Noël avait été une douce accalmie, une pause bien méritée dans cette entraînement intensif et savourée par les cinq recrues de l'équipe A. Mais cette pause était de courte durée.
Le lendemain matin, Myr les réveilla en les secouant comme une brute : tous s'étaient couchés tard et avaient du mal à se lever.
- Non mais vous vous croyez où ? beugla-t-il comme un ours mal léché. Vous croyez que c'est Noël tous les jours, ou quoi ?! N'espérez même pas avoir de congés au nouvel an, bande de fainéants !
La seconde session était terminée, alors que le second mois s'achevait. Déjà, le troisième entraînement s'apprêtait à débuter. Le temps passait bien vite...
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La troisième session d'entraînement fut aussi douloureuse que les deux précédentes. Les élèves faisaient face à des murs de bois, constitué de planches d'ébène.
- Tiens donc, du bois ! s'était exclamé Zell. S'il s'agit de le travailler, je suis votre homme.
Bien sûr, l'épreuve était autrement plus difficile. Myr n'avait donné qu'une consigne à ses élèves : avec pour seul outil leur corps, ils devaient réussir à percer ces planches, épaisses de quatre ou cinq bons centimètres. Pendant plusieurs minutes, tous s'étaient questionnés. Il ne s'agissait pas de briser ces planches en deux, ni de les fracasser. Non, il fallait les percer, faire un trou parfaitement net traversant la planche de part en part. Le vice-amiral s'amusait de leur circonspection :
- Saviez-vous que vos doigts peuvent atteindre la même vitesse et la même puissance qu'une balle de pistolet ?
Cette seule phrase avait terrifié les cinq élèves. S'ils devaient vraiment percer ces énormes planches de leur index, les blessures pouvaient être terribles. Jorge, le premier, s'était élancé comme un inconscient, la mâchoire serrée : il avait frappé de son index tendu le mur de bois, qui s'était brisé en un instant. Seulement, le craquement des planches fut accompagné d'un craquement osseux, Jorge se roulant en boule et hurlant.
- C'est une fracture, mon gars ! déclara Myr en observant son doigt tordu. En plus, tu n'as même pas réussi à percer la planche proprement...
En réalité, Jorge avait retenu son coup par peur de se faire mal, et cette même appréhension avait été l'origine de sa blessure. « Tout est dans le mental ! » avait alors crié Myr à ses quatre autres élèves, tandis qu'il posait une atèle à Jorge.
Les blessures furent nombreuses : des éraflures, des entailles et même une foulure (l'index de Jun, cette fois-ci). Pourtant, un jour, Arthur parvint à réaliser l'exploit. Face aux planches, les yeux braqués sur l'inamovible ennemi de bois, il s'était tenu prêt. Puis, d'un coup sec et précis, il avait projeté son index vers l'avant, qui avait fusé comme une balle. La planche avait été percée nettement, si bien qu'on pouvait voir le doigt du jeune homme ressortir de l'autre côté.
- Pas mal ! avait sifflé Myr. Tu as trouvé la technique, mon grand. Reste maintenant à l'améliorer, souffla-t-il avec un clin d'œil.
En effet, le trou créé par Arthur était complet, mais pouvait gagner en rondeur et en précision pour obtenir un résultat plus propre. Déjà, le jeune soldat était ravi de sa prouesse. Myr ne leur avait pas menti : tout se passait dans la tête. Il fallait contrôler sa peur, réussir à la surpasser. Ce n'est que lorsqu'Arthur avait chassé de son esprit les terrifiantes visions d'os brisés et s'était concentré sur la planche de bois qu'il y était parvenu.
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Avec cette déduction, la session suivante n'en fut que plus simple. L'exercice était, pour la première fois, progressif : Myr appelait ses élèves un à un et leur envoyait une balle, constituée de mousse. La seule consigne : renvoyer la balle dans une zone délimitée, un peu plus loin. Pour la première fois, les recrues semblèrent s'amuser à jouer ce jeu des plus simples, mais Myr, déjà, jubilait : ce n'était que la première étape de ce nouvel entraînement.
Après la balle en mousse, vint la balle en cuir, plus lourde et plus dur. Pourtant, l'amusement resta le même. Ensuite, ce fut une balle de bois, dont la dureté et la lourdeur infligèrent quelques rudes hématomes aux élèves. Enfin vint la dernière étape, avec une balle de pierre. Durant les premières séances, les élèves n'osèrent même pas la frapper de peur de se briser le pied. Lorsque certains essayaient, la balle semblait emporter leur jambe et leur arrachait un cri de douleur.
C'est Haru qui, la première, parvint à la renvoyer. Le style de combat de la tribu Kuja était essentiellement basé sur l'utilisation de leurs jambes, et celles de Haru étaient très développées : non seulement elles étaient très musclées, malgré leur finesse, mais en plus la jeune femme savait s'en servir comme d'une arme. Elle confirma, une nouvelle fois, la parole de leur maître : « Tout est dans le mental ».
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Le mois suivant vint une épreuve de rapidité : sur de très minces tiges de bambou, de fines plateformes d'argile était disposée. Elles étaient fixées en leur centre de manière à ce que le vent ne puisse les déloger, mais la moindre pression sur leurs extrémités extérieures entraînait leur chute. L'objectif était de bondir sur chacune d'entre elles et d'atteindre la fin du parcours sans tomber. Or, pour ne pas se tuer, les élèves avaient la possibilité de s'attacher un harnais autour de la taille. Lorsque Myr leur proposa, ils saluèrent en ricanant sa bienveillance, et le vieil homme haussa les épaules en soufflant.
- C'est bien la première fois que vous êtes aussi attentionné ! s'exclama Zell.
Chacun d'entre eux parut surpris de son talent pour une telle épreuve. La plupart parvenait à bondir aisément d'une plateforme à une autre, avec une vitesse et une légèreté phénoménale. Grâce aux précédentes sessions d'entraînement, notamment la première et la quatrième, leurs jambes étaient devenues si puissantes et rapides qu'ils avaient l'impression de flotter dans les airs, de marcher sur des nuages.
Arthur compris aussitôt que cette cinquième session leur enseignait les bases du pas de lune, la technique dont Myr s'était déjà servi à plusieurs reprises et qui permettait de marcher, littéralement, dans les airs.
Pourtant, ils chutaient souvent et ne devaient leur vie qu'à la présence du harnais, qui leur coupait le souffle lorsqu'à la dernière minute il les rattrapait par la taille.
Après trois semaines d'entraînement, Arthur décida de s'engager dans une voie bien dangereuse : lorsque Myr lui tendit le harnais, il le refusa. Jun et Jorge lui crièrent qu'il était fou, qu'il pouvait mourir en chutant d'une telle hauteur, mais Myr le laissa faire. Arthur monta à la hauteur des plateformes, grâce à une échelle posée contre un palmier. Il souffla un grand coup, garda les yeux bien ouverts, et s'élança.
Il bondit une, deux, trois, cinq, dix fois et jamais ne tomba. Lorsqu'il atteint le bout du parcours, en chair et en os, toujours vivant, Myr le regarda avec fierté.
- Tu as passé les vingt-sept étapes du parcours en huit secondes... C'est excellent, Arthur.
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La dernière session était un peu particulière : les élèves avaient conscience que leur entraînement allait toucher à sa fin, alors qu'ils commençaient enfin à y prendre goût.
Ce sixième exercice se déroulait à l'aveugle : les élèves devaient attacher autour de leur tête un épais bandeau de tissu, si bien que leurs yeux en étaient recouverts. Puis, le vice-amiral leur envoyait toutes sortes d'objets : ballons en mousse, noix de cocos, oursins, petites pierres, grosses pierres, ... Bien sûr, Haru excella tout de suite dans l'exercice : sa maîtrise du fluide de l'observation lui permettait de sentir les projectiles venir, de percevoir leur présence avant même qu'ils ne la touchent.
La session fut laborieuse pendant plusieurs semaines, mais avec l'habitude, les élèves apprirent à sentir venir les coups et à les esquiver par instinct. Dès lors qu'ils entendaient un projectile fuser dans leur direction, il savait où ils devaient se jeter pour l'esquiver, si bien que leur corps se pliait instinctivement pour ne pas être touché.
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Au terme de cette dernière session, Myr rassembla ses élèves autour d'un grand feu. Il leur apprit l'existence d'une ultime technique, une septième, secrète et complexe à maîtriser. Cependant, il expliqua qu'il n'en attendait pas tant d'eux. Un jour, peut-être, s'ils en avaient le temps et l'envie, ils pourraient chercher à développer cet ultime pouvoir. Pour l'heure, il restait une révélation à leur faire.
- Vous allez tester notre Douriki à nouveau, chef ? demanda Jorge avec excitation. Je suis sûr que le mien a augmenté !
Myr lui répondit par un sourire et ferma lentement les yeux.
- Je le ferai en effet, Jorge, mais pas tout de suite. Avant cela, il y a une dernière épreuve qui vous attend. Nous ne quitterons cette île que lorsque vous l'aurez surmontée.
Tous le regardèrent, interloqués.
- Vous souvenez-vous des bêtes que vous avez croisées à votre arrivée sur l'île, il y a six mois ?
Difficile d'oublier ces monstres, si puissants et terrifiants qu'ils auraient donné des cauchemars à n'importe qui, pensa Arthur en regardant Zell avec complicité. Le jeune charpentier ruminait encore : ce satané singe ne lui avait toujours pas rendu sa scie...
- Votre dernière mission est de les confronter, déclara Myr avec calme. Seulement lorsque cela sera fait, nous quitterons cette île et voguerons vers Marineford.