Tueur de Mondes

Chapitre 4-2 : Nuit au lac

Avertissement

Ce chapitre évoque des conduites à risques à ne pas imiter.   

Thibaut

Charlotte laisse échapper un gémissement. Je me lève et accours. Elle s'est déjà rendormie, ses doigts crispés sur sa peluche fétiche. Je l'envie presque. Elle va peut-être réussir à se relaxer, elle !

Le sang bat à mes tempes. L'esprit enflammé, j'épie les formes indistinctes que prennent les rares objets de ma chambre dans la lueur diffuse des astres nocturnes. Mon cerveau refuse obstinément de se mettre au repos. Mes neurones comme pris de frénésie destructrice, crépitent ; ma mémoire mélange des mots, des images et des sons. Les racailles. Le son presque agréable de la balle plongeant dans la chair ; le sang qui jaillit. Les yeux de Liam, le corps de Liam.

Je n'irai pas me recoucher. Sampa veille, couchée en travers de notre chambre. Ma sœur ne risque rien. Je passe un short et un tee-shirt, m'empare de mon pistolet et ouvre la porte du mobile home.

Je marche calmement vers l'étang. Liam nous l'a assuré. Le lieu est désert. Et bizarrement, moi, l'ardent défenseur de la rationalité, j'ai une totale confiance en ses aptitudes. J'étais le roi des a priori débiles autant dans mes relations avec autrui que concernant mes points de vue. Je me persuadais que les choses étaient d'une telle manière et rien ni personne ne pouvait me faire changer d'avis. En étant si borné, je me suis privé, sans m'en rendre compte, de tout un tas d'expériences passionnantes.

Je suis maintenant impatient de connaître l'avenir. Mon avenir. Tout me paraît désormais possible. Et puis, il y a ce truc avec Liam. Un truc dingue. Je ne suis pas prêt.

La pente descend abruptement vers le lac qui miroite en contrebas. Au-dessus de ma tête, le Voyageur paraît immense alors qu'une deuxième comète, se reflète, brouillée elle, sur le plan d'eau.

On dirait un pur diamant, une gemme scintillante. Mais une merveille meurtrière...

Un léger bruissement sur la gauche me fait sursauter. Même si mes sens sont sur-développés, ils n'ont pas l'acuité de ceux de Liam. Je me dissimule dans l'ombre, l'arme pointée droit devant moi. Je jette un rapide coup d'œil. Rien. Était-ce un oiseau nocturne ? Un animal ?

Non, c'est tout bonnement quelqu'un qui marche délicatement, quelqu'un qui m'a entendu et qui ne veut pas se laisser surprendre. Je souris. Je reconnais cette odeur d'herbe et de fumée. Je ne suis pas le seul à être victime d'insomnie ! Il y en a un qui sait prendre du bon temps !

Je me projette dans l'allée, le pistolet tendu devant moi. Cran de sûreté tiré, bien entendu.

— Stop, énoncé-je calmement. N'avancez plus ou je fais feu !

Liam reste figé. Son arme braquée sur moi. On dirait le dénouement d'un film, le dernier face à face, l'affrontement final entre le bon et le méchant.

Sauf qu'ici c'est d'une toute autre bataille qu'il s'agit...

— T'es vraiment un imbécile ! grogne-t-il. Tu cherches à te faire tuer ou quoi ?

Je hausse les épaules. Son sourire en coin ne m'a pas échappé. Ses yeux flamboient. Et je subodore que l'influence du Voyageur n'est pas pour une fois la seule responsable !

— Alors, constaté-je sans répondre à sa provocation. C'est pour la came contenue dans ce sac que tu as failli te faire tuer...

— Non, ça, c'était uniquement le petit supplément. Mais tu fais quoi là, tout seul ? Tu veux flinguer des canards pour le petit déjeuner ?