Jun rangea sa gourde, déjà vide, et essuya la goutte d'eau qui lui avait coulé sur le menton. Depuis l'aube, les forces Nord avançaient sur la jungle sans relâche, mais l'épuisement des troupes se faisait déjà sentir. Toute la nuit, ils avaient repoussé les assauts des guerriers Powathis. Si les trois membres de l'équipe A avaient tout fait pour neutraliser leurs adversaires sans les blesser, ce n'était pas le cas de la contre-amirale Mighi. Il fallait la voir, avec ses yeux de serpent, bondir sur les ennemis et les éventrer comme s'il s'agissait de proies... Le combat avait été terrible. Maintenant, la chaleur était écrasante. Ils étaient épuisés.
La seule lueur d'espoir qui demeurait dans l'esprit de Jun, Haru et Jorge était la capture du chef powath par leur capitaine, Arthur. Alors que l'aube commençait à poindre, il les avait contactés par escargophone et leur avait exposé la suite de son plan : une relation de confiance s'était créée avec Kegaro le lion rouge, sur qui ils pouvaient désormais compter dans leur lutte secrète contre Edouard. Toutefois, Haru demeurait méfiante et ne s'était pas privée de jouer les pessimistes.
- On ne sait pas si l'on peut vraiment faire confiance à cet homme, avait-elle dit dès qu'elle avait appris la nouvelle. C'est un prisonnier, il dira ce qu'il faudra pour se libérer !
Si Jun rejoignait l'opinion de sa camarade, Jorge ne cessait quant à lui de répéter, comme un mantra :
- Il faut faire confiance à Arthur. Si Arthur lui fait confiance, je lui fais confiance.
Pour l'heure, l'objectif était de rejoindre la cité powath dès que possible pour y retrouver les forces Sud. Mais un obstacle imprévu venait retarder la progression des deux autres groupes : au Nord de l'île, jusqu'en son centre, la jungle était traversée d'une chaîne montagneuse basse mais particulièrement escarpée, que tous s'étaient étonnés de voir puisqu'elle ne figurait pas sur la carte rudimentaire qu'Edouard leur avait présentée. Il fallait se rendre à l'évidence : cette expédition en urgence était dangereuse et la connaissance que le monde avait de Mukata était bien trop superficielle...
Tandis qu'elle voyait un soldat chuter et rouler le long de la montagne, entraînant deux autres avec lui, Mighi ne put s'empêcher de soupirer longuement.
- On n'est pas arrivés... souffla-t-elle à ses gardes avec un air épuisé.
Jun, Haru et Jorge gardaient leurs distances avec cette femme, une arriviste aux dents longues qui ne souhaitait qu'une chose : être bien vue de l'amiral et obtenir une bonne place dans sa nouvelle organisation. Ils n'avaient aucune confiance en elle. Déterminés, ils se concentraient plutôt sur le plan d'Arthur et ne perdaient pas de vue leurs véritables objectifs.
...
La carte qu'Edouard avait présentée à ses officiers avait été grossièrement dessinée par ses éclaireurs, à partir de leurs observations et des quelques bribes d'information qu'ils avaient pu glaner dans de vieux manuels de géographie. En réalité, elle présentait de nombreux défauts.
Tout d'abord, elle ne faisait pas mention de la chaîne de montagne qui traversait la jungle du Nord jusqu'au centre, que les Powathis nommaient « Gandorrian » et qui, en ces circonstances, avait tout d'un terrible obstacle. Ensuite, la cité powath, bien que située à l'Est de l'île comme mentionné sur la carte, était en réalité beaucoup moins centrée et se trouvait davantage dans la partie Sud-Est, au sommet de hautes falaises très escarpées. Ces deux erreurs avaient permis aux forces Sud d'atteindre la cité de leurs adversaires bien plus tôt que prévu, et bien avant les autres groupes.
Suite à leur accord secret, Kegaro avait accepté de guider Arthur, mais aussi Kabber et ses hommes à travers la jungle en empruntant le chemin le plus rapide.
Ils aperçurent la cité quand le soleil avait atteint son zénith, si bien qu'elle paraissait illuminé d'un projecteur divin. Derrière ses hautes murailles de pierre jaunes comme le maïs, on devinait de grandes tentes de peau, pointées vers le ciel comme des dizaines de lances prêtes au combat, mais aussi la forme rectangulaire d'un temple impressionnant. Alors que les cœurs d'Arthur, de Zell et de Lola s'accéléraient à l'appel de l'aventure et de la découverte, le contre-amiral Kabber ne put s'empêcher de ponctuer cette vue spectaculaire d'un traditionnel :
- Humpf... Primitif.
Tandis qu'Arthur contenait sa rage et son mépris pour cet envahisseur ignare, Kegaro s'approcha des guerriers qui montaient la garde et déjà s'affolaient de le voir revenir menotté. Arthur demeurait en retrait et observait ces soldats : vêtus d'une armure de cuir légère, ils adoptaient des postures défensives parfaites, sans faille. Ils avaient assurément été entraînés par leur chef et gardaient de lui le génie du combat. Après quelques secondes de discussion, pendant lesquelles Kabber faillit perdre patience et lancer l'assaut, le lion rouge se tourna vers ses gardiens et leur fit signe de venir, tandis que les gardes rengainaient à contre-cœur.
- La cité est à nous, lion rouge ? demanda Kabber à son prisonnier avec un sourire narquois.
- Si elle ne m'avait été confisquée, je déposerai ma Garra à vos pieds, contre-amiral. Mon peuple vous accueille jusqu'à ce que nous ayons trouvé un arrangement, mais n'allez surtout pas les offenser.
- Humpf ! Sont-ce des menaces ? s'écria Kabber en le bousculant brutalement.
Il dépassa les deux grandes portes de la cité avec ses hommes et s'avança jusqu'à la place centrale, où tous les regards se tournèrent vers lui. Hommes, femmes, enfants... Dans leurs yeux brillaient de la fureur à la vue de ce méprisable envahisseur.
- Bien ! s'écria-t-il. Où est Saint-Ratcliffe ?
- Dans la cage qui se trouve au fond du village, à côté de l'espace aménagé pour les chèvres.
Kabber se tourna vers le lion rouge et le toisa avec fureur, puis se précipita avec ses hommes jusqu'à l'endroit indiqué. Ratcliffe gisait là, dans la terre et l'urine, attaché à un poteau de bois. Il sentait plus la chèvre à présent que les chèvres elles-mêmes. Son énorme nez, moucheté de points noirs, ne cessait de couler. Sur ses poils drus, des puces courraient. Dès qu'il aperçut les tenues blanches des soldats, il se mit à hurler comme un enfant et se redressa tant bien que mal.
- Vous voilà enfin ! J'ai cru mourir ! Je suis sauvé ! Libérez-moi de ces sauvages, sur le champ, que je leur fasse la peau !
Kabber tenta de briser les barreaux d'une attaque de sa moustache, mais il vacilla aussitôt.
- Humpf, parbleu ! Du granit marin ! Comment de tels sauvages y ont-ils accès... ?
Il attrapa alors Kegaro à la gorge et le jeta par terre.
- Vous allez me donner la clé de cette cage immédiatement, sale singe, ou je vous tranche la gorge !
Kegaro, à terre, laissa apparaître sur son visage tuméfié un sourire narquois.
- A votre place, je ne ferai pas ça.
D'un geste de la tête, il désigna les centaines de guerriers qui s'étaient rassemblés tout autour d'eux. Les forces de Kabber comprenaient une centaine d'hommes, qui lui avaient permis de prendre l'avantage face à un petit groupe de guerriers lors des affrontements de la veille. Mais à présent, ils étaient en infériorité numérique totale. Kabber, d'habitude si sûr de lui, se mit à transpirer à grosses gouttes.
- Les négociations débuteront quand votre chef sera là, dit Kegaro d'une voix forte et claire. Tant qu'il ne sera pas arrivé, votre Dragon Céleste demeurera dans sa cage, car telle est sa place.
Les guerriers tout autour éclatèrent de rire, certains piquant Ratcliffe du bout de leur lance.
- Enfin, contre-amiral, que faites-vous ?! hurla-t-il. Ne savez-vous donc pas que quiconque ose toucher un Dragon Céleste, un noble de mon rang, est automatiquement condamné à mort ? Qu'attendez-vous ? Tuez-le !
Kabber regarda Kegaro avec des yeux de merlan frit. Il avait beau être redoutable, il n'était pas de taille à affronter autant de guerriers de leur trempe.
- Contre-amiral, tuez-le ! beugla encore Ratcliffe.
- Mais je ne peux pas, vous ne comprenez pas ?! se mit à hurler Kabber, sous pression. Si je tue ce sauvage, toute sa clique de singes vont me dépecer, nous serons tous tuer !
Il trembla quelques instants, puis recoiffa sa moustache.
- Humpf... Attendons... Attendons l'amiral Kuroryu, d'accord ? balbutia-t-il.
- Bien, souffla Kegaro avec un sourire tandis qu'il se relevait. Si vous n'avez plus rien à faire ici, pourquoi n'iriez-vous pas attendre votre chef aux portes de notre cité ? Pendant ce temps, je discuterai des termes de notre accord avec le commodore Arthur.
Maintenant qu'il était debout, il dépassait Kabber d'au moins une tête.
- Un... Un accord ? Quel accord ?
- Aucun mal ne sera fait à votre foutu Dragon Céleste si vous disparaissez de mon île avec lui et ne remettez plus jamais les pieds ici.
...
Kabber attendit des heures durant avec ses hommes aux portes de la cité powath, ruminant sur l'humiliation qu'il avait subie. Il n'attendait qu'une chose : l'arrivée de l'amiral Kuroryu, qui ferait fuir ces sauvages comme des rats et permettrait la délivrance de Saint-Ratcliffe. Pour autant, il était fébrile. Dans la panique, il avait perdu ses moyens et hurlé sur un Dragon Céleste qu'il avait été incapable de délivrer. Il espérait, tout au fond de lui, qu'aucune sanction ne serait prise suite à cette erreur qu'il savait lourde...
Quelques soldats, les plus curieux et les moins craintifs, s'étaient aventurés dans la cité pour découvrir la vie de ce peuple dont ils ne connaissaient rien. On voyait, çà et là, des officiers ranger leur fusil pour saluer un enfant, gouter à une friandise locale ou admirer la façade du temple. Certains Powathis se montraient peu à peu moins méfiant lorsque leur chef, bien que menotté, passait en compagne d'Arthur et de ses hommes. Si les soldats de la Marine avaient été plus perspicaces, ils auraient pu remarquer que la conversation du commodore et de son « prisonnier » était des plus amicales et l'auraient sans doute rapporté au contre-amiral Kabber, mais ils étaient bien trop occupés à découvrir cette culture nouvelle, si riche et captivante.
Les Powathis étaient bien moins « primitifs » que le disait le contre-amiral. Leur système d'échange, bien que rejetant la monnaie, était hautement réfléchi et répondait à un certain nombre de codes et de règles. Les habitations, ces tentes d'apparence exotiques, étaient plus grandes, confortables et élaborées que celles que les soldats mettaient en place lors de leurs expéditions. Propres et respectueux, les membres de la tribu agissaient avec discernement et parlaient tous la langue commune sans difficulté. Ils savaient lire et écrire grâce aux enseignement des vieux érudits et leur temple était une merveille d'architecture et d'ornements, dans lequel d'étranges écritures étaient inscrites à même la pierre...
- La tribu compte plus de huit cents habitants, expliquait calmement Kegaro en regardant sa cité avec admiration. Parmi eux, sept cent deux sont habiletés à se battre. Mais nous ne sommes pas que des guerriers ! Nous avons des érudits, des scribes, des agriculteurs et même des forgerons !
- Des forgerons ? répéta Zell, étonné. Et que forgez-vous ?
- Avec le peu d'acier que nous avons sur notre île, nos artisans créent des armes de grande qualité. Elles ne sont pas aussi puissantes que les vôtres, mais bien plus rapides et tout aussi aiguisées ! Elles nous servent essentiellement à chasser et à nous défendre des bêtes sauvages qui peuplent la jungle, mais aussi des envahisseurs...
Zell promena son regard sur les lances des guerriers avec envie. Décidemment, ces savoir-faire le fascinaient. Kegaro les amena tous les trois à sa tente, la plus grande du village, qui n'était pas pour autant plus richement décorée que les autres.
- Migaro ! héla-t-il un guerrier qui passait par là. Va me chercher mon fils, tu veux ?
Arthur, Zell et Lola entrèrent dans la tente avec leur hôte et aussitôt Arthur se tourna vers lui pour saisir ses menottes.
- Désolé d'avoir dû te les remettre, s'excusa-t-il en tournant la clé dans la serrure. Kabber est un vieux renard, il aurait tout de suite flairé l'embrouille s'il t'avait vu en liberté.
Kegaro acquiesça calmement en massant ses poignets tandis que les rideaux de sa tente s'ouvraient de nouveau pour laisser passer un enfant. Pas plus âgé que Lola, il avait la chevelure sauvage de son père et la même flamme dans le regard. Il déambulait déjà torse nu, comme un vrai guerrier, et à sa ceinture était attaché un petit couteau au manche de cuir.
- Père ! s'écria-t-il en se jetant dans les bras du lion rouge, sans même remarquer la présence des trois soldats. Les anciens ont dit que vous aviez été vaincu, je savais qu'ils se trompaient ! Oncle Mugaro va bien ?
- Il a accepté de jouer ma doublure une fois de plus, mais il a été défait par un très grand soldat ennemi ! Ne t'en fais pas, il est sain et sauf.
- Oncle Mugaro, vaincu ?! Impossible ! s'écria l'enfant en faisant les gros yeux.
- Ceux qui l'ont affronté sont justement là, souffla son père en désignant les trois soldats du menton.
Le jeune garçon se retourna doucement et, dès qu'il vit les manteaux blancs d'Arthur et de ses amis, se mit à hurler.
- Que... Que voulez-vous, sales monstres ! s'écria-t-il en dégainant son couteau. Partez d'ici ou je vous tuerai !
Alors qu'il agitait son couteau en tous sens comme un fou, Lola bondit sur lui et apposa sa main sur sa poitrine.
- Injection : benzodiazépine !
Un jet blanchâtre fusa de sa paume jusqu'au torse du garçon et disparut dans son torse. Aussitôt, il sembla se calmer et lâcha son couteau sous les yeux ébahis de son père.
- Des... Des pouvoirs ! souffla l'enfant. Tu es maudite, toi aussi ?!
Lola, aussi enjouée que d'habitude, lui tendit sa petite main.
- Je suis Lola, enchantée ! On a le même âge et, tout comme toi, j'ai mangé un fruit du démon. Je pourrais te montrer comment le maîtriser, si tu veux. Et puis, on pourrait être amis, aussi ! Tu sais, je viens d'une île qui...
- Calme toi, Lola ! s'écria Arthur entre deux rires en posant sa main sur l'épaule de l'enfant. Tu vas lui faire peur !
- Un fruit... du démon ? répéta l'enfant. Pour parler d'un démon, c'en est bien un ! Ces pouvoirs sont une vraie malédiction, pour moi... Depuis que je les ai, mon corps ne m'obéit plus, il ne cesse de détruire ce que j'aime.
Le jeune powath détourna les yeux avec un air grave.
- Si je ne les avais pas, ce sale noble ne m'aurait jamais approché et aurait laissé mon peuple tranquille...
- Hataro, souffla son père en le prenant contre lui, cesse de te sentir coupable. Bientôt, ce noble partira et tout sera de nouveau comme avant, d'accord ?
Alors que son fils lui jetait un regard plein d'espoir, des cris se firent entendre au dehors. Arthur et Kegaro sortir en trombe et virent que Kabber et ses hommes pénétraient dans la cité. Arthur jeta un regard inquiet aux poignets de Kegaro, qu'il n'avait pas eu le temps de remenotter.
- Je vous avais dit de ne pas entrer dans cette cité, contre-amiral ! cria le lion rouge en pointant Kabber du doigt. Partez d'ici jusqu'à ce que...
- Humpf, gloussa l'officier. Jusqu'à ce que l'amiral soit là, précisément !
Il s'écarta légèrement et révéla Edouard, marchant derrière lui avec tout son régiment. A présent, l'égalité numérique était rétablie, de même que la tension dans l'air.
- Voici donc le fameux lion rouge, siffla Edouard en s'avançant à son niveau. Vous avez donné du fil à retordre à mes hommes, je vous en félicite. Votre puissance semble à la hauteur de votre réputation.
Kegaro, sans ciller, regardait Edouard droit dans les yeux. Son air était grave et menaçant, mais Edouard semblait plus menaçant encore. Dans les yeux de l'amiral brillaient une lueur noire, comme dans ceux d'un prédateur à l'affut.
- Commodore, je crois que vous n'êtes pas du bon côté... souffla Edouard sans même regarder Arthur.
En effet, dans la précipitation des événements, Arthur et ses amis étaient demeurés dans le dos de Kegaro. Rapidement, ils s'avancèrent pour rejoindre les rangs de la Marine.
- Bien. Où est Saint-Ratcliffe ? Que je le délivre de ce trou pouilleux...
Les Powathis s'écartèrent pour révéler, au fond du village, la cage où le Dragon Céleste était enfermé comme une bête. Edouard se retourna et, d'un signe de la main, fit venir les dizaines de guerriers prisonniers.
- Voilà la situation, lion rouge. Libérez Saint-Ratcliffe de sa cage de granit marin et en échange je libèrerai vos hommes.
Kegaro regarda discrètement Arthur et, après quelques secondes, acquiesça. L'un des guerriers s'avança vers la cage et en sortit le Dragon Céleste qui, sous l'effet de l'effort, s'effondra dans la boue fraîche. Kabber se précipita pour l'aider à se relever, mais Ratcliffe le repoussa avec violence.
- Ne me touchez pas, vous ! Comment avez-vous osé rester passif face à mon supplice ?! Comment avez-vous osé me laissez croupir dans cette cage sans rien faire, pauvre minable ?!
Kabber balbutia quelques excuses mais Ratcliffe se tourna vers Edouard et, pointant Kabber du doigt comme un enfant capricieux, se mit à hurler :
- Amiral Kuroryu ! Tuez cet incapable, sur le champ !
Un éclair de terreur passa dans les yeux du contre-amiral, comme le fantôme d'une menace pesante. Alors, Edouard acquiesça lentement et Kabber se mit à supplier.
- Non... Non !
- Navré, contre-amiral. Mais les ordres d'un Dragon Céleste sont absolus, vous le savez comme moi.
Kabber se retourna pour fuir mais s'écroula aussitôt dans la boue, mort. Tous tournèrent la tête vers lui et constatèrent qu'Edouard était à ses côtés, le pied posé sur le cadavre encore chaud de son ancien subordonné. Il avait été si vif que personne n'avait pu percevoir son mouvement. De sa main gantée coulaient quelques gouttes du sang de sa victime. Sa bouche se tordait dans un sourire de satisfaction.
- Vos désirs sont des ordres, majesté.
Ratcliffe laissa échapper un rire gras et se tourna face aux centaines de Powathis qui lui faisaient face.
- Et vous, bande de sauvages, si vous croyez que je vais vous quitter aussi facilement ! A compter d'aujourd'hui, cette île m'appartient, vous entendez ?! J'exige sa colonisation immédiate !
Et alors que les indigènes se regardaient avec perplexité, des lueurs de panique apparaissant dans leurs yeux, Ratcliffe hurla :
- Soldats de la Marine, préparez autant de chaudrons d'huile bouillante que vous le pourrez ! Je vais faire bouillir ces sauvages et les donnerai à bouffer à leurs chèvres ! Ah !
Et tandis qu'il s'esclaffait, dansant d'un pied sur l'autre comme un enfant pourri-gâté après la réalisation d'un nouveau caprice, Edouard répéta encore :
- Vos désirs sont des ordres, majesté.