• Chapitre 81 •

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Naomi

Au ralentis, il relève le menton. Ses yeux sont plissés et de larges cernes entourent ses paupières inférieures. Le pauvre doit être épuisé...
Il ne me lâche pas des yeux et tend la main vers mon visage.
— Naomi ? Tu...
— Chut, le coupé-je, il faut que tu te reposes dans un endroit plus confortable que ce minuscule et étroit bureau.
Il grogne et tente de se relever tout seul. Eh bien, je le retrouve enfin celui-là, monsieur Grognon.
— Je vais t'aider à te mettre au lit.
J'attrape son bras et le pousse à se mettre debout, il s'exécute et chancelle quelques secondes avant de prendre appui contre moi. Son corps bouillonnant comme le couvercle d'une casserole fait contraste à la pâleur de son visage. Il est blanc comme un linge.
J'essaye de l'emporter à travers l'appartement afin d'atterrir dans la chambre mais, il se laisse immédiatement tomber sur le canapé dans une plainte douloureuse.
— Adan, tu devrais aller dans ta chambre.
— C'est toi qui devrais aller dans la chambre, pour te reposer. Il pousse un soupir torturé et ajoute : va dormir au lieu de t'occuper de moi.
Il déglutit et plisse les sourcils.
— Comment veux-tu que je ferme l'œil en te sachant dans cet état. Je proteste, tu as dû attraper quelque chose sous cette pluie.
Je balaye la pièce d'un regard minutieux et fonce dans ce qui s'apparente être, une cuisine.
Je prends le premier chiffon qui me passe sous la main et le plonge sous l'eau froide. Je le vois changer de position en gémissant de souffrance.
La situation ne pouvait pas être plus inattendue. Le chiffon en main, je m'agenouille près de lui et dégage son front afin d'y déposer le morceau de tissu.
Ses sourcils de froncent en même temps que sa bouche se tord de douleur. La fraîcheur devrait atténuer sa fièvre...C'est un véritable crève-cœur de le voir dans cet état.
— As-tu des médicaments ?
Je demande, le ton hâtif.
— Oublie ça, Naomi. C'est juste un rhume, ça va passer.
— Juste un rhume et puis quoi encore ? Je proteste mélangée par plusieurs sentiments, où sont tes médicaments.
— Placard de droite, dans la salle de bain.
Il sourit. À ce que je vois, il en faut peu pour donner des ordres au grand Monsieur Froid.
Je me redresse et accours dans cette étroite pièce qui lui sert de salle de bain. Les boites en mains, je retourne près de lui, toujours rongée par l'inquiétude.
— Ne fais pas cette tête là, Anderson. Je ne vais pas mourir...
S'il est capable de plaisanter c'est que ce n'est pas aussi grave que ça.
— Qu'est-ce qu'elle a ma tête ?
Je lui souris en retour et prends le verre que j'ai au préalablement rempli d'eau fraîche.
— Il faut que tu t'hydrates correctement, bois.
Adan me regarde un moment et tente de se relever mais, je le repousse contre le canapé et murmure.
— Ne bouge pas, je vais t'aider.
Le ton que j'emploie est dur et le surprend. Moi aussi je peux être impressionnante.
Ses yeux me scrutent d'un drôle d'air, je prends les deux petites capsules blanches et les approche de ses lèvres qui s'ouvrent peu à peu. D'un main tremblotante, je les glisse entre ses lèvres. La douceur de ces dernières m'assaille de frissons...Ses yeux ne me lâchent pas, je les sens brûler contre ma peau. Comme pour me détacher de son emprise, j'apporte le verre près de sa bouche.
Après voir bu, sa tête se laisse lourdement tomber contre l'oreiller tandis que ses yeux se ferment. Même en étant malade, il reste beau. Je baisse les yeux et m'arrache de sa contemplation. Lorsque je vais pour me relever, sa main s'enroule autour de mon poignet et le serre, fort.
— Où vas-tu ?
— Euh...ranger les...médicaments. Je dis, chamboulée par son geste quelque peu brutal.
— Laisse les, je m'en occuperai. Reste ici, s'il te plaît.
Je cligne des yeux.
Un raz-de-marée vient me secouer de l'intérieur. Il ne peut pas me dire une telle chose, maintenant. C'est trop...Je m'agenouille près de son visage, la respiration hachée.
Sa main relâche mon poignet et le rase pour se loger dans ma paume, il entrelace nos doigts ensemble. Je les serre et savoure leur douceur.
— Pardonne-moi...
Il souffle, la voix faible et tourmentée.
Je ferme les yeux et trace le chemin de la seule et unique larme qui s'échappe de mon oeil.
Je l'ai fait, je l'ai fait au moment même où ses yeux ont croisé les miens, où mon cœur s'est remis à battre dans une mélodie qui lui est propre. Certes, il m'a fait mal, vraiment mal mais, je sais qu'il a autant souffert que moi alors, comment lui en vouloir ?

— Adan ? Tu es là ?
C'est la voix de Flora ? Adan se réveille et met du temps à assimiler ce qu'il se passe. Son visage est moins pâle que tout à l'heure mais, il semble sérieusement mal en point.
— Je sais que je viens vraiment à l'improviste mais, tu n'as pas répondu à mes derniers messages alors je me suis vraiment inquiétée ? Adan ?
Merde, je ne suis pas censée être là !
Les infos lui montent au crâne en moins de temps qu'il ne faut pour le dire, il se redresse plus vite que son ombre et fait tomber le chiffon qui s'écrase au sol dans un léger clappement d'eau.
— Merde. Fulmine-t-il, grimaçant de douleur.
Il titube vers la porte et grogne quelques jurons. Prise de panique, je me cache derrière le canapé. Pourquoi suis-je en train de me planquer derrière ce foutu canapé comme une maîtresse échappant à la femme folle de son amant.
— Flora, il est tard. Pourquoi est-ce que t'es là ?
Il se retient d'être cassant.
— Tu n'as pas répondu à tous mes messages ! Elle s'énerve. Pourquoi tu ne me laisses pas entrer ? Peut-être parce que je suis à quatre pattes derrière ce minuscule canapé.
— Je suis fatigué mais je vais bien alors, rentre chez-toi.
Je jette un rapide coup d'œil en direction de la porte et remarque le regard ahuri de Flora qui scrute le plancher du salon. Mes chaussures sont négligemment étalées au centre de la pièce.
— Attends, Adan. Tu n'es pas seul ?
Adan râle d'agacement et lâche sèchement :
— Rentre chez-toi. Je t'appelle demain, bonne nuit.
Suite à cela, il lui claque la porte au nez avec un lourd soupir. Je me remets debout et pouffe de rire comme une imbécile, Adan dérobe ma réaction et lâche lui-même un gloussement amusé.
— Elle est insupportable.
Je ris face à son expression dépitée, au bout de plusieurs minutes de silence complet, je lance :
— Euh...Je vais rentrer chez moi, il est tard.
Je n'en ai pas vraiment envie mais, qu'est-ce que je pourrais faire d'autre ? Lui sauter au cou et lui faire une déclaration d'amour comme dans ces vieilles comédies romantiques ?
— Oh, d'accord. Je te raccompagne.
Quoi ? Pas dans cet état !
— Non c'est bon, je vais prendre un taxi.
— Le tarif est bien plus élevés à cette-heure-ci alors, laisse-moi te raccompagner. M'ordonne-t-il, le regard dur. Je n'ai pas le temps de répliquer, qu'il enfile sa veste et attrape ses clefs de voiture.

Assis sur les élégants sièges de l'Aston Martin, nous ne parlons pas. Le silence emplit l'habitacle d'une confusion plus qu'incertaine. Je suis stupide. J'avais tant de choses à lui dire et maintenant, me voilà muette comme une carpe ! Tu parles de détermination et de courage. Siffle ma mauvaise conscience.
Ma déception monte d'un cran lorsque la devanture de mon appartement apparaît au loin. Adan fronce les sourcils et serre les poings autour du volant. Sa fièvre a sûrement augmenté...Pourquoi est-ce que j'ai accepté qu'il prenne le volant ?!
Arrêtée devant chez-moi, je me tourne face à lui.
— Merci de m'avoir raccompagnée. Ma voix déraille tant elle est mal assurée.
Il ne répond pas et se contente de hocher le menton. Je sors de la voiture presque à contre cœur et fais un pas en avant avant qu'une douce odeur d'eau de Cologne et de shampoing trouve le chemin de mes narines.
— Je te raccompagne jusqu'à la porte.
Sa voix, presque murmurée à mon oreille me fait vibrer.
Nous escaladons les escaliers et nous arrêtons face à la lourde porte close. Une petite voix dans ma tête me hurle de faire quelque chose, ma conscience n'en pense pas moins.
Suivant mon cœur, ma raison et mon intuition, je monte sur la pointe des pieds et dépose mes lèvres sur les siennes.

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Haut Niveau - Tome 1 -Où les histoires vivent. Découvrez maintenant