Chapitre 16-4 (c)

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(Limousin 5 septembre 15h 44)

Tandis que Galilée s'est donné pour mission d'éliminer dès leur descente du celerrimum, les deux prétoriens venus en renfort, Thibaut se voit chargé de délivrer ses amis. Il commence par libérer Liam. Pendant que celui-ci vient à bout de l'artificier, le jeune patricien fait prisonnier le dernier légionnaire. Il s'agit maintenant de l'interroger... 

Liam

Satisfait, j'opine du chef et il lève à nouveau son Glock vers son prisonnier. Sauf que deux armes braquées dans sa direction en même temps, c'en est peut-être une de trop ! Les jambes chancelantes du munifex se dérobent sous lui et il tombe à genoux.

— Pitié, me tuez pas ! On m'a enrôlé de force. Je n'ai jamais voulu la mort de votre ami !

Son accent du sud est si appuyé qu'il fait courir un long frisson dans mon dos. Persuadé que Thibaut a la situation bien en main, je baisse mon flingue et me penche sur le cadavre de l'artificier afin de lui piquer son holster. La corde qui a servi à me ficeler traîne encore à côté de lui. On dirait une vipère prête à filer se cacher dans un fourré.

— Je veux juste retrouver ma sœur, entends-je mon ami déclarer, le ton rassurant. Tu nous révèles où Domitien l'a emmenée et après, tu seras libre...

Écœuré par ce trop-plein de suavité, je me redresse d'un bond. C'est que j'ai une promesse à tenir, moi ! Et une promesse, c'est sacrée, surtout celle faite à une petite fille aux grands yeux noisette, une pauvre choupinette qui, en ce moment, doit pleurer toutes les larmes de son corps à l'idée que son Papa Liam l'a oubliée...

Au lieu de le ranger dans mon nouveau holster, je pointe mon Browning sur notre otage. Pourquoi est-ce toujours à moi d'assurer le rôle du mauvais flic ?

— Tu vas te mettre à table, dis-je, sinon je t'attife d'un deuxième nombril. Puis tu nous conduiras à l'endroit où les gamines ont été emprisonnées, sinon je t'en affuble d'un troisième. Enfin, tu te débrouilleras pour que nous puissions entrer dans la place, sinon je te plante un second trou du cul...

Paniqué, l'appelé ouvre la bouche, mais aucun son ne sort de ses lèvres.

— Si tu ne parles pas, embraye Thibaut, tu sais ce qui va t'arriver. Pour ce qui est de donner la mort, mon partenaire ne s'embarrasse d'aucun scrupule. C'est un fou de la gâchette.

Je resserre les doigts sur la crosse de mon pistolet, ferme un œil pour viser le jeune homme et articule un simple mot : « pan ». Pas dupe, ce dernier me fixe, de ses grands yeux noirs, humides et perdus. Allez savoir pourquoi, j'ai soudain l'impression de voir en lui un frère, un pauvre type né sous un karma aussi pourri que le mien. Toujours au mauvais endroit au mauvais moment...

Le munifex s'humecte les lèvres.

— Vous ne me tuerez pas, je suis votre seule chance de revoir un jour vos amies.

Ses paroles restent suspendues en l'air et le défi suinte de chacun de ses pores. Tu parles d'un bourreau ! Comment me suis-je débrouillé pour le laisser se ressaisir aussi vite ?

— C'est sûr, lui réponds-je, mais on peut te torturer. Et si ça ne suffit pas, on peut aussi te livrer à notre associée, celle qui vient de descendre tes collègues. Elle n'est pas du genre à faire de cadeaux.

— Tu dois bien connaître sa réputation, renchérit Thibaut. Elle s'appelle Galilée.

Mon Einstein préféré a mis en plein dans le mille. Pâlissant illico, l'apprenti prétorien lève les yeux vers le ciel, sans doute pour y chercher du courage. Bien que l'orage semble avoir dévié sa route, le firmament s'est encore assombri. On le dirait couvert d'un immense dais noir que les éclairs dardent de leurs langues de feu.

Tueur de MondesWhere stories live. Discover now