Chapitre 5 : Liam

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( Sud Quercy)

Il ne faudrait jamais perdre son pucelage avec sa meilleure amie.

Surtout quand on sait qu'on préfère les garçons.

Cela vous éviterait de vivre un grand moment de solitude.

Vous avez tout compris au drame de ma vie : je suis un grand spécialiste pour me fourrer dans les situations les plus improbables. Je fais toujours le mauvais choix.

Bon, d'accord, c'est vrai que je suis plutôt du genre à foncer tête baissée, et à réfléchir après, quand c'est trop tard. Mais après tout, je n'ai que quinze ans ! La crise d'adolescence, les problèmes d'identité... Ça doit vous parler à vous aussi, non ?

Moi ( inquiet ) : Ça va ?

Elle : ..........

Moi ( gourmand ) : Tu voudrais pas installer un festin Haribo ?

Ça, c'est notre petit rituel à tous les deux. Aucun vague à l'âme ni aucune crise existentielle ne pourra jamais résister à une bonne overdose de sucre !

Elle : ..........

Son horrible mutisme, d'une opacité qui me rappelle celle de la terre par temps de pluie, s'éternise, nous cerne, nous assiège et nous emprisonne. Pour venir buter sur mon entêtement !

Certes, d'habitude, ça ne me dérange pas qu'on arrête de parler, ça me détend.... Mais là !

Je sors du lit, m'étire, me rhabille et m'avance vers un trou creusé dans le mur de ma chambre. Oui, oui ! Je dors dans une grange. Et non ! Je ne suis pas encore SDF, même si, vu les virages étranges que semble prendre ma vie en ce moment, cette situation me pend au nez ! Simplement, mes parents m'ont installé dans une grange en pierres, accolée à notre maison, une dépendance soigneusement restaurée tout de même !

Moi ( suggestif ) : Ça te dirait pas qu'on se fasse des shots ?

Elle : ..........

Son silence, consternant, commence à me faire flipper ! Décidé à en finir au plus vite, j'écarte une pierre astucieusement descellée ; mes doigts explorent l'intérieur de la cavité ; un nuage de poussière s'en échappe, s'envole et me fait éternuer. Pourquoi je m'échine à trouver des cachettes élaborées ? Pour le fun, sûrement ! Parce qu'en ce moment, ma famille se fout totalement de ce que je trafique. Tout part en vrille et moi, je ne suis que la cinquième roue du carrosse.

J'en ramène le remède-miracle, celui qui efface les plus gros chagrins.

Jo se lève à son tour, s'avance vers mon bureau, en écarte les canettes vides qui l'encombrent. Me tournant le dos, elle installe un magnifique kaléidoscope multicolore : fraises et mûres Tagada, Schtroumpfs, Dragibus et bouteilles Cola.

J'en profite pour l'admirer. Quel dommage que je ne sois pas hétéro !

Cette fille, c'est un vrai cadeau, toujours pleine de vie, ni prétentieuse, ni chichiteuse. Malgré la fraîcheur de ce début avril, elle ne s'est pas rhabillée et ses longs cheveux noirs masquent la cambrure de son dos. Elle s'allume une clope, sans doute histoire de se donner une contenance et se retourne lentement vers moi. Nos regards se croisent. Je plonge mes yeux vert émeraude dans les siens, noir obsidienne. Elle me bombarde d'un nuage de fumée.

Je pense que maintenant elle a compris.

Je l'aime, Jo, comme jamais je n'aimerai quelqu'un d'autre, mais jamais je ne l'aimerais comme elle voudrait que je l'aime. Peut-être d'ailleurs qu'elle sera la seule personne que j'aimerais de ma vie ? Mais comment le lui faire comprendre ?

Tueur de MondesWhere stories live. Discover now