Chapitre 6-4 (b) : Liam

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Je recule instinctivement, horrifié. Pourtant je sais que c'est la meilleure solution. La seule !

— Non, non, murmuré-je. Je peux pas !

Déjà, Tex et Léo dansent la sarabande. J'inspecte les alentours. À la recherche de quoi ? Je n'en sais rien. D'un coup de bec, asséné juste comme il faut, Léo me signale un oreiller abandonné. Tout en continuant à parler à Luigi, je me lève pour m'en emparer.

— T'es la meilleure chose qui me soit arrivée ! Tu te souviens, on en a profité ensemble !

— C'est vrai, arrive-t-il à bafouiller. On s'est bien marrés tous les deux !

Un nouveau spasme lui vrille l'estomac. Un flot de sang s'écoule de sa bouche. Et pendant que je le distrais avec mes souvenirs, je regarde mes mains rafler le coussin. Léo ayant pris les commandes de mon cerveau et Tex celles de mon cœur, je ne suis plus que leur pantin.

Luigi a fermé les yeux. D'un geste parfaitement maîtrisé, j'écrase l'oreiller sur son visage ; il n'a même pas la force de se débattre. N'osant pas vérifier ce que je fais, je laisse mon regard traîner dans le vague. La jeune gothique me fixe, les yeux exorbités. Elle sait que je deviens un meurtrier.

La poitrine de Luigi ne se soulève plus. Une immobilité rassurante, définitive.

Mais je n'ai ni le temps de faire mon deuil, ni le loisir de m'appesantir sur l'infamie de mon acte ! Les soldats reviennent en marchant si lourdement que j'ai l'impression qu'ils sont toute une cohorte.

Tessa les intercepte ; je note l'urgence dans sa question. Elle me met en garde.

— Vous en voulez encore ?

— Vous jouez à quoi ? Poussez-vous ! s'énerve le prétorien, en plaquant Tessa contre le mur.

Je perçois un grand choc ; les événements se précipitent ; la jeune gothique s'allonge contre le cadavre encore chaud de sa mère ; moi, je n'ai que le temps de me jeter sur un matelas vide pour jouer les morts à mon tour. La porte couine ; les autorités pénètrent dans la pièce.

Vais-je passer au travers ?

Aucun mouvement. Une impassibilité suspecte. Les mots tant redoutés !

— Fred, vérifie les corps ! On a déjà essayé de nous berner !

Le légionnaire s'approche du premier matelas et donne un grand coup de pied au malade étendu. Glacé d'effroi, je le soupçonne de vouloir achever tout le monde. Il va me découvrir !

Quel manque de bol ! L'histoire de ma vie.

Un cri strident déchire le silence. L'adolescente a encaissé une sacrée secousse. Mais la garce a du répondant ; malgré mes yeux mi-clos, je me réjouis à la vue du militaire plié en deux, venant sûrement de recevoir une châtaigne bien placée.

— Sale pute !

Pour venger leur camarade, les milites la rouent de coups. La pauvre paye cher sa rébellion !

— Pas de ça ici ! s'interpose Tessa. C'est un hôpital !

Le centurion obtempère et calme ses hommes.

— Ralph, emmène la furie ! Toi, poursuis les recherches. Moi, je m'occupe de celle-là.

Le sang de Luigi me poisse la peau : je pourrais aisément passer pour un macchabée mais ne veux pas tenter le sort une fois de plus. Léo et Tex réclament de l'action.

Tessa hurle. Voix Rauque la ceinture.

Je bondis vers la fenêtre la plus proche. L'optio ( 1) lâche sa proie et se lance à ma poursuite.

Tueur de MondesWhere stories live. Discover now