Chapitre 19-3

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(Nord Quercy 5 septembre 19h00)

Lors de l'attaque du manoir, Maxime, le prétorien sériephile, s'est enfui et Rémy a été grièvement blessé. Thibaut et Galilée l'ont laissé en arrière sous la garde de Nicolas et sont partis explorer le reste du rez-de-chaussée. Ils ont fait prisonniers deux prétoriens dans un bureau, puis Galilée est repartie chercher leurs amis. Elle a demandé à Thibaut de la couvrir, mais ce dernier se laisse distraire par les bruits d'une fusillade sous les combles. Le légat que Liam a laissé échapper en profite et fait feu. Galilée s'écroule...

Galilée

Plutôt mourir que rester une seconde de plus dans cette pièce confinée !

Mon fusil-mitrailleur fermement appuyé contre mon épaule, je me rapproche de la porte, à l'affût d'un mouvement ou d'une respiration à proximité.

Rien.

Le rez-de-chaussée s'est fait aussi silencieux qu'une tombe.

Je m'encadre dans l'embrasure.

À ma gauche, le couloir semble s'étirer jusqu'à l'infini.  Sur ma droite, l'obscurité roule autour du coude telle de l'eau noire.

Je sais, ça pue.

Mais moins que dans le bureau.

L'atmosphère y est si lourde, si intimement imprégnée de Thibaut, que j'en suis malade de devoir la respirer. Mes sens ne fonctionnent plus correctement et je sens les prémices d'une violente migraine me marteler les tempes.

— Je n'entends rien de suspect, dis-je. Je vais chercher Rémy et Nicolas.

Je n'ignore pas que c'est une mauvaise idée. Caché derrière le virage à angle droit, un Impérial pourrait y attendre son heure. Et vu le tapis qui recouvre le plancher, il lui serait sans doute possible de se rapprocher sans se faire repérer.

Bien sûr, mon dux(1) a fait le même raisonnement.

— Mais..., proteste-t-il.

— Toi, tu restes ici pour me couvrir. Tu n'as pas à t'inquiéter, je ne risque pas grand-chose. La plupart des prétoriens sont hors service et j'ai calculé qu'il y a quatre-vingt-dix pour cent de chance que les survivants préfèrent se terrer dans un coin en attendant l'arrivée des renforts.

Plus un mensonge est gros, mieux il passe. Thibaut a si foi en moi qu'il se tait. Résultat, je franchis le seuil au mépris de toute prudence.

À l'intérieur de mon crâne, la douleur a grandi, allant et venant comme les flots de l'océan.

Bien décidée à la nier, j'avance un pas, puis deux. Face à moi, le sol entreprend illico de danser la gigue. Je me fige, laisse retomber mes paupières, respire un bon coup et rouvre les yeux. Non seulement la sensation de vertige n'a pas disparu, mais il me semble en plus qu'un combat de boxe fait rage dans mon bide.

N'étant pas du genre à renoncer, je me remets en mouvement.

Aussitôt, une vague de souffrance, plus puissante que les autres, explose dans ma tête. Et tandis que mon cerveau me donne l'impression de se contracter comme une peau de chagrin, j'entends – oui, oui, j'entends ! – mes neurones se mettre à grésiller.

Dans ces conditions, même un bleu-bite sans cervelle ne se jetterait pas dans la gueule du loup. Sauf que moi, je ne suis qu'un produit défectueux. Quand je bugue, je m'entête, je m'accroche, je m'acharne.

Sans réfléchir plus longtemps, sans même tenter un dernier scan de la zone, je file à grandes enjambées dans le corridor. Là-bas, dans leur cachette, les amis de Thibaut m'attendent. Nicolas qui doit être terrifié, Rémy aux frontières de la mort.

Tueur de MondesWhere stories live. Discover now