Chapitre 6-4 (a) : Liam

418 87 1K
                                    

( Paris 5 août 17 h 28)

Le soir du Black-Out, Liam est à Paris, chez son petit ami Luigi, et ressent immédiatement d'étranges troubles, comme deux voix issues de son esprit, celles de deux oiseaux, qui n'arrêtent pas de parasiter ses pensées. Ayant gagné suffisamment d'argent auprès de Marius, le patron du BMI Market, il se paie un billet pour rentrer chez lui, dans le Lot.

Toutefois, rien ne se passe comme prévu. Le bus est attaqué et Liam, pourtant grièvement blessé, réussit à revenir chez Marius. 

Les émanations entêtante d'alcool et d'antiseptique, malgré leur force et leur détermination, échouent à couvrir la pestilence des entrailles qui se vident et les odeurs de sang, à la fois aigres et enivrantes.

Les relents de la maladie. La puanteur de la mort. Une ville moribonde.

L'épidémie s'est abattue sur Paris, pire qu'un vol d'un millier de vautours découvrant un charnier.

Des jours et des jours à se traîner, abattu, alangui, apathique. Puis une faiblesse croissante, et tout d'un coup sans crier gare, toute votre vie qui s'en va. Vomissements, diarrhée, transpiration. Et enfin votre dernier fluide vital, votre sang.

Des litres et des litres de sang. Par le nez. Par les yeux. Par la bouche.

Une fin atroce que le destin a réservée à beaucoup d'adultes de la capitale, la plupart, d'ailleurs, porteurs d'une puce BMI. Des médecins impuissants ont ouvert des hôpitaux de fortune dans des lieux stratégiques. Jusqu'à présent, j'en voulais à mon karma. Mais eux tous, les bons pères et mères de famille et les travailleurs, quelles fautes ont-ils commises pour mériter une punition aussi atroce ?

Quelques rares privilégiés ont cependant l'air immunisés ; Marius, par exemple !

Et les prétoriens ! Robustes. Résistants. Increvables...

Moi aussi, je me porte comme un charme. Enfin du mieux que je peux. Parce que Luigi est malade. Il vit sûrement ses derniers instants, couché sur un matelas à même le sol, seul parmi une centaine de mourants au milieu de ce dispensaire improvisé dans une école maternelle à deux rues de son appartement.

La bouche et le nez protégés par un foulard, je remonte le couloir peint de couleurs vives, rose et violet, passe devant des porte-manteaux et des casiers d'un mètre de hauteur. Comme chaque jour, mon cœur se serre. Les enfants ne reviendront plus jamais ici ; fini l'insouciance et les jeux dans la cour. Où sont-ils maintenant ? La plupart des orphelins sont emmenés par les légionnaires.

On dit que les Camps pullulent autour de Paris. J'en frémis rien que d'y penser.

Je pousse la porte de la chambre 4. Je connais les lieux. Trois jours que Luigi est là, trois jours qu'il agonise, cerné par les plaintes et les jérémiades.

Je m'engouffre dans l'ancienne salle de classe. Mes yeux anxieux scrutent l'intérieur ; défaitiste, je m'attends à une mauvaise nouvelle.

Tessa se précipite. Toute de blanc vêtue. Elle porte un masque qui lui protège le bas du visage.

Moi ( nerveux ) : Alors ?

Elle ( secouant la tête ) : Son état empire. Mais il a passé la nuit.

Une boule d'effroi me noue soudain les boyaux. Est-ce un avertissement de Tex ? Ou une manifestation de ma paranoïa ?

Depuis l'explosion du bus, les Volatiles Infernaux me laissent quasiment en paix. Désirent-ils que je guérisse paisiblement ? Est-ce un témoignage de leur compassion ?

Tueur de MondesTahanan ng mga kuwento. Tumuklas ngayon