Chapitre 10-3 : Liam

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( Banlieue sud de Paris 30 août 11 h 30

Marius et Tessa étant morts assassinés, plus rien ne retient Liam à Paris. Il monte sur la moto de Marius et fuit la capitale...

Je tourne à droite. Encore à droite. Puis à gauche. À droite ou à gauche ? Je ne sais plus. Les immeubles succèdent aux immeubles dans ce faubourg anonyme.

Je vais, je viens, je m'agite ; le paysage ne bronche pas.

Me voilà dans la merde, une fois de plus...

Ma bécane bougonne. Mon cœur s'affole, mes Oiseaux hurlent ; abruti par ce vacarme ininterrompu, mon cerveau malade refuse de réfléchir.

Dans ce décor de tours et de béton, je me la joue Dernier Humain sur Terre. Je zigzague, perdu au milieu de ces blockhaus étouffants. Les plantes y ont disparu depuis longtemps, remplacées par d'interminables rubans d'asphalte, maintenant déformés et salis de milliers de détritus.

C'est toujours au moment où l'on se croit enfin tiré d'affaire que le destin s'acharne à vous envoyer une nouvelle épreuve. Peut-être perdais-je mon temps à essayer de m'en sortir ?

Ma tête explose. Comme si un légionnaire taré m'enfonçait son foutu casque romain sur la tête, avec la pointe tourné vers l'intérieur. Il prend plaisir à fourrager dans mon crâne, encore et encore... Je lève un poing rageur en direction d'un bout de ciel bleu pointant son nez entre deux hautes tours.

— Toi, là-haut, hurlé-je, au mépris de toute prudence, si tu veux pas que je m'en sorte, dis-le ! Ça évitera bien des tracas à tout le monde.

Je débouche sur une place carrée, ornée d'étranges lampadaires ; tels des diplodocus nains, ils penchent leur long cou hérissé d'une drôle de crête, vers le sol, comme pour le saluer.

Mon moteur hoquette puis cale. La moto s'arrête. Au pied de nulle part.

C'est la panne sèche. Je n'aperçois aucune voiture dont je pourrais siphonner le réservoir.

— Mais quel imbécile tu fais ! grogné-je. Qu'est-ce qui t'as pris de demander un signe des cieux ? Sois satisfait, tu l'as !

Je place ma moto sur sa béquille, attrape mon sac à dos, furette à l'intérieur et en extirpe ma dernière bouteille d'eau. J'avale goulûment des gorgées si chaudes qu'elles me brûlent la gorge. J'étudie les alentours, histoire de me faire une idée du lieu qui me verra vivre mes derniers instants.

Des centaines de barres me bouchent l'horizon. Une sensation d'étouffement me broie le cœur.

Je m'écroule dans un coin d'ombre. J'attends. Rien. Pas un animal. Aucun oiseau. Pas le moindre souffle. Et constamment ce putain de soleil, encore et toujours !

Une autre planète. Une autre dimension. Ai-je été téléporté sur Vénus ?

Tel un condamné à mort, je grille ma dernière cigarette, sirote mon ultime bière. Chaude. Éventée. Un souvenir délicieux de l'ancien Monde. Je rêve à des tartines de Nutella aussi longue que des skis.

J'en ai vraiment ma claque d'être harcelé par la malchance !

Je lève les yeux vers le ciel d'où le Voyageur me lance un clin d'œil glacé. Ça n'a l'air de rien, mais là, tout de suite, je sens mon cœur se réchauffer. Je suis content qu'il m'ait retrouvé. Et je sais que maintenant ça va aller. Je me laisse glisser dans une étrange torpeur.

Le vent se lève, aussi brûlant que le béton qui me sert de siège improvisé. Il charrie de la poussière et des odeurs nauséabondes, de pourriture et de cramé.

Tueur de MondesWhere stories live. Discover now