Chapitre 3-2 : Liam

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( Paris 10 juillet 7 h 13)

Même s'il s'est laissé un temps distraire par les attentions de son amant, Liam a bien senti que quelque chose d'anormal était en train d'arriver. Victime d'étranges troubles, il a l'impression que ses tatouages se sont mis à briller et que des voix ont pris possession de son crâne... 

Des filaments de soleil pénètrent la pièce et me réchauffent. Un pic arrache consciencieusement un par un des lambeaux de mes organes, un aigle vient d'élire domicile dans mes méninges et sa voix rauque m'empêche de cogiter. J'ouvre un œil et me dépêche de le refermer.

Pourquoi y a-t-il autant de lumière ? Nous nous levons plus tôt d'habitude ! Afin d'évaluer le retard, j'effectue une nouvelle tentative, en mettant cette fois ma main en visière. Il me semble que je viens juste de m'endormir. D'un sommeil peuplé d'oiseaux, de voitures bloquées et de magasins pillés. Je suis trempé de sueur, sur les nerfs, avec l'impression contradictoire qu'une boule de neige me glace la poitrine. Tous les événements de la veille me reviennent à l'esprit...

Luigi a vraiment une sale mine. Celle du type qui a fait la fête et qui n'a pas fermé l'œil. Et pourtant c'est sa nuit la plus calme depuis que je le connais. Le sommeil a dû le fatiguer !

Moi ( lui prenant l'épaule ) : Secoue-toi, mais secoue-toi ! Faudrait aller au travail !

Lui (ni bonjour, ni merde ) : Fais chier ! Qu'est-ce que j'ai mal à la tête ! Me sens pas bien.

Moi : Tu veux du café ?

Lui ( titubant vers la salle de bains ) : D'abord une bonne douche !

Moi : Tant que tu y es, regarde ta puce, je crois qu'elle s'est infectée.

Lui ( se cognant ) : Merde, le courant est pas revenu ?

Je pousse un soupir de découragement : passé vingt ans, on perd dix mille neurones par jour ! Chez Luigi, l'usage massif de stupéfiants a dû, en plus, accélérer le processus ; mon père avait raison, sortir avec un vieux n'est décidément pas une bonne idée !

Une douche ( froide bien sûr, puisqu'il n'y a plus d'électricité ) et une dizaine de mugs d'un café si fort qu'il aurait pu réveiller une marmotte en hibernation finissent par avoir raison de l'état comateux de Luigi. Il décide d'aller aux renseignements dans sa boîte de pub.

On descend les escaliers ; autant d'exercices physiques ailleurs que dans un lit n'a pas dû arriver à mon amant depuis des lustres !

Je pousse la lourde porte d'entrée de l'immeuble qui ne ferme plus. Cette ouverture béante sur des dangers inconnus m'inquiète ; je vais devoir renforcer les serrures de l'appartement.

En dépit de l'heure matinale, la rue bruisse déjà d'une activité insolite ; mais les voitures bloquées sur la chaussée sont toujours là, formant autant d'obstacles que les gens contournent en râlant.

Luigi suspend sa marche comme s'il avait heurté un mur invisible. Ses yeux clignotent, il a oublié ses lunettes de soleil et la lumière trop vive semble avoir réactivé sa migraine. Moi, au contraire, je me sens en pleine forme, comme si mes Oiseaux Personnels, ravis de se retrouver à l'extérieur, m'apportaient leur soutien et leur dynamisme.

— Mais c'est quoi ce bordel ?

Je hausse les épaules, résigné.

— Tu te rappelles plus ? Hier soir, il s'est passé un truc de dingue. Tous les systèmes électroniques ont cessé de fonctionner ! Il va te falloir marcher jusqu'au boulot. Ça te fera du bien !

— Et toi, tu ne viens pas ?

Mes Oiseaux recommencent à s'agiter. J'ai l'impression que mes méninges ont atteint leur vitesse limite de fonctionnement.

Tueur de MondesWhere stories live. Discover now