Chapitre 20-2(a)

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Liam a été capturé par Domitien, mais Thibaut a choisi de fuir. Toutefois, il n'a pas renoncé. Ayant confié la sécurité de ses autres amis et de sa sœur à Galilée, il repart vers le manoir, après avoir donné des consignes très claires. Elle doit l'attendre une demi-heure, puis filer vers le Sud du Lot. Hélas ! Le jeune homme ne tarde pas à se faire repérer par son demi-frère Newton qui ne l'a pas reconnu...

(Nord Quercy 5 septembre 20h30)

Galilée

Deux jours et une nuit que je me suis réveillée, la mémoire vierge de tout souvenir.

Une nuit et deux jours que j'ai rencontré Thibaut.

Trente-quatre heures de drames et de yeux doux, de bastons et de plans foireux, pour dix minutes de sexe et deux de coït.

Ce putain de putain de patricien.

— Bordel ! m'interpelle Charlotte. Qu'est-ce que tu fous ? Tu vas poireauter longtemps ici ?

Mes yeux clignent sur la lumière sombre du crépuscule. Retour à la réalité. Retour au cauchemar.

— Te bile pas, réponds-je. Même si cette caisse n'est pas photochromique, on est bien cachés...

— Tu es con ou tu le fais exprès ? Je le sais qu'on est en sécurité. Ce que je te demande, c'est ce que tu fiches encore avec nous alors que tu pourrais déjà avoir rattrapé mon frère.

Un soupir m'échappe. Moi-même, je me pose la question, sauf que jamais je ne l'avouerais...

— La consigne, décrété-je, est d'attendre son retour.

Légèrement déboussolé, mon regard s'égare dans le rétroviseur. Me croyant inquiète à propos de Rémy, Nicolas me fait signe qu'il va bien. Je ne m'inquiétais pas. Mon ouïe avait déjà capté le rythme régulier de sa respiration.

— Et depuis quand tu obéis à cet enfoiré de nazillon ?

L'emmerdeuse me fixe, les pupilles mouillées. Mais je suis bien incapable d'éprouver la moindre compassion. Je doute de mes décisions, je doute de mes doutes, puis de mon nouveau doute, jusqu'à douter de toutes mes convictions, de toutes mes pensées et de toutes mes capacités.

— Ses ordres sont très judicieux, me justifié-je.

— Si tu trouves malin de retourner te jeter dans la gueule du loup alors que tu as réussi à t'en arracher, tu es aussi frappée que lui.

L'atmosphère devenant étouffante, j'ouvre grand ma vitre. Aussitôt, une bouffée d'humidité me caresse le visage.

— Détrompe-toi, me défends-je, je m'estime au contraire très sensée. C'est d'ailleurs pour cela que je reste auprès de vous. Et puis, tu ne devrais pas t'inquiéter pour ton frère. Il est juste parti glaner des infos. Il n'est pas du genre tête brûlée, il ne commettra pas d'impair...

Comme la pluie commence à mouiller le tableau de bord, je ferme la fenêtre. Avisant Chloé toute recroquevillée par terre, je m'agenouille sur mon siège, attrape ma sœur sous les aisselles, la soulève comme un vulgaire barda et la repose à côté de moi. Couverte d'égratignures, elle a les yeux perdus dans le vague. C'est d'elle que je devrais me préoccuper, pas de cette aristocruche et de son fumier de frangin.

— Sauf que ça, grommelle la noblionne, visiblement peu convaincue, c'était avant. Depuis qu'il vous a rencontrés, toi et son putain de beau gosse, Thibaut ne se ressemble plus.

Ses paroles me font l'effet d'un poignard planté au niveau du cœur. Pas assez profond pour tuer, mais suffisamment enfoncé pour faire mal. Résultat, l'espace d'un instant, la colère rougeoie dans mes tripes. Ce serait si facile de serrer son joli petit cou de chipie jusqu'à ce que mort s'ensuive. Au moins, il n'y aurait plus jamais de remarques assassines qui sortiraient de sa bouche. Mais quelque chose en moi – ma conscience ou une étrange programmation – m'en empêche.

Tueur de MondesWhere stories live. Discover now