• Chapitre 15 •

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Adan

M'endormir était de loin, la chose que j'avais le moins prévue mais difficile de résister à la voix mélodieuse et quelque peu tremblante de Naomi Anderson.
Je suppose qu'elle a fini par elle-même s'endormir, le poids sur mon épaule gauche en témoigne. Je n'ai pas envie de le repousser, loin de là même. Pourquoi ? Cette femme m'intrigue, sa force de caractère m'intrigue, tout d'elle éveille ma curiosité. Ses grands yeux bruns presque orangés sont néfastes pour moi, ils me poussent à parler, à me dévoiler. Ce n'est pas une bonne chose.
Quelque chose se met à tirer sur la manche de mon costume, j'ouvre les yeux et pivote vers mon assistante. Qu'est-ce que...
Des larmes, des larmes coulent le long de ses joues blanches, délicates et tendrement rosées. Ses mains, fines et fragiles s'accrochent à ma manche. Qu'est-ce qui lui prend ? Un cauchemar ? Qu'est-ce que je dois faire ? La réveiller ?
Je pose ma main sur la sienne et attends une réaction de sa part. Ses sourcils se défroncent et la grimace qui déformait ses lèvres disparaît. Qu'est-ce qu'elle est entrain de me faire ?
J'enlève ma main et m'éloigne, d'elle, de mes émotions contradictoires et du moi qui m'est encore inconnu. Face au miroir des toilettes, l'eau fraîche m'aide à retrouver mes esprits. Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond chez moi. Je vais devenir fou...
Les yeux rivés sur mon écran d'ordinateur, je commence sérieusement à perdre patience. Pourquoi ai-je la sensation d'avoir un balais coincé à un endroit très spécifique de mon anatomie lorsque j'essaie de me montrer sympa ? J'enregistre le mail à contre cœur puis relâche les muscles tendus de mon dos contre le dossier du fauteuil. Il ne reste plus que quelques heures avant d'arriver à Tokyo. J'ai envie de descendre de là et retrouver l'air frais et vivant de cette ville.
À quelques pas de moi, Naomi se réveille et guette autour d'elle, comme un félin aillant baisser sa garde.
— Je vous rassure, vous n'avez pas ronflé. Badiné-je.
— C'est toujours ça de pris...
— J'aimerais avoir votre avis sur un courriel, vous pouvez vous approcher ?
— Mon avis...?
Postée à ma droite, j'examine ses réactions. J'avais raison, ce mail n'aboutît à rien. P-DG pour l'aide humanitaire mais incapable d'entretenir des relations humaines.
— C'est...Pourri ? À chier ? Formidable ? Très dictatorial, trop dictatorial.
— Argumentez, je vous prie.
Elle me regarde une seconde, cherchant ses mots.
— Vous imposez cette collaboration comme une obligation et si je ne me trompe pas, monsieur Changmao est un homme qu'on peut considérer comme indépendant, alors il serait plus juste d'être compréhensif et d'aller dans son sens ?
— Dans son sens...Murmuré-je pour moi-même.
— Je peux peut-être vous aider ?
Elle veut m'aider ? Pourquoi pas, c'est mon assistante après tout.
— Faites donc.
Elle s'installe sur le siège à ma gauche et se penche en avant, son coude frôle le mien et un frisson me traverse l'échine. Sérieusement, pourquoi je réagis comme un adolescent puceau ?
Une fois le mail envoyé, une blonde vient nous informer que nous arrivons à Tokyo. Ne portant aucune importance à son regard ambiguë. Ne perds pas ton temps, blondinette.
Je tourne la tête en direction de mon assistante qui s'accroche au siège avec force. A-t-elle réellement peur de l'avion ?
Je me retiens de glisser ma main sur la sienne et bascule vers le hublot, l'aube est de retour. Elle projette sa lumière brûlée contre les parois de la Tokyo Skytree. C'est apaisant.

— C'est un plaisir de vous revoir monsieur, votre vol s'est bien passé ?
Le grand sourire de Chesters est contagieux.
— Oui très bien, le plaisir est partagé Chesters. Les bagages de mademoiselle Anderson sont à l'intérieur, peux-tu...
— En fait, elle me coupe. Je les ai prises.
Mon chauffeur et moi, nous tournons vers elle qui affiche un sourire satisfait. J'ouvre la bouche pour rétorquer quelque chose mais Chesters ne m'en laisse pas le temps.
— Ne vous encombrez pas avec cette valise, mademoiselle.
— Je vous remercie mais, ça ne sert à rien de vous déranger pour moi, elle n'est pas si lourde. Non mais quelle têtue !
Avec une jolie grimace, elle tente de soulever son barda. Amusé par le ridicule de la situation, je me courbe et murmure à son oreille :
— Ne jouez pas les braves, Chesters sait ce qu'il a à faire. Je m'écarte, un fin sourire arrogant sur les lèvres, son regard exaspéré et froissé l'allonge de plus en plus. Décidément, ses réactions sont à chaque fois surprenantes.
— En aucun cas je ne joue les braves ! Je ne veux simplement pas l'embêter pour si peu et puis d'ailleurs, où sont vos affaires à vous ?
Le grand retour de la tigresse impolie. La manière dont elle oublie ma position et la sienne me plaît. Je n'ai pas l'habitude que l'on me réponde de cette façon mais venant d'elle, ça me plaît vraiment.
— Chez moi.
— Chez vous ?
Je viens de le dire.
— Oui, à Tokyo.
— Vous habitez à Tokyo ? S'écrie-t-elle, les yeux en soucoupe. Mais, j'ai réservé deux chambres dans un hôtel...
Ses joues virent au rouge. Est-elle gênée de venir chez moi ?
— Elles sont annulées.
— Vous avez fait quoi ? S'énerve-t-elle, les poings sur les hanches. Une ride se creuse entre ses sourcils. Mince, j'ai merdé ? Je ne vois pas où est le problème, ce n'est pas comme si cela représentait quoique ce soit.
— Eh bien, on dirait que votre tempérament ne s'est pas amélioré en vol.
— Je vous demande pardon ? Longue à la détente en plus de cela ? Qu'elle est agaçante...
— Bon, cessez de jacasser et monter dans cette voiture avant que je ne vous laisse plantée au centre d'une piste d'atterrissage.
Paniquée, elle regarde autour d'elle et se jette à moitié dans l'Acura. Un gloussement m'échappe et je grimpe à mon tour. Gale ne cesse de me harceler par mails, à croire qu'il s'inquiète réellement pour moi. Qu'est-ce que ça peut bien lui faire que nous soyons bien arrivés ? Il n'est plus directeur. J'ignore ses messages et range mon téléphone dans la poche intérieure de ma veste. La fatigue me taquine les yeux, le décalage horaire n'est clairement pas une partie de plaisir. Tokyo m'a profondément manqué, je n'y suis pas allé depuis mes 17 ans. Wow...Retrouver les banderoles colorées, les grands écrans diffusant des milliers de publicités et cette odeur de nourriture, de ville et de fraîcheur ça me rend nostalgique. J'aime cette ville, peut-être plus que Manhattan.
— Demain matin, nous irons visiter le jardin Sankei-en à Yokohama. Yokohama, maman adorait cet endroit.
— D'accord.
Elle semble exténuée, sa réponse endormie me laisse deviner la fatigue qu'elle tente de dissimuler. Je ne suis pas le seul à subir ce fichu décalage horaire...
— Nous sommes arrivés, monsieur.
— Bien, peux-tu t'occuper des affaires de mademoiselle Anderson ? Monte-les directement dans sa chambre.
— Si cela ne vous dérange pas, je vais le faire moi-même. Si, ça me dérange.
Elle est en état de fatigue et je ne veux pas prendre le risque qu'elle se blesse pour rien avec cette gigantesque valise.
— Le vol a été long, vous devez vous reposer.
Avant qu'elle ne puisse me contredire, je sors de la voiture et ferme la portière sous son nez. Méthode de gamin mais je m'en moque. En poussant la porte d'entrée, je saisis immédiatement le visage jovial de cette femme qui m'a pratiquement éduqué.
— Adan ! Bienvenue chez toi.
J'avance à grands pas vers elle et la serre dans mes bras. Elle est si petite maintenant.
— Merci Aiko, ça fait longtemps.
— Tu as tellement changé ! Tu es beaucoup plus grand et plus fort visiblement.
Elle palpe mes bras de ses petites mains. Oui, j'ai changé. Mais elle, non. Au contraire, elle ressemble à la même femme que j'ai connue, souriante et vive d'esprit. Une boule de joie.
Du plus tôt que je me souvienne, Aiko a toujours fait partie de ma famille, elle est importante à mes yeux. Après la mort de ma mère, mon père a eu la brillante idée de nous envoyer à l'autre bout du globe comme pour se débarrasser des mioches qui traînaient dans son dos et qui lui prenaient la tête. C'est elle qui nous a élevés, c'est elle qui nous a guéris.
— Alors c'est bon ? Te voilà enfin P-DG de l'entreprise Brown. Et dire que petit, tu ne voulais absolument pas reprendre le flambeau familial.
— Ouais. J'aurais pu me barrer, comme l'a fait Connor. Aiko n'a pas le temps de s'apercevoir du voile de tristesse qui couvre mes prunelles que la porte s'ouvre dans mon dos.
— Oh, mais qui est cette sulime jeune femme ?
En un souffle, Aiko fonce vers Naomi et l'attire dans ses bras. Le visage écarlate de Naomi me fait sourire. Elle est belle, rouge comme ça.
— B...bonjour.
— Polie en plus de ça, vous avez l'air terriblement fatiguée...Venez avec moi.
La concernée me lance un regard affolé avant de disparaître dans le long couloir, tirée par la poigne féroce d'Aiko. Je pense qu'elle a besoin de se détendre et surtout de se reposer.

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Une petite photo du Japon pour vous faire rêver !

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Haut Niveau - Tome 1 -Où les histoires vivent. Découvrez maintenant