Prologue

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Il avançait.

Dans l'immensité du vide et dans le silence le plus absolu.

Il avançait parce qu'on l'avait programmé pour cela, autrefois, il y a fort longtemps, il y a des millions et des millions d'années. Il avançait, tel un boulet de glace et de poussières, comme il en existe des milliards dans la galaxie.

Mais son noyau différait. Encore plus sombre que celui de ses semblables, il ne réfléchissait pas la lumière et ne laissait rien échapper de ses entrailles. Son cœur dissimulait un secret insondable. Un prodigieux mystère que lui-même n'appréhendait pas totalement !

Sa raison d'être était pourtant simple : anéantir tout ce qui pouvait menacer l'ordre immuable de l'Univers. Détruire pour protéger et tuer pour sauver. Telle aurait pu être sa devise.

Il avait été fabriqué dans ce but par un peuple disparu depuis la Nuit des Temps. Cette civilisation ultra-brillante s'était développée sur des millénaires. Elle avait maîtrisé l'atome, la physique quantique, la vitesse de la lumière, les trous de ver(1) et bien d'autres technologies inconcevables pour un esprit humain.

Mais, pétrie d'arrogance, elle avait cru pouvoir tout contrôler, tout dominer. Elle avait voulu s'approprier l'Univers, le plier à ses règles.

Elle avait alors causé sa propre perte.

Pour sauver la matière, elle avait dû se résoudre au sacrifice suprême : se détruire elle-même. Et pour éviter que l'histoire ne se répète, avant l'anéantissement final, dans un paradoxal sursaut d'humilité, elle avait conçu, fabriqué puis envoyé d'étranges Messagers dans toutes les directions de l'Univers.

Ces Émissaires de la Mort avaient pour mission de conserver le cosmos tel qu'il était, net, immuable, éternel, obéissant à ses propres lois, mystérieuses et absolues.

Et pour atteindre cet objectif, toute latitude leur était laissée.

Tous promenaient ainsi leur imposant noyau artificiel de quarante kilomètres de diamètre dans notre Galaxie à la recherche d'indices de vie.

Lui, le Tueur de Mondes, était le dernier de l'Ultime Génération. Celle qu'ils auraient voulue la plus accomplie. La plus perfectionnée.

Celle dont ils avaient dû précipiter l'élaboration et le départ.

Car l'agonie avait été plus rapide que prévu.

Dans son cœur de glace et de roches, s'agitaient un nombre incommensurable de composants biotechnologiques, chargés de détecter au sein des profondeurs les plus obscures, les civilisations les plus évoluées, les cultures les plus dangereusement expansionnistes, et toutes les menaces potentielles qu'elles pouvaient laisser planer sur l'Univers.

Ses Concepteurs n'étant pas humains, leur notion du Bien et du Mal différait de la nôtre. Ils n'appréhendaient pas le Temps comme nous. Ils voyaient bien au-delà, à très, très, très long terme. À l'échelle de la vie d'une Galaxie. Mais dans leur orgueil démesuré, ils n'avaient pas suffisamment réfléchi. Ils l'avaient ainsi condamné à passer l'éternité parmi des astres indifférents, impassibles et insensibles. Il cheminait ainsi, inébranlable, dans le vide intersidéral, concentré sur une mission qui n'avait peut-être plus lieu d'être.

Il apprendrait plus tard qu'il se trouvait dans le coin de la Voie Lactée que les humains nommaient le bras d'Orion. Il venait de passer près du système stérile d'une supergéante rouge à l'éclat insoutenable. Même si elles n'allaient pas tarder à disparaître, caressées par les lointains rayons de Bételgeuse, les glaces sublimées de sa longue chevelure resplendissaient de mille feux. À la lumière rasante de l'étoile écarlate, l'énorme rocher à la surface craquelée qui abritait son noyau, d'ordinaire si terne, prenait de sublimes teintes sanglantes, sauf deux monstrueux cratères jumeaux qui restaient obstinément dans l'ombre.

Il ressemblait à une tête de mort colossale, aux orbites ténébreuses, qu'un incendie grandiose propulsait à travers l'espace.

Une étonnante fulgurance illumina soudain ses deux yeux morts et son cœur s'anima. Il avait peut-être enfin trouvé ce qu'il cherchait, ce pour quoi il existait, ce pour quoi il avait été créé.

Ses milliards de capteurs s'éveillèrent, des processus endormis depuis des millénaires se lancèrent. Ils avaient perçu une infime résonance, une variation minime dans la structure de l'Univers. C'était probablement une fausse alerte, comme il y en avait déjà eu des milliers mais cela suffisait. Le Tueur était avant tout un programme : il ne devait rien laisser au hasard.

Là-bas, à environ cinq cents années-lumière, parmi les milliards d'astres de ce secteur de la galaxie, se trouvait un banal soleil de 1 392 000 kilomètres de diamètre, une étoile naine jaune composée de 75% d'hydrogène et de 25% d'hélium. Un astre dégageant par fusion nucléaire, une énergie de 386 millions de mégawatts et émettant un flot de particules accélérées...

Un soleil pouvant favoriser l'émergence d'une forme de vie sur une planète qui serait située dans la bonne zone orbitale.

Lassé de ses milliers d'années d'inactivité, il n'attendit même pas le résultat des analyses plus approfondies qu'il avait lancées. Un nouveau propulseur s'enclencha et la trajectoire du Tueur de Mondes dévia. 

Il accéléra.

(1) Trou de ver : Objet hypothétique capable de créer un raccourci dans l'espace-temps.

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Le Tueur de Mondes s'est fait attendre mais le voilà enfin.

Je pense que vous avez tous compris quelle est sa prochaine destination. Mais, d'après vous, quels sont ses projets? 

Je reviendrai samedi pour un peu de politique-fiction, histoire de vous présenter le Second Empire Romain, l'une des Grandes Puissances qui règnent sur la planète vers laquelle se dirige notre Tueur.

Et la semaine prochaine, vous ferez connaissance avec nos 6 héros... 

Pensez à voter et n'hésitez pas à me laisser vos commentaires.

Tueur de MondesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant