Chapitre 10-5 : Jalousies

221 44 414
                                    

( Région Centre 4 septembre 13h07)

Attention : scène gore. 

Le VW étant toujours coincé dans le fossé, les passions s'exacerbent au bord de la route, jusqu'à ce que le bruit d'un moteur Diesel se fasse entendre...

Liam

Mon cœur bat comme un tambour de guerre, si fort dans mes oreilles que je n'entends même plus le vague vrombissement qui nous a tous mis en émoi.

Épaule collée contre le mur du transformateur, je m'agenouille en position de tir et lève mon arbalète, le carreau pointé droit devant moi.

D'un long regard, je balaie les environs, le VW accidenté, l'asphalte aussi noir que le ciel, les arbres grillés et les prés tout chiffonnés, telle de la moquette usagée.

Il n'y a plus âme qui vive sur la route. Tandis que les combattants se tiennent à l'affût, les plus vulnérables se sont mis à l'abri.

Brusquement, le vent se lève. Venu de nulle part, il balaie la campagne, comme une déferlante incontrôlable.

Les herbes ondoient, les branches s'agitent, les feuilles tourbillonnent et la poussière volute.

Des milliers et des milliers de grains.

D'instinct, je me concentre sur l'une de ces particules afin d'en suivre la course erratique.

Mon esprit se vide et mon pouls ralentit.

Cet après-midi, j'en ai tellement assez que mon karma se paie royalement ma tête que j'ai décidé de le faire tourner en bourrique. Nous nous en sortirons, parce que nous, nous avons le Voyageur.

Le moral ainsi boosté, je tends l'oreille, si fort que j'ai l'impression de n'être plus qu'un tympan.

Aussitôt, le ronflement m'emplit la tête, sourd et incessant, suffisamment prégnant pour que je parvienne à l'analyser.

Je n'ai affaire qu'à un seul moteur, donc à un seul véhicule, puissant, mais poussif.

Une camionnette ? Un Utilitaire ? Un autre Combi ?

Quel qu'il soit, l'engin s'amène dans notre direction, imperturbable et de plus en plus bruyant, à un point tel que je le pense maintenant audible par tout un chacun.

Je me concentre, autant que mon cerveau fatigué en est capable.

Ce machin ne progresse vraiment pas vite !

Et soudain, le campagnard que je suis pousse un soupir de soulagement.

Un tracteur.

Un putain de tracteur.

Au diapason de mon angoisse, le vent retombe. Infiniment rassuré, je lève les yeux vers le ciel.

Deux rapaces – des buses – y tournoient tandis qu'un héron passe à basse altitude. Effrayée par les grondements du vieux Massey Ferguson en approche, une colonie de corbeaux s'envole des champs avoisinants dans de grands croassements rageurs qui n'augurent rien de bon. Furax, ils passent au-dessus de ma tête en tourbillon, leurs yeux voraces balayant le fossé tels des lasers de visée.

Tous ces oiseaux voltigeant, libres et heureux, Léo et Tex ne le supportent pas. Les voilà aussitôt à danser la sarabande dans mon cœur et dans ma tête.

Au bord de la nausée, je leur intime de la fermer. Sensibles à l'urgence de la situation, ils la mettent illico en veilleuse.

Juste à temps.

Tueur de MondesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant