu'une coulée de terre glisse vers moi et retombe dans la fosse, pile sur mes Rangers. Et merde ! Avant de me faire ensevelir vivant, je lance ma pelle hors du trou, prends mon élan et la rejoins à la surface.

L'effort de trop !

Un éclair de douleur me coupe la respiration, comme si j'avais reçu un coup de pied dans les couilles. À bout de souffle, je clopine jusqu'à mon sac à dos, récupère une thermos et bois au goulot. Elle est dégueulasse, cette flotte, épaisse et trop tiède, mais elle fait le boulot attendu. Tout de suite, je me sens mieux, prêt pour la seconde phase.

L'inhumation en elle-même...

Je range ma gourde, rallie le prototype Impérial, puis actionne le mécanisme qui commande l'ouverture du coffre. Aussitôt, une bouffée fétide, où la senteur douceâtre du sang se mêle aux exhalaisons rances de la chair en décomposition, me saute à la gorge.

Putain, la lopette ! J'ai un mouvement de recul et le hayon se referme...

D'instinct, j'avale goulûment quelques lampées d'air. Hélas ! Il est empreint d'une telle odeur de fumée que je me mets immédiatement à tousser.

Tout en me remontant mon foulard sur le nez, j'ai une petite pensée pour mes hommes, Florian, Medhi et Jesse en train d'entretenir le feu de crémation. La conclusion funèbre de la journée qu'eux et moi avions passée à ratisser le champ de bataille pour récupérer le matériel qui pouvait l'être et ramasser les corps afin de les brûler. Par respect, j'avais même pensé à prélever la plaque d'identité des prétoriens décédés au cas où nous pourrions un jour renseigner leur famille sur leur sort.

Je me rapproche du coffre. Bien que le vent soit tombé, les éclairs illuminent toujours la forêt, semblant même se concentrer sur le Glisseur, comme s'ils n'arrivaient pas à se faire à la scène dont ils sont les témoins.

Je rouvre le hayon. Sur-le-champ, son contenu macabre s'offre à moi.

Le corps de William dissimulé par un plaid de l'armée et celui de Daphné enveloppé à l'intérieur du drap bariolé sur lequel nous avions fait l'amour pour la première fois. Ben oui, même un combattant de ma trempe peut être victime d'un accès de mièvrerie...

À cœur vaillant, rien d'impossible...

J'attrape le cadavre de ma sex-friend sous les aisselles et tente de le soulever. Mes muscles ont-ils fondu pendant la nuit ? La mort double-t-elle la force de gravité ?

Incroyable, mais vrai ! Je croule sous le poids.

Sacré nom de nom d'une putain !

Furax, je me redresse si brusquement que ma tête heurte le hayon. Un cri de rage et de douleur mêlées m'échappe, suivi de la pire bordée de jurons que j'ai jamais prononcée.

Comme Jo l'avait prévu, je n'y arriverai pas tout seul. Du moins pas sans une aide magique...

Eh bien tant pis ! Plutôt que de rentrer bredouille, je choisis de mettre mes principes au placard et de laisser tomber ma fierté. Sans même vraiment y songer, je rassemble mon pouvoir et bouge la main. Échappant illico à la loi de la gravité, la dépouille de Daphné se soulève. Et elle m'aurait suivi jusqu'à sa tombe tel un petit chien, si je n'avais pas entendu une brindille craquer.

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